De Jénine à Nanterre ou le droit de tuer le Palestinien et l’immigré

La violence en France est devenue monnaie courante. D. R.

Une contribution de Saadeddine Kouidri – Si l’armée israélienne a fini par avoir le droit de tuer le Palestinien, la police française revendique celui de tuer l’immigré. Depuis qu’elle a le droit de tirer, elle ne s’en prive pas. Ce n’est pas la première fois que le refus d’obtempérer se termine par le coup de feu, comme, lors de l’assassinat de l’adolescent Naël. C’est ce qui renforce l’institutionnalisation du racisme et rend l’injustice banale aux yeux du citoyen gavé par des récits et des informations mensongers, qui, à long terme, finissent par le familiariser avec l’histoire des bourreaux, qui culpabilisent l’autre, la victime forcément.

Remettre en cause l’histoire du progrès telle qu’elle est contée par l’Occident devient une nécessité pour mieux se défendre, ne serait-ce que pour préserver sa santé, sa dignité. L’école algérienne actuellement en est incapable, elle, qui fait fi de nos valeureux écrivains tels Dib, Mammeri, Djaout… L’absence de nos génies dans le programme scolaire, dans le cinéma, dans le jeu vidéo nous donne un aperçu de l’orientation antipatriotique de l’enseignement. Cette absence fragilise nos enfants face à l’écran et surtout dans la fabrication des jeux vidéo où les stéréotypes de race et de genre dominent. Ce chemin qui tourne le dos à notre révolution est tracé bien avant l’éloignement de Benghebrit et de la mise à l’ombre de Khalida Toumi qui, toutes deux, nous rappellent celui de Mostefa Lacheraf. Quand la réaction est à la manœuvre, la production culturelle et spécifiquement celle de l’image est gelée, aveugle.

L’assassinat du jeune Naël n’est que la énième tentative de la police française pour aller tacitement vers la légitimité de tuer l’autre, cet héritier des bidonvilles. Nanterre est la plus représentative pour franchir le rubicond. Ce n’est pas du complot. Il jaillit de l’héritage des institutions. Un exemple parmi d’autres : en 1962, l’OAS voulait couper le fil ombilical avec la France et garder l’Algérie pour leurs patrons, les colons pieds-noirs uniquement. Aujourd’hui le syndicat de la police déclare : «Nous sommes en guerre !» Toujours contre l’autre, évidemment ! Hier, l’autre était l’indigène, le juif… Aujourd’hui, ils sont les héritiers, à la fois de l’émigration naturelle sans discontinuité, celles des auxiliaires forcés ou volontaires de la colonisation, celles des éternels colonisés et, enfin, celles des patriotes qui s’émancipent et émancipent la civilisation universelle à leurs tours.

Aux yeux du raciste, l’autre n’est à sa place nulle part, sinon en marge de la société, à l’image du clandestin pour être taillable et corvéable à merci, copie de ses grands-parents. Une autre façon de remettre en cause les acquis des patriotes et des indépendances, dans le but de maintenir l’héritier dans le récit national de l’Empire. C’est d’autant plus facile à faire que «les salariés de la Part de Dieu travaillent au milieu des rats» titre l’Huma du 29 juin 2023.

Qui mieux qu’un policier pour exécuter un acte spécifique au système social de l’Empire colonial français ? Quelle est la victime-type si ce n’est un adolescent héritier du bidonville de Nanterre ? Non, ce n’est pas un acte individuel d’un policier sur un jeune orphelin dans une voiture de luxe louée, mais la conséquence de la pratique du discours raciste officiel de l’Empire colonial français qui ne s’interrompra que lorsque l’Empire sera vaincu. Si les émeutes se succèdent, c’est parce que les intellectuels, les partis politiques, les syndicats… parlent du colonialisme au passé et entretiennent par conséquent le discours officiel de l’impérialisme à ce sujet. Une option qui tourne le dos à une organisation anticolonialiste continue à faire défaut à tous nos camarades et frères. Qui ne laisse place qu’à la seule expression politique possible qui est l’émeute que les forces de la répression sont capables de mater, et pas seulement.

L’Occident a plus d’une ONG pour braquer le regard de ses citoyens à l’extérieur, sur le Sud, en transformant tous les leaders de nous autres en ennemis de leurs peuples. Leur mensonge est efficace car il recèle une part de vérité ! C’est éventuellement avec une Organisation non gouvernementale décolonialiste que les Africains pourraient, éventuellement, discuter d’une réconciliation et de l’histoire commune de la décolonisation que les révolutions dont celle de l’Algérie de 1954 ont enclenché.

