Le carnaval des guignols de l’info français qui jouent leur meilleur show
Une contribution d’Ali Akika – «Tout empire périt par la tête.» Cette idée connue sous d’autres formes, on la retrouve sous la plume acérée du grand Ibn Khaldoun, qui théorisa la classe détentrice du pouvoir vautrée dans son mode de vie et fermée aux bruits du monde. Ce qui la rend sourde et aveugle aux contradictions qui agitent la société. Et le premier handicap de la surdité, c’est la perte du langage. C’est ce à quoi nous avons assisté ce 24 juin 2023 face à un événement qui se déroulait en Russie. L’événement en question fut nommé sous divers vocables, coup d’Etat, mutinerie, rébellion, mascarade, etc. Disons tout de go, peu importe le mot utilisé, la meute médiatique tirait dans la même direction contre un vieux ennemi magistralement défini par Karl Marx sous l’expression «un spectre hante l’Europe ».
Commençons par la notion de coup d’Etat. Tous ceux qui ont une connaissance minima des coups d’Etat, et Dieu sait qu’il y a eu des coups d’Etat passés au crible des intelligences les plus lumineuses, rappellent aux guignols de l’info la définition du concept d’Etat. Pour ces guignols, l’Etat c’est l’ensemble des administrations qui gèrent une société. Les intelligences lumineuses, citées plus haut, qui voyagent dans les territoires orageux et même volcaniques, définissent l’Etat comme bras armé du Politique. Il est évident que nos guignols occupent les médias non pour diffuser les faits et vérités de l’histoire mais pour noyer l’opinion sous leur poison et mensonges. Inutile de rappeler leurs faits d’armes en Palestine, en Irak, Libye et leur hystérie contre la Russie, un rocher de granit difficile à transformer en poussière et qui se moque de leurs mesquineries.
Voyons à présent la jubilation des guignols à s’appuyer sur les infos et commentaires de leur soi-disant ennemi désigné et inscrit sur les tables de la loi comme terroriste et mafieux, le dénommé Prigojine. Je ne leur fais pas grief sur le plan moral mais pour leur faire remarquer que leur angoisse et leur haine, leur cupidité leur font choisir un canasson dans une course où concourent des guerriers chevauchant sur des pur-sang. Car le Prigogine ne fait pas partie du bras armé de l’Etat russe en question qui paie ses services et détient ses stocks d’armes. Ô bien sûr, dans n’importe quel pays, une bande peut se procurer des armes et menacer l’ordre public mais être capable de fomenter un coup d’Etat, seuls les naïfs, pour rester poli, peuvent penser le contraire. Et ces naïfs oublient que toute société est traversée par des contradictions, et celles-ci sont souvent signe de vitalité et non une tare. Le politique existe précisément, pour les régler d’une certaine manière, pour éviter l’éclatement de l’Etat qui attire des rapaces en embuscades pour sauter et saisir l’aubaine qui se présente à eux. Et les contradictions constatées en Russie, c’est du pipi de chat comparé à l’envahissement du Temple de l’Etat américain, le Congrès américain. Alors, quand on entend ces hommes politiques parler de fissure, de faiblesse de l’Etat russe, on a envie de leur dire de vous occuper de la poutre qui décore votre regard au lieu de jouir de la paille de votre collègue du pays voisin…
Ainsi, faute de regarder la réalité les yeux ouverts et l’esprit nourri, non du théâtre de boulevard, mais des leçons de l’histoire, on eut droit au tripotage de la même fabrique de mensonge depuis le début de la guerre en Ukraine. Liberté est prise avec le chiffre de 25 000 soldats à l’assaut de Moscou. Pendant toute la journée du samedi 24 juin, la fabrique à mensonges fonctionna à plein tube et l’ambiance était à la fête. On retrouvait la même ambiance de délire et d’hystérie du début de l’attendue contre-offensive ukrainienne qui allait rejeter l’armée russe de l’autre côté des frontières. Hélas, en fin de journée, le 24 juin, vers 19 h, la nouvelle provenant de l’autoroute de Moscou annonçait que la troupe de Prigojine tournait casaque et battait en retraite vers son point de départ. L’ambiance changea alors et ressembla à celle de la contre-offensive du début juin où sur le champ de bataille brûlaient les chars Léopard allemands et les Bradley américains.
