Abdallah Zekri : «Le drame d’Annecy a réveillé les démons de la xénophobie»
Algeriepatriotique : Un drame terrible vient de se produire à Annecy, lequel a donné lieu à l’habituelle récupération politico-médiatique. Quel commentaire en faites-vous ?
Abdallah Zekri : Ce qui s’est produit à Annecy où des enfants ont été attaqués au couteau est inimaginable. C’est tout simplement un acte ignoble que je condamne de la façon la plus ferme. Je préfère néanmoins ne pas entrer dans une polémique stérile avec ceux qui ne s’embarrassent d’aucun scrupule dans ce genre de circonstances douloureuses et nous abreuvent de leur rengaine haineuse envers la communauté immigrée. Que l’auteur du crime soit musulman ou chrétien ou même athée, cela ne change rien, ils sont toujours là, dans la position du sniper embusqué, à attendre la moindre occasion pour tirer sur leur cible habituelle. Je me contente, quant à moi, d’exprimer ma solidarité pleine et entière à l’égard des parents de victimes et remercie Dieu que tous les enfants aient pu survivre à cette horreur qui a réveillé les démons de la xénophobie.
Après le hidjab, une nouvelle polémique concerne l’abaya, cette fois-ci, un habit ample prisé par les jeunes filles en ce moment. Alors, habit religieux ou effet de mode, selon vous ?
L’abaya n’a rien d’un accoutrement religieux. C’est un habit traditionnel des pays du Golfe, notamment, mais qui a été mis au goût du jour, modernisé. On le voit chez les femmes émiraties notamment. On ne peut dire que les Emirats soient un pays extrémiste. Cette nouvelle polémique participe de la même logique que la récupération de la tragédie d’Annecy. Elle est une façon pour les mêmes milieux islamophobes au sein de la classe politique et dans les médias de fustiger l’islam et les musulmans. Désormais, tout ce qui renvoie à cette religion est à diaboliser, alors que l’abaya n’a rien à voir avec la pratique religieuse. C’est un vêtement qui dénote la pudeur dans les sociétés arabes où la femme ne doit pas exhiber son corps à l’extérieur. Ceux qui l’assimilent au hidjab ou au tchador savent pertinemment qu’il n’a rien à voir avec ces signes religieux et qu’il n’en est pas un, mais ils font exprès de créer l’amalgame pour cliver la société française et créer des conflits intercommunautaires dans une France déjà assez fragile comme ça.
Vous venez d’être réélu à l’unanimité à la tête de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie. Quelles perspectives tracez-vous à cette institution relavant du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?
L’Observatoire de lutte contre l’islamophobie est la seule instance qui défend réellement les musulmans de France contre les actes et les propos qui les visent. Les tentatives de lui substituer d’autres structures sont vaines car la communauté musulmane de France ne s’y reconnaît pas. Nous continuerons à nous dresser avec fermeté face à toutes les attaques contre l’islam par l’action sur le terrain. L’Observatoire recourra à la justice à chaque fois que les musulmans seront atteints dans leur religion et dans leurs croyances séculaires. Nous défendons l’islam du juste milieu et nous nous battrons contre les extrêmes, d’où qu’ils viennent, par les moyens légaux.
Mais le président français a dissous le CFCM et a créé le Forum de l’islam de France (FORIF) à sa place…
Ni le Président, ni le ministre de l’Intérieur ni aucune autre autorité n’est habilité à dissoudre ou à interférer dans le fonctionnement du CFCM. Ce dernier demeure, par ailleurs, le seul vrai réceptacle des différentes composantes de l’islam en France qui y sont représentées de façon équitable et qui y jouent un rôle prépondérant dans l’organisation de la religion musulmane, éloignée à la fois des influences extrémistes et des injonctions de l’Etat. Le CFCM continue donc de remplir sa mission, et son apport sera d’autant plus utile et conséquent que la dernière assemblée générale a été couronnée par un nouvel organigramme qui lui permettra, grâce à la diversité qui est son credo, d’être encore plus efficace. Pour ce faire, une nouvelle direction a été désignée qui est chargée d’organiser les futures échéances de sorte que les nouvelles instances soient élues démocratiquement, de la base au sommet. Les nouveaux statuts du CFCM ont, en effet, mis fin à la cooptation et à la présidence tournante.
Propos recueillis par Kamel M.
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