Bruit de bottes au Sahel : le même scénario qu’en Irak se joue à nos frontières
Une contribution d’Aziz Ghedia – En 2003, pour faire sa guerre contre l’Irak, le président américain W. Bush avait fait fi du droit international et de toutes les résolutions de l’ONU l’enjoignant à ne pas se lancer dans cette aventure aux conséquences incalculables et pour les peuples de toute la région du Moyen-Orient et pour l’armée américaine.
Mais Bush, encouragé par certains de ses alliés inconditionnels, notamment Tony Blair (que la presse de son propre pays avait qualifié, à l’époque, de «caniche» de Bush), fit la forte tête et s’en alla en guerre quand même. Aujourd’hui, nul ne peut nier ce fait : l’armée américaine s’était bel et bien enlisée dans le bourbier irakien pendant longtemps. Coincés entre le Tigre et l’Euphrate, les GI’s ne pouvaient plus, si l’on peut dire, faire des incursions en dehors de Bagdad sans enregistrer de pertes dans leurs rangs. A tel point qu’on avait accusé (à tort ou à raison, là n’est pas le problème) les Iraniens d’encourager et de soutenir moralement et matériellement les rebelles chiites.
L’Irak était au bord de l’implosion. Des millions d’Irakiens étaient partis en exil, dans les pays voisins ou, pour les plus chanceux et les plus nantis d’entre eux, en Europe ou aux… Etats-Unis. Des centaines de milliers d’autres n’étaient plus de ce monde, les attentats kamikazes faisant des dizaines de morts quotidiennement et le gouvernement irakien n’arrivait plus à assurer la sécurité, même dans la zone dite «Ceinture verte».
Le terrorisme international pour lequel on avait mobilisé toute l’armada américaine avait, tout au contraire, repris du poil de la bête. En Afghanistan, les talibans ne s’étaient jamais sentis aussi libres et bien chez eux qu’en ces temps-ci.
Ben Laden qui était tenu responsable du «11 septembre» (bien que la version officielle de cet évènement dramatique fut chaque jour battue en brèche par des scientifiques et des journalistes d’investigation) et dont la tête était, depuis, mise à prix, restait introuvable et continuait à narguer, par la chaîne qatarie Al-Jazeera interposée, Bush et consorts. Il fut, cependant, tué quelques années après, au Pakistan, loin des grottes de Tora Bora.
Les ADM n’avaient jamais été retrouvées puisque inexistantes. Et ça, Bush et son équipe de néo-conservateurs le savaient déjà. En fait, personne n’était dupe, Bush avait déclaré sa guerre contre l’Irak de feu Saddam Hussein pour une seule raison : s’emparer des richesses en or noir que recèle le sous-sol de ce pays. Objectif largement atteint.
Force est de constater qu’aujourd’hui l’on assiste, à peu de choses près, au même scénario qui a précédé la guerre du Golfe : accuser l’ennemi de tous les maux pour pouvoir l’abattre tranquillement, sans que le reste de la communauté internationale ne crie au scandale ! Sauf que ce scénario serait mis en œuvre par la patrie des droits de l’Homme et viserait un pays qui, vaille que vaille, tient à son droit à maîtriser ses ressources naturelles.
La France qui a su, sous la présidence de Jacques Chirac, se tenir à l’écart, qui a pris la sage décision de ne pas faire partie de la fameuse coalition qui détruira plus tard une civilisation plusieurs fois millénaire, la France qui, par la voix de son ex-ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, a su plaider la cause du droit international et défendre le point de vue de l’ONU, cette France-là semble faire, aujourd’hui, un virage à 180 degrés et elle semblerait prête à entrer en guerre contre le Niger. Ou, en tous les cas, elle aurait l’intention d’utiliser certains pays africains réunis dans une organisation économique, la CEDEAO, pour faire le «bon boulot» pour reprendre un autre homme politique français : Laurent Fabius.
C’est donc au tour de la France de ne plus reconnaître «ce machin» qu’est l’ONU. Elle aurait appelé à des sanctions, par la CEDEAO, contre le Niger en dehors de ce cadre-là. Et comme ces sanctions ne semblent pas avoir provoqué d’effets jusqu’ici, alors là, l’on est prêt à passer aux choses sérieuses : la guerre.
Le mot est lancé : la guerre. Et avant de passer aux choses concrètes, avant d’envoyer les Mirage et autres Tornado bombarder le Niger, on a largement le temps de préparer l’opinion publique, de lui faire admettre que c’est la seule solution envisageable devant l’entêtement des putschistes.
Aujourd’hui, il est vrai qu’on est loin de 2003 et du discours historique aux envolées lyriques de Dominique de Villepin suivies d’applaudissement nourries de tous les membres de l’ONU. Il faut dire que depuis ce discours de Dominique de Villepin, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. La guerre contre l’Irak a eu lieu. Contre l’avis de tous. Saddam Hussein a été pendu haut et court. Les sociétés américaines à la tête desquelles se trouvait Halluburton de Dick Cheney avaient raflé la mise : le pétrole fut pompé à outrance mais point de reconstruction de l’Irak.
La France, bien entendu, n’avait pas eu sa part du gâteau puisqu’elle n’avait pas contribué à l’effort de guerre. C’est ce qui explique, peut-être, aujourd’hui, la promptitude d’Emmanuel Macron à «se préparer au pire, c’est-à-dire à la possibilité d’une guerre avec le Niger», l’un des pays les plus pauvres de la planète. Car, il se rend bien compte que le gâteau, le filon de l’uranium qui éclaire la «Ville des lumières», Paris, est en train de lui filer entre les doigts.
A. G.
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