Expansion des BRICS à six nouveaux pays : magistrale leçon de géostratégie
Une contribution d’Ali Akika – Réunis en Afrique du Sud, les dirigeants des BRICS ont envoyé un message on ne peut plus clair au monde. Ils ont mis en pratique la philosophie de leur organisation : solidarité, non-ingérence dans les affaires des pays et expansion des BRICS, conditions pour ouvrir des brèches dans le système actuel dominé par un gendarme. Dans mon précédent article «Du soleil pour les BRICS, des nuages au-dessus du dollar», j’avais écrit que les décisions qui seront prises nous renseigneront sur la nature politique de la démarche des cinq chefs d’Etat des BRICS. Une leçon de géostratégie du titre de l’article n’est ni une exagération ni une flagornerie de ma part.
Dans mon précédent article, j’avais mis l’accent sur l’importance des richesses de l’Afrique, de son rôle de carrefour entre les continents. Et ce facteur géostratégique était pleinement présent dans la tête des chefs d’Etat. Ce n’est évidemment pas un hasard si l’on trouve l’Egypte côte à côte avec l’Ethiopie dont on connait le contentieux à propos des eaux du Nil. Ce côte à côte va permettre, on l’espère, d’éviter la guerre des eaux qui pend au nez du monde entier. On remarque que l’Egypte est à la fois méditerranéenne avec sa fenêtre du phare antique d’Alexandrie et sa façade sur la mer Rouge, donc sur le Golfe arabo-persique. Quant à l’Ethiopie, elle est un vaste balcon sur cette Afrique des grandes forêts où gisent tant de richesses dans ses sols. Restons dans la région, lieu de rencontre de l’Afrique et du Moyen-Orient.
Les BRICS ont ouvert leur porte à l’Iran, à l’Arabie et aux Emirats. Ça n’a échappé à personne que ces trois pays, des voisins qui se regardent en chiens de faïence depuis toujours, ont trouvé plus intelligent de revoir leurs relations à la lumière d’une «lecture moins rancunière» de leur héritage de l’histoire. Ils ont pour eux leurs richesses (pétrole et gaz) qui attirent des convoitises et sont situés dans un Golfe dont les issues sont facilement contrôlables. Là aussi, comme entre l’Egypte et l’Ethiopie, il y a des contentieux territoriaux entre l’Iran, d’une part, et l’Arabie et les Emirats, d’autre part. La Chine qui entretient de bons rapports avec l’Iran et l’Arabie a mis en relation ces deux voisins du Golfe pour éviter une guerre qui ne peut servir que des puissances étrangères à la région. L’intégration de l’Iran, de l’Arabie et des Emirats outre l’atout géostratégique, possède du pétrole et du gaz dont on connaît le rôle dans l’économie du monde.
Avec le sixième adhérent, l’Argentine, on change de continent. Là aussi, nous avons affaire à une vision du monde global qui s’inscrit dans le long terme. Primo le Brésil, qui est déjà en pourparlers avec l’Argentine sur une monnaie commune dans leurs échanges économiques, aura un voisin important pour résister aux pressions extérieures. Les BRICS ont dû écouter avec un intérêt le président brésilien qui a expliqué le danger de l’arrivée possible au pouvoir en Argentine d’un représentant de l’extrême droite un zélote du fétichisme de l’économie «monétaire», comme le fut Augusto Pinochet qui renversa le président Allende.
Ainsi, les membres des BRICS ont mis sur la table tous les facteurs pour prendre les bonnes décisions en tenant compte des contraintes de chacun mais, surtout, en s’alliant avec le temps, le contraire du monde qui adhère au temps c’est de l’argent. Le deuxième sujet qui a été abordé est celui de monnaies locales pour favoriser les échanges entre les BRICS. La presse occidentale au service de la finance s’est moquée des BRICS, les accusant d’ignorance ou de naïveté de vouloir remplacer le dollar. Personne n’a avancé que le dollar va être balayé du jour au lendemain. Tous ceux qui suivent la politique des BRICS et qui ont une vision de l’économie non «psychologique» savent qu’une monnaie est le fruit d’un processus de production de richesses qui enfante une monnaie. Et non l’inverse. C’est pourquoi les BRICS invitent leurs membres à créer des monnaies numériques pour pouvoir échanger d’ores et déjà des marchandises entre eux sans passer par le dieu dollar. Et la Banque des BRICS a pour rôle de prêter de l’argent sans aucune condition politique pour favoriser une économie qui les sorte du sous-développement. Le contraire du FMI, de la Banque mondiale qui imposent des conditions politiques pour ouvrir les marchés au gadgets de l’Occident. Cette politique s’est traduite par la mort des cultures vivrières et la dépendance de ces pays vis-à-vis des pays industrialisés.
Conscient de la frustration que peuvent ressentir les 20 pays candidats à l’adhésion des BRICS, le président Poutine a tenu à intervenir jeudi de bonne heure, avant la clôture des rencontres. Il a annoncé que la Russie présidera les prochaines rencontres en 2024. Il a laissé entendre, entre les lignes, que de nouveaux pays deviendront des membres des BRICS et, entre temps, ces pays se prépareront à créer des monnaies locales et améliorer leur appareil de production. On a remarqué que les Etats-Unis se disent prêts à écouter, à «coopérer» avec les BRICS. Le président français Macron a même voulu se faire inviter aux rencontres des BRICS. Preuve qu’ils ont compris le message des BRICS qui se sont enrichis de six pays appartenant à des régions dont cinq se situent sur le chemin du déplacement des enjeux de l’Europe vers le Pacifique. Et le sixième, l’Argentine pays de Che Guevara qui se joint au Brésil pour soutenir le Venezuela et l’intrépide Cuba.
Pendant ce temps, les «experts» continuent de déblatérer en faisant passer la Chine et la Russie pour les nouveaux impérialistes en Afrique. Quand on voit le cheminement de ces «experts», passant de la victoire en chantant de Zelensky et du «rêve» américain d’affaiblir la Russie, pour finir par demander comme le fait Sarkozy d’en finir avec les illusions, on se dit que les Africains n’ont pas de leçons à recevoir. Ô oui, les BRICS ont donné une leçon d’histoire et de stratégie à ceux qui dirigent le monde en regardant les graphiques des Bourses de New York, Paris, etc.
A. A.
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