Le lendemain, 25 juin, le dépit remplaça l’hystérie de la veille et l’on commença à s’interroger sur la mauvaise pièce de théâtre en se demandant si, de New York à Paris, en passant par Londres, l’Occident n’avait pas été victime d’un rêve collectif qui tourna en morne paysage (rappel de la défaite de Napoléon). Faute d’avoir cueilli les fleurs, mangé et bu à la victoire, on se contenta de philosopher sur les sombres lendemains qui attendraient le président Poutine. Disons en passant que ceux qui n’arrivent pas à sentir les brûlures du feu du réel du moment, il ne leur reste que les lendemains qui chantent pour rêver et se rassurer. Faute de pouvoir dresser la liste et nommer les forces politiques nécessaire à un coup d’Etat, je signale que tout putschiste potentiel doit occuper un poste névralgique dans l’appareil, avoir des complices contrôlant des postes clés dans l’appareil d’Etat.
Une dernière chose sur la réalité qui échappe à ces «rêveurs» du début juin à fin 2023. C’est l’utilisation abusive du jeu de comparaison avec des événements que les cinéastes prennent la précaution d’inscrire sur le générique avant le début du film «toute ressemblance avec des événements connus ou à venir est fortuite». Ceci pour dire que «la marche sur Moscou» comparée à celle de «la marche de Mussolini à Rome en 1922» est une imbécilité sans nom. Cette liberté prise avec les forces de l’histoire, l’époque, le fond, la forme et le destin de Mussolini et les comparer avec l’erreur d’un Prigojine qui aurait dû ne pas confondre savoir manier une arme et la Politique qui est un art suprême, selon Aristote.
Après le carnaval des guignols de l’info, un mot sur la théorie de la fameuse Maskirovka (ruse de guerre, manipulation/désinformation). Certains écrits ici et là pensent que Prigojine a joué un rôle dans ce pseudo coup d’Etat. Je prête à ce genre de spéculation un minimum d’infos crédibles, à condition que la manipulation ne se retourne pas contre son auteur en cas d’échec. J’ajoute que la manipulation joue contre un ennemi mais jamais contre son appareil d’Etat. L’intervention du président Poutine le matin du 24 juin a balayé les doutes et les hypothèses qui peuvent traverser l’esprit en temps de guerre où tous les coups sont possibles. Poutine était énervé et en colère mais complètement maître de lui et, à l’évidence, connaissait bien la situation en cours. Mettre à mal l’appareil d’Etat alors que trente pays de l’OTAN vous menacent et la manière folklorique de l’amateur Prigonjine qui dirigeait le cirque était l’image diamétralement opposée de la réputation des services de sécurité de l’Etat russe qui ont eu affaire à des adversaires aussi retors et redoutable qu’eux ont fini par effacer mes doutes et ne donner aucun crédit à la thèse de la Maskirovdka. L’agitation de Prigojine était un fait mais ne nécessitait pas une réaction de panique mais plutôt une maîtrise de la gestion de la situation. Ce qui a été fait par l’appareil d’Etat dans le calme, comme le montrent des images en direct des rues de Moscou.
En revanche, la maîtrise de l’agitation créée par Prigojine en pleine guerre en Ukraine ajoute un plus à la stratégie militaire russe qui a conquis 20% de territoire et brisait la première vague de la contre-offensive ukrainienne. C’est pourquoi les «experts» qui jacassent sur les échecs militaires russes ajoutent à leurs médiocres analyses le ridicule qui leur fait perdre toute crédibilité…
Un dernier mot sur le dépit et la frustration de nos guignols. Après avoir chanté en espérant que Prigonjine allait concrétiser leur rêve fou, nos guignols ont pleuré. Ils ont séché leurs larmes et sont repartis de plus belle à leur sale et bouffonne manie de l’arrogance. Ils s’étonnent et s’offusquent que Poutine n’ait pas pris la parole, exigent qu’on leur donne des nouvelles de Prigonjine. Ce genre d’individus qui prétendent vouloir régir le monde à leur manière, à leur folie, représentent l’image détestable qui ont fait fuir le Sud collectif et que la diplomatie occidentale veut ramener dans son giron. Eh bien, ce n’est pas gagné, ni aujourd’hui ni demain, tant que l’arrogance demeure la seule boussole la meute médiatique.
A. A.
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