La condition pour un retour à la Proclamation du 1er Novembre 1954
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Le 11 décembre 1960, le peuple sans arme est sorti pour dire à De Gaulle que l’Armée de libération nationale, l’ALN, ce peuple en arme, avait passé le relais de la gloire qu’elle détenait entre ses mains à ses diplomates pour les mettre au diapason à l’échelle internationale, au sein de l’ONU et ailleurs jusqu’au jeune sénateur J.-F. Kennedy – qui deviendra président le 20 janvier 1961. Le peuple répète à De Gaulle et à sa République coloniale une seconde fois le 5 juillet 1961 à travers les rues algériennes par un bacchanal de sorte que les sourds puissent entendre le son de notre lutte d’indépendance.
Le mouvement citoyen surnommé Hirak du 22 février 2019 est, quant à lui, l’oxygénation qui permit le retour du peuple sur la scène politique où il demeurait depuis que la Proclamation du 1er Novembre 1954 l’avait invité et d’où les pouvoirs de Chadli et de Bouteflika l’avaient évincé.
Malheureusement, l’opportunité d’entamer un retour définitif à la source nous a échappé. C’était lorsqu’il a fallu dégager Rachad et le MAK ou, du moins, entamer une offensive frontale contre ces représentants de l’islamisme et du séparatisme. Prendre l’initiative de dégager Rachad nous aurait permis d’ouvrir une perspective claire, crédible qui aurait été suivie d’une décantation positive du mouvement à partir d’un fait majeur qui est celui de la lutte contre l’islamisme, qui demeure encore à la tête de la Réaction malgré sa défaite face à l’ANP adossée aux patriotes.
La Révolution algérienne n’est pas achevée tant que l’Etat algérien n’est pas «démocratique et social», comme le stipule la Déclaration du 1er Novembre 1954 qui précise «dans le cadre des principes islamiques» faisant référence à la civilisation, à la culture des Maghrébins et non à la religion comme il est dit depuis Chadli, puisque la Proclamation parle de mouvement révolutionnaire, de lutte révolutionnaire, de principes révolutionnaires et à aucun moment de djihad, de moudjahid ou tout autre référence, ne serait-ce que par un seul mot à connotation religieuse. Il n’existe donc aucune référence à la religion dans la Proclamation du 1er Novembre 1954. La falsification de document s’est faite pour soustraire au peuple sa grande victoire sur le colonialisme et ses valets et la donner aux usurpateurs aux antidémocrates aux antisocialistes, à ces opportunistes dont le slogan étaient la Transition lors du Hirak (mijotée à Matignon) aux conservateurs, à l’instar de ceux qui attribuent à de Gaulle l’indépendance de l’Algérie. Le mensonge est une qualité du colonialisme, des antidémocrates, des islamistes et à toute la réaction biberonnée par l’Occident décadent.
Le slogan «Dégage Rachad» que nous avions brandi n’a pas été suivi car le charme de la démocratie bourgeoise plombait la rue où, à ce moment, dominait le slogan de la Transition concocté par Matignon et relayé par des plumitifs à ses services. Ce n’est pas par quelques sous de plus qu’un leader devient un traître. Il le devient quand il est, non pas le porte-voix de son programme mais de celui de la colonisation et du libéralisme. Dans cette situation, notre manque de solidarité constant avec le carré des femmes révélait nos faiblesses.
Encore une fois, je fais référence à ce que je pensais au temps du Hirak. J’écrivais que le mouvement avait prouvé que le grand nombre des manifestants et la «silmiya» étaient des atouts majeurs pour imposer une présence dans les rues et places à travers toute l’Algérie malgré l’interdiction des autorités, comme en décembre 1960. En décembre 1960, le mouvement était adossé au FLN/ALN. Si le mouvement du 22 février 2019 prouve encore une fois l’efficacité de la spontanéité du peuple face à l’injustice, l’absence d’un slogan anti-réactionnaire a été son talon d’Achille. L’absence de carré dans ce cas, clamant exclusivement des slogans révolutionnaires, face à la présence de plus en plus d’activistes réactionnaires adossés à une instrumentalisation d’une partie de la justice par la «issaba» ont fini par essouffler les manifestants. On était dans une situation semblable au 11 décembre 1960 qui aurait échappé au FLN/ALN ! La leçon à retenir est d’élever la conscientisation à plus de justice et d’égalité, tout en aiguisant des slogans pour les libertés entre les hommes et les femmes, pour de moins en moins de chômage, pour un enseignement gratuit et moderne, pour une meilleure prise en charge des plus démunis, des handicapés, des malades, pour plus de justice dans notre pays et dans le monde. Pour une adhésion aux BRICS, pour une solution politique à la crise au Niger.
Le 5 de ce mois, le président Tebboune rejoint l’aspiration principale du Hirak qu’il a toujours qualifié de «béni» par l’annonce de la révision de la loi organique relative aux partis politiques, en affirmant que si ces derniers sont libres de leurs propres programmes, c’est à la condition de respecter l’unité nationale et la Proclamation du 1er Novembre qui appelle à l’édification d’un Etat démocratique et social. Ce retour de l’Etat aux principes de la Révolution ne peut se réaliser que s’il élague du fronton de la Proclamation ce que Chadli a inséré et, enfin, pouvoir dénoncer l’islamisation de la radicalité que M. Rahabi considère comme l’une des plus grosses manipulations du siècle.
S. K.
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