La défense du général Nezzar dénonce les violations commises par le procureur
Les avocats du général à la retraite Khaled Nezzar ont dénoncé, dans un communiqué, les failles et les abus constatés lors de la conduite de l’instruction par le procureur suisse. «Au terme d’une instruction d’une exceptionnelle durée, le dossier de l’accusation comporte […] de nombreuses carences» et «est marqué par des violations répétées du droit d’être entendu du prévenu, en particulier le refus presque systématique des actes d’instruction sollicités à décharge», relève la défense, décidée à faire connaître ces dépassements à l’autorité de jugement.
Nous publions le texte intégral du communiqué des conseils de l’ancien ministre de la Défense nationale, Caroline Schumacher et Magali Buser.
«Communiqué de presse de la défense du général Khaled Nezzar
Le général Khaled Nezzar vient de prendre connaissance de l’acte d’accusation émis par le ministère public de la Confédération à son encontre. Comme il l’a constamment fait pendant les douze années qu’aura duré l’instruction, il conteste fermement avoir commis, ordonné, orchestré, prêté assistance ou même toléré des actions pouvant relever de la qualification de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Le général Khaled Nezzar s’est toujours opposé, en particulier, à la torture qu’il n’a pas hésité à condamner publiquement dans les années 1990 déjà.
L’instruction de la procédure visant le général Khaled Nezzar s’inscrit dès l’origine dans un contexte éminemment politique. Les plaignants revendiquent tous leur engagement islamiste d’alors comme d’aujourd’hui. Le général Khaled Nezzar incarne, quant à lui, le refus du projet politique islamiste extrémiste. La douloureuse histoire de la décennie noire algérienne est aujourd’hui encore au cœur d’une véritable bataille idéologique et mémorielle. Dans ce contexte, l’instruction menée par le ministère public de la Confédération a connu, au gré des procureurs en charge, des phases d’enthousiasme et d’accélérations, de longues périodes d’inaction, un coup d’arrêt sous forme de classement en janvier 2017, puis une reprise suite à un arrêt de la Cour de Bellinzone en 2018 à la lecture duquel le sort judiciaire du général Khaled Nezzar pouvait paraitre décidé d’avance, nonobstant le principe élémentaire de la présomption d’innocence.
Les charges pour lesquelles le général Khaled Nezzar est renvoyé en jugement reposent pour une large part sur des rapports de la Police judiciaire fédérale, rédigés sur la foi de sources et de publications orientées émanant d’auteurs sujets à caution. Dès le début de l’instruction, la défense a, vainement, demandé que le contexte historique soit établi, de manière impartiale, par un expert exercé au maniement critique des sources. Cette expertise a été refusée. De même, la défense a sollicité l’audition de nombreux témoins, dont parfois des témoins oculaires des faits retenus dans l’acte d’accusation et qui auraient pu démentir la version retenue par l’autorité d’instruction. Ses demandes d’audition ont été écartées, même sur des points dont la pertinence pouvait difficilement être remise en question. Il a même été refusé à la défense d’interroger des plaignants qui n’avaient été entendus qu’à une seule reprise en 2011 et 2014, alors que la défense n’avait, à l’époque, aucun accès au dossier.
Au terme d’une instruction d’une exceptionnelle durée, le dossier de l’accusation comporte donc de nombreuses carences. Il est marqué par des violations répétées du droit d’être entendu du prévenu, en particulier le refus presque systématique des actes d’instruction sollicités à décharge. Ces violations ne manqueront pas d’être soulevées à titre préjudiciel devant l’autorité de jugement, avant même que le fond du dossier ne soit abordé. En tout état, le dossier ne permet pas d’établir ni que le général Khaled Nezzar ait ordonné ou prêté assistance aux exactions retenues à son encontre, ni même qu’il en ait été informé et se soit abstenu d’agir pour les empêcher.
Caroline Schumacher et Magali Buser».
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