Le machiavélisme sans limite de la classe dominante française
Une contribution de Khider Mesloub – Depuis deux ans, après avoir démantelé tous les services publics, transformés en champs de ruines faute de financement public, financement public accaparé par le ministère des Armées (qui vient de se voir attribuer une enveloppe budgétaire de 413 milliards d’euros, soit une hausse de près de 40%, 120 milliards d’euros), l’Etat des riches, dirigé par Macron, s’attaque maintenant aux structures d’accueil des personnes âgées et des enfants, les EHPAD et les crèches.
Comment ? En recrutant des journalistes, des snipers plumitifs, à qui est confiée la mission de rédiger des livres ou articles de dénonciation des supposés manquements et déficiences de ces structures d’accueil.
Pourquoi ? Pour justifier et légitimer la réduction ou, carrément, la suppression des subventions publiques allouées à ces établissements d’accueil de pensionnaires et d’enfants. Voire leur fermeture.
En effet, il y a un deux ans éclatait au grand jour le «scandale» des EHPAD, favorisé par la parution du douteux livre, intitulé Les fossoyeurs, écrit par un obscur jeune journaliste. La parution avait fait l’objet d’une grande promotion et, surtout, d’un immense battage médiatique orchestré par le gouvernement Macron.
Par une opération de dénigrement et de disqualification rondement bien menée par les médias stipendiés, l’objectif était double. D’abord, après avoir ruiné la réputation (par les accusations de maltraitance) et les finances (par l’effondrement de la valeur des actions) des maisons de retraite, le gouvernement escomptait se les approprier à un prix dérisoire afin de les transformer en structures médicalisées réservées aux personnes âgées dépendantes conformément à sa politique de restriction budgétaire. Ensuite, par l’opération de dénigrement des maisons de retraite accusées de maltraitance, de dissuader les «enfants» de placer leurs parents dans ces supposés «établissements de torture », manière indirecte de les acculer à les prendre directement en charge, conformément, également, à l’agenda du gouvernement qui œuvre à l’institutionnalisation de la politique de maintien à domicile, planifiée depuis plusieurs années pour des raisons d’économie financière et non humanitaire, comme le serinent les instances gouvernementales et médiatiques.
Récemment, avec le même stratagème, le gouvernement a réitéré l’opération de torpillage des structures d’accueil, mais cette fois des crèches. Une opération de manipulation qui avait bien réussi dans le secteur de la dépendance pourrait également réussir dans le domaine de la petite enfance, semble penser le gouvernement Macron.
Cette fois, le gouvernement Macron n’a pas stipendié un vulgaire journaleux pour rédiger un livre accusateur contre les maisons de retraite. La mission a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (l’IGAS). Dans un précédent article intitulé «France : les dessous de l’étude sur les crèches maltraitantes», j’écrivais : « Avec la même technique de fabrication d’un climat de psychose, largement employée par les médias stipendiés pour effrayer (donc dissuader) les enfants de seniors désireux de placer leur parent dans une maison de retraite, aujourd’hui, la presse réitère l’opération de manipulation psychologique à l’égard des parents qui doivent inscrire leur enfant dans une crèche.» […] Comme avec les maisons de retraite délibérément stigmatisées afin de justifier la réorientation de la politique de la dépendance des seniors vers le maintien à domicile jugé plus économique pour l’Etat, les structures de la petite enfance font l’objet d’une stigmatisation pour motiver, sinon leur fermeture, du moins leur diminution.»
Bis repetita. Le machiavélique gouvernement Macron vient de réactiver ses machinations. Dans le cadre de l’agenda de l’Etat de réduire les dépenses de la santé et les aides allouées aux personnes handicapées, de remise en cause de certaines lois avantageuses pour les bénéficiaires de l’AAH (Allocation aux adultes handicapés), qui leur permet de cumuler leur pension et les indemnités chômage, le gouvernement œuvre à la suppression de ces avantages sociaux. De même, sous couvert de lutte contre la fraude sociale, il tente de justifier et légitimer sa politique de surveillance tatillonne et de contrôle «musclé» des bénéficiaires des prestations sociales.
Pour orchestrer son opération de manipulation, cette fois, le gouvernement Macron n’aura pas sollicité les services de journalistes stipendiés ni d’agents d’Etat, mais d’un sulfureux youtubeur franco-marocain.
Dans une vidéo devenue virale, ce youtubeur connu sous le nom de Mertel affirme effrontément frauder l’allocation handicapée, Pôle emploi et la CAF. Rien que ça ! Dans cette vidéo massivement relayée sur les réseaux sociaux, ce Franco-Marocain explique toucher l’AAH ainsi que l’ASS et les APL, soit un revenu total de près de 1 800 euros net.
