Ces six pays que les Etats-Unis veulent imposer au Conseil de sécurité de l’ONU
De Rome, Mourad Rouighi – En se rendant à New York pour participer pour la première fois en tant que Présidente du Conseil italien à la 78e Assemblée générale des Nations unies, Giorgia Meloni sait que nombre de dossiers l’attendent et craint clairement de se retrouver esseulée, tant les enjeux sont décisifs et complexes à la fois.
Sur l’immigration, le flux extraordinaire de migrants se déversant sur les côtes italiennes et le refus catégorique du président tunisien Kaïs Saïed de transformer son pays en un centre de tri et de transit, a compliqué la donne pour l’Italie qui se sent flouée par l’Europe qui persiste à estimer que chaque région se doit de participer à l’effort de solidarité humanitaire. «La Pologne n’a-t-elle pas accueilli des millions d’Ukrainiens ?», répète-t-on à Bruxelles.
Et, à New York, la locataire du Palais Chigi se trouvera «nez à nez» avec un autre dossier qui monopolise l’action de la diplomatie italienne, à savoir le plan américain d’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies.
En effet, le président Joe Biden proposera, en cette occasion, l’octroi à l’Inde d’un sixième siège au Conseil de sécurité, au regard de sa population et de son rayonnement économique. Washington espère ainsi réussir un «inside job» et faire imploser de l’intérieur les BRICS et l’axe Moscou-Pékin. Ce projet, nous dit-on à Rome, menace la place de l’Italie sur l’échiquier international et aura pour conséquence la marginalisation de la diplomatie italienne dans la gestion des dossiers internationaux.
Un diplomate au fait du sujet nous a rappelé que l’Italie s’était opposée, il y a une trentaine d’années, à la proposition du président Bill Clinton d’admettre l’Allemagne et le Japon au Conseil de sécurité de l’ONU et avait constitué avec d’autres le «Coffee Club» regroupant les principaux exclus, l’Argentine, le Pakistan, le Mexique, le Canada, l’Espagne, la Turquie et la Corée du Sud.
Mais les temps ont changé et ce qui était possible à la chute du rideau de fer ne l’est plus aujourd’hui. Les Etats-Unis entendent passer à la vitesse supérieure et ouvrir à cinq ou six nouveaux membres les portes du Conseil de sécurité, sans les doter du droit de véto, dans le cadre d’une réforme à soumettre à l’Assemblée générale. Les pays pressentis sont l’Inde, le Brésil, l’Allemagne, le Japon, l’Afrique du Sud et l’Arabie Saoudite.
Ce qui préfigure un véritable cauchemar pour l’Italie et un camouflet diplomatique à éviter, coûte que coûte, pour Antonio Tajani, le ministre italien des Affaires étrangères, qui réunira demain le groupe Uniting for Consensus, un instrument de réflexion à travers lequel Rome espère bloquer ce projet qui la ferait rétrocéder au rang de puissance de seconde zone.
Giorgia Meloni devra, pour cela, se résigner à multiplier les rencontres pour, une fois n’est pas coutume, contrarier l’allié américain.
M. R.
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