Pourquoi l’attaque du patronat contre le gouvernement sur sa gestion économique n’est pas crédible
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Dans le monde, en général, il ne suffit plus au patronat de s’enrichir sur le dos des travailleurs. En Algérie, il exige de l’Etat l’exonération de ses dettes, de ses impôts, de son loyer du terrain foncier et, cerise sur le gâteau, avoir la possibilité d’acheter plus de biens là-bas plutôt qu’ici. Il revendique ni plus ni moins qu’un code de super-citoyen. Pour nous refoutre un jour dans l’autre code forcément. Si on le laisse faire, il imposera, crescendo, l’application du code de l’indigénat, une fois qu’il aura la loi du foncier à sa mesure, celle du propriétaire comme au temps jadis. C’est, dans la suite logique de ceux qui revendiquent une super-citoyenneté, comme tout raciste qui se respecte à l’instar des colons, ses maîtres qui, certes, sont de moins en moins nombreux grâce au Hirak, mais actifs à cause de leur striatum, habitués aux amnisties, à l’impunité qui relève de l’inconscience politique de nos fonctionnaires, nos gouvernants et non pas de leur intelligence manifeste. Sachant que l’intelligence artificielle (IA) est dépourvue de conscience et c’est ce qui fait la différence entre l’Homme et la bêtise. On parle peut de la conscience que la science définit comme un produit de nos cellules cérébrales. Vous comprenez pourquoi une amende à leur encontre les scandalise.
L’attaque contre le gouvernement sur sa gestion économique et sociale par la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) aurait été crédible si elle ne comportait pas une revendication corporatiste. Je pense que toutes leurs critiques ne servent qu’à enrober une revendication, celle de pouvoir disposer de la devise, pour l’achat des biens à l’étranger, comme elle dit : «Tout homme d’affaires qui a fait des profits aspire à posséder des biens à l’étranger, mais la loi algérienne ne le permet pas.» La revendication du changement de la loi relève plus du parti politique que du syndicat. L’intérêt corporatif est incompatible avec la critique de la situation générale et encore moins de l’attention du Président. Il a été dit que c’est suite à l’enrichissement du pays, à l’amélioration du prix du pétrole plus exactement que cette revendication a été faite.
Le b.a.-ba de la conscience politique du citoyen veut qu’une richesse commune