«Je fais cette vidéo pour vous dire que je peux vous accompagner pour percevoir l’AAH, l’allocation adulte handicapé : 971 € par mois, sans rien [faire], versés par la CAF», affirme l’influenceur qui possède une chaîne YouTube dans laquelle il parle de e-commerce, de bizness et de développement personnel.
«1 800 euros nets par mois qui tombent dans mon compte sans rien foutre, sans bosser !», déclare-t-il sur un ton provocateur. Et il ajoute avec cynisme : «Je suis en très bonne santé, j’ai mes jambes, je marche, j’ai mes yeux, je vois, je respire […] mais j’ai fait valoir un handicap invisible auprès de la MDPH, la Maison départementale pour les personnes handicapées.» «Je suis juste handicapé sur le papier, parce que je me suis arrangé avec un médecin. Je l’ai manipulé», poursuit-il. Il se targue ainsi d’avoir manipulé un médecin.
Tout le monde sait que les médecins sont également dans le collimateur du gouvernement Macron, accusés de délivrer trop d’arrêts maladie – en 2023, l’Assurance maladie avait estimé à 13,5 milliards d’euros, hors maternité, les dépenses d’indemnités journalières. L’évocation de la supposée complicité d’un médecin l’ayant prétendument aidé à constituer son dossier d’handicapé, a pour dessein de discréditer les médecins, justifiant ainsi un contrôle draconien de leurs actes médicaux, notamment en matière de délivrance des arrêts maladie et de délivrance des ordonnances médicales.
Le youtubeur franco-marocain, avec un cynisme déconcertant doublé d’une arrogance et d’un mépris des travailleurs, se permet même de se moquer des «crétins de salariés qui se lèvent le matin pour aller bosser […] pour payer les allocations». Pis. Ce Franco-Marocain propose aux personnes intéressées une formation à 300 euros pour leur apprendre à mieux frauder l’AAH. Autrement dit, au nez et la barbe de l’Etat, ce youtubeur incite à la fraude et propose même son aide.
Pareillement, pour discréditer les agents de Pôle emploi, il a déclaré avoir obtenu son allocation de chômage (ASS) en employant la menace. Il a affirmé avoir «menacé d’attaquer au tribunal administratif» une directrice de Pôle emploi. C’est tellement grotesque que cela devient risible. Cela étant, à l’observer débiter sa logorrhée indigeste, il semble lire un texte, probablement dicté par des commanditaires de l’Elysée.
Depuis quand un voleur ou un escroc se vante-t-il de ses larcins ou méfaits, qui plus est publiquement, par la diffusion d’une vidéo ? Depuis quand un youtubeur en quête de célébrité et de fortune se tire-t-il une balle dans le pied en avouant ses escroqueries ? Au risque de perdre ses 1 800 euros de revenus et d’être visé par des poursuites pénales ?
Tout porte à croire qu’il s’agit d’une machination gouvernementale destinée à activer une opération de démolition des structures d’aide sociale, sous couvert de lutte contre la fraude.
Pour preuve, curieusement, à peine la vidéo diffusée, aussitôt les médias ont saisi cette occasion pour relancer le débat sur la fraude sociale. On ne parle plus du youtubeur Franco-Marocain disparu étrangement des écrans, mais des fraudeurs.
Un journaliste a trahi déjà l’agenda du gouvernement Macron. Il est écrit : «Bien au-delà de l’indignation, c’est tout le système de solidarité française qui est mis à mal par ce genre de comportements. En réussissant à obtenir des aides sociales par la fraude, Mertel met en péril l’équilibre et la pérennité de ces dispositifs destinés aux personnes réellement dans le besoin. Un véritable coup porté à notre cohésion sociale.» Traduction : si le gouvernement décide de remettre en cause le système de solidarité française, c’est à cause de comportements de personnes comme Mertel.
Par ailleurs, le gouvernement Macron a décidé de diligenter un contrôle des instances incriminées, ces instances sociales dans le viseur de la classe dominante française. Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, a tweeté : «Zéro impunité pour les fraudeurs. J’ai immédiatement diligenté un contrôle CNAF (Caisse nationale d’allocations familiales) et saisi la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées)». La ministre a également révélé que, l’année dernière, plus de 32 millions de contrôles ont été réalisés. Ces contrôles seront intensifiés et renforcés.
K. M.
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