Niger : point de vue sur la dynamique militaro-populaire du 26 juillet 2023

renversement Niger
Manifestation de soutien au coup d'Etat au Niger. D. R.

Une contribution de Mohamed-Salah Benteboula – Le 26 juillet 2023 a eu lieu le renversement du régime du chef de l’Etat nigérien Bazoum par les dirigeants militaires. Les développements de la situation politique au Niger nécessitent une lecture la plus objective possible et la plus factuelle possible.

Le rôle que joue chaque pays frontalier du Niger dans ce dossier visera à faire évoluer l’avenir de l’Union africaine(UA). A ce sujet, les cartes politiques sont rebattues. Tout l’enjeu est d’œuvrer à la conservation de la stabilité politique du pays qui fait face à des enjeux sahéliens importants.

A cet effet, l’organisation régionale, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fixé, à compter du 30 juillet, un ultimatum d’une semaine pour assurer le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger. Or, il est important de souligner que l’ultimatum précède la déclaration de guerre, alors que le deuxième sommet extraordinaire de ladite organisation, tenu le 10 août au Nigeria, a pris acte de l’expiration de l’ultimatum accentuant la décrédibilisation de la CEDEAO sur le terrain de la médiation.

Cependant, il est utile de rappeler que l’article 53 de la Charte des Nations unies mentionne que «le Conseil de sécurité utilise, s’il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité».

Bien que la CEDEAO dispose d’outils juridiques pour une intervention militaire au sein de son espace et que le pouvoir d’interpréter sa charte revient à la conférence des chefs d’Etat de ladite organisation régionale, celle-ci est souvent qualifiée de sous-traitant de la Françafrique par certains courants du panafricanisme, alors qu’une partie de ses Etats membres n’a pas été colonisée par la France.

Au moment où le regard de la CEDEAO est tourné vers Niamey, la capitale du Niger, il ne faut pas feindre d’omettre les causes qui, d’une part, ont entraîné ce renversement de l’ordre constitutionnel et qui, d’autre part, doivent trouver une solution consensuelle ayant pour but de préserver la volonté de la souveraineté du peuple nigérien.

Le coup d’Etat n’est ni salvateur ni désastreux en soi, car c’est au peuple de décider de son sort. De plus, il est du rôle de chaque Etat de condamner ou non le coup d’Etat. Quand bien même les comparaisons trouvent leurs limites, rappelons que l’autoritarisme de Napoléon Bonaparte a été mis en place à la suite du coup d’Etat du 18 brumaire, qui consacre la primauté du pouvoir exécutif sur les assemblées. Pourtant, Napoléon Bonaparte est célébré dans les discours présidentiels. Pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres, c’est à Bonaparte, Premier consul, que le Code civil doit son existence.

En outre, la déclaration d’Accra sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique adoptée par les participants au Forum de réflexion organisé par l’UA, le 17 mars 2022, au Ghana reconnait que «l’Afrique demeure confrontée à des défis complexes, en particulier à des lacunes en matière de gouvernance et à une convergence de vulnérabilités et de défis sécuritaires».

A la lumière des défis soulevés par la Déclaration d’Accra figure notamment : la fraude électorale, l’ingérence politique et militaire étrangère, la manipulation des mécanismes de responsabilité des gouvernements, le détournement des bénéfices tirés des ressources naturelles au détriment de la population, les flux financiers illicites, le terrorisme et la corruption.

Ladite déclaration reconnaît également que «ces défis continuent d’entraver les efforts continentaux et régionaux visant à résoudre les problèmes de gouvernance socioéconomique, de paix et de sécurité, notamment la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement».

La réponse de l’UA à la série de changements anticonstitutionnels de gouvernement est à géométrie variable, en fonction des intérêts de ses Etats membres. La politique des deux poids deux mesures adoptée par l’UA dans le traitement des changements anticonstitutionnels compromet les principes et les objectifs de l’UA. Le renversement de l’ordre constitutionnel constituera pour chaque Etat membre de l’UA un test de reconnaissance diplomatique (maintien des relations diplomatiques, limitation des relations diplomatiques au niveau du chargé d’affaires ou rupture des relations diplomatiques) à l’endroit du nouveau régime politique nigérien.

M.-S. B.

Géographe

Commentaires

    "...c’est au peuple de décider de son sort..."
    24 août 2023 - 12 h 39 min

    Merci de bien vouloir nous indiquer le nom d’un seul pays de la Grande Afrique où cela a été possible.
    On a plutôt l’habitude de nous entendre dire avec force, un euphémisme, que nous ne sommes pas prêts pour participer à la décision de notre propre sort. Un comble, non?
    J’écris nous, car nous faisons partie de ce magnifique continent. Ni d’Europe, ni d’Asie.
    En fait, ne vous donnez pas la peine de chercher, vous n’en trouverez pas.
    Salutations citoyennes (en devenir).

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