Nous ne cesserons jamais d’être fiers de notre peuple qui a été le premier vainqueur du colonialisme de peuplement. Cette victoire d’une lutte en quatre phases a duré 132 ans. Elle commence par une résistance populaire qui a sauvegardé le peuple, sa survie. Elle se poursuit par des contres offensifs à travers tout le territoire à des périodes et à des endroits différents suivant l’offensive de l’armée impériale. Grâce à l’expérience qui nous a coûté un prix fort, des millions de morts, le peuple n’assimile en fait qu’à moitié la leçon des limites de la glorieuse Résistance populaire face à la violence de la deuxième armée du monde. La recherche d’une solution purement politique (Emir Khaled, Messali) s’est imposée à eux dans ces circonstances, car ces politiques avaient déduit, comme tant d’autres, historiens inclus, que la Résistance avait été vaincue.

Enfin, la Révolution de 1954-62, riche de toutes les leçons de l’échec des organisations politiques démocratiques, électoralistes, bourgeoises, sans armée donc, donne enfin le Front de libération nationale, accompagnée de l’Armée de libération nationale (FLN/ALN) le 1er Novembre 1954 qui impose l’indépendance à l’Empire colonial français dirigé par De Gaulle adossé à l’OTAN.

A la quatrième nuit des émeutes, le ministère de l’Intérieur français recense, entre autres, l’attaque de 31 commissariats, 16 postes de polices, 11 casernes de gendarmerie.

Le jour même, deux annonces dans la presse : 1 – au moins 79 soldats ont été tués, 80 terroristes ont été neutralisés, a indiqué vendredi l’armée burkinabè ; 2 – Jénine est bombardée par Israël. Quand on dit à un raciste d’arrêter ses tueries, il crie à la décivilisation.

Le premier acte politique des BRICS est la dédollarisation du monde des échanges. Fournir au monde la possibilité de commercer dans sa propre monnaie, dans celle de son choix ou dans une monnaie commune, insuffle la liberté aux peuples qu’oxygénera le Mouvement des Non-Alignés dont la réunion ministérielle des 5 juillet à Bakou remet en cause le rapport de force actuel à l’0NU. La remise en cause de la suprématie du dollar et la pratique abusive du veto vont stopper le règne de la loi du plus fort qui sévit depuis Séville et la chute de l’Andalousie et que dénonce opportunément la secrétaire états-unienne en Chine pour sauver son commerce !

Nous comprenons que si les BRICS donnent de l’espoir, c’est parce qu’à défaut de combattre le capitalisme, dont il fait partie, il va en élaguer les oripeaux comme le racisme, l’esclavagisme, le colonialisme, le sionisme et enterrer à jamais les avatars des… OAS, FIS, EI, Daech, Al-Qaïda, le droit à Israël d’assassiner le Palestinien, au policier français d’assassiner les Naël et aux agents états-uniens d’étouffer le Noir.

La cerise sur le gâteau est la création de l’Association des amis de la Révolution algérienne (AARA) avec comme «premier objectif principal est d’assumer la pérennité de cet événement historique», dixit son président, Noureddine Djoudi. Il rappelle dans l’entretien qu’il a accordé à Karim Aoudia dans El-Moudjahid que notre Révolution n’a pas été menée uniquement dans l’intérêt de la libération de l’Algérie. L’intitulé de l’entretien est «Notre Révolution a été au cœur de l’humanité». L’Association, pour être en conformité avec son objectif, ne doit-elle pas conjuguer cette dernière affirmation au présent ?

Cette semaine, le roi des Pays-Bas, lors de ses excuses sur son passé esclavagiste d’il y a 150 ans, avoue que «les conséquences se font encore sentir aujourd’hui dans le racisme» chez ses Néerlandais. Macron ne l’a certainement pas écouté.

Janet Yellen, la secrétaire états-unienne au Trésor souhaite enfin une concurrence saine, et pas la loi du plus fort, disait-elle ce vendredi au Premier ministre chinois, Li Qiang. Après s’être aperçue qu’en restreignant le commerce des puces, que deux métaux, le gallium et le germanium, indispensables à la fabrication des indispensables aux semi-conducteurs sont chinois.

Comme on le constate, les Etats-uniens se passent de la loi du plus fort. Ce n’est que l’exception qui confirme la règle, car la recherche du profit caractérise son système que Karl Marx (1818-1883) a schématisé dans le paragraphe suivant : «Le capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et, à 300%, il ne recule devant aucun crime.» Comme le serpent qui se mord la queue, il revient à la première loi de la nature, la loi du plus fort, celle de l’élimination, celle de la concurrence déloyale. Sauf que la loi naturelle n’est pas figée naturellement mais artificiellement à dessein par des intellectuels qui naturalisent l’économie, politisent l’écologie. Charles Darwin (1809-1882) prouve en 1876 le développement historique de la nature. Pour maintenir leurs assertions, les intellectuels du libéralisme ajoutent à ce développement celui de l’économie, et qui donne le darwinisme social de Spencer. La confusion entretenue sciemment et non pas toujours par ignorance a le but de faire du capitalisme un système naturel, «indéologisé» sans idéologie, pour pousser toute alternative à ce système dans un cul-de-sac.

S. K.