Interdiction du film Barbie : au service de la doxa
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Si le film Barbie parle de «scènes destinées à un public adulte», pourquoi le censurer au lieu d’en écarter les jeunes seulement ? Il est vite écrit sur les réseaux sociaux que le refus de Barbie est dû aux barbus, cette propagande est faite par l’extrême droite pour son allié l’obscurantisme religieux, omettant dans leur aveuglement que la censure relève d’un ministère du gouvernement algérien. Ce qui pose plus de problèmes. Des apparatchiks qui ont certainement le physique de leurs idées, à l’image de ce gros barbu qui commence par faire des éloges et finit par conseiller aux autorités d’interdire le film.
Personne n’a le droit d’interdire un film, un livre… puisque personne n’est obligé d’en consommer et, surtout, que la loi fixe l’égalité et ne permet à personne de s’arroger le droit de la morale.
Interdire un film, c’est empêcher l’accès à une image forte qui véhicule une idée dans le monde, dont le sens ne peut être perçu qu’individuellement parce que le cinéma est encore un art. Oui, ce n’est pas nouveau que Hollywood et sa sphère véhiculent l’idéologie du libéralisme. A moins de dépasser cette dernière. Le censeur s’attaque à un moulin à vent, se ridiculise et se permet de nous ridiculiser. Je proteste.
Il y a beaucoup d’Algériens qui sont des libéraux et ils ont le droit, et nous avons le devoir, qu’ils puissent suivre l’évolution de ce monde à la pointe du libéralisme à travers le cinéma qui anticipe sur le monde réel pour qu’ils puissent juger de leur engagement avant qu’il ne soit trop tard. Le 7e art, quoi qu’on en dise, est toujours positif pour ceux qui veulent se donner la peine d’encourager la critique en ouvrant de larges débats. La meilleure façon de répondre à un film est de produire un autre film et des critiques. Effectivement, le cinéma occidental a toujours l’ambition de pallier ses réalités amères, ses crises par une fiction qui fait plus vrai que vrai grâce au cinéma. Cette tâche est du domaine d’Hollywood qui s’y attelle depuis ses débuts avec Griffith dès 1915. D’entame, il réalise La Vie d’une nation qui n’est rien d’autre que le premier blockbuster raciste et responsable du renouveau du Ku-Klux Klan, et la nostalgie de l’esclavage. Il est considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma grâce à ces prouesses techniques qui obnubilent le spectateur.
L’art est toujours au service de la classe dominante et pour pallier ses déroutes, l’idéologie libérale s’en sert sans discontinuité. Le cinéma est l’art spécifique aux idéologies. Si la lutte des peuples opprimés et la lutte de classe gagnent du terrain, qu’à cela ne tienne, le capitalisme crée d’autres antagonismes comme celui du genre. Mattel étant dans la poupée depuis si fort longtemps, s’engouffre davantage et émancipe son objet pour la bonne cause, celui de la femme au pouvoir. Pour le rendre vraisemblable, les extrémistes incluent dans le genre humain tous les genres naturels insistant sur le transgenre, le mettant en exergue. Ils le font sur tous les plateaux de télévisions occidentaux. Le débat à ce sujet ne fait pas rage chez nous. Un sujet tabou, contrairement à notre culture ancestrale, contraire à l’ordre social. La censure du film américano-britannique, Barbie, coécrit et réalisé par Greta Gerwig, sorti en 2023, est au service de la doxa, elle va à l’encontre de notre information.
Il ne s’agit point de faire du transgenre un exemple à suivre ou à condamner mais de le faire connaitre, sans plus. Avec Barbie, l’émancipation de la poupée mannequin commercialisée par Mattel depuis 1959 n’est pas dans la lutte de classes mais dans la lutte du genre et pour passer du patriarcat au matriarcat (dont nous sommes issus), on invoque tout le reste. La logique veut que tous les films états-uniens doivent être censurés, car tous font l’apologie du Capital, sauf qu’ils nous sont utiles dans la mesure où ils nous donnent un point de vue de la situation de ceux qui dominent le monde. Paradoxalement, leurs rêves nous révèlent le niveau de leurs sociétés bourgeoises, qui, du cow-boy à Barbie, pataugent dans l’individualisme qui s’avère toujours attrayant mais sans lendemain. L’individualisme (héros ou héroïne) est toujours une image qui est la marque spécifique du cinéma, riche malgré tout, pour celles et ceux qui réfléchissent. Ce n’est pas le cas des censeurs, honte à eux.
M. K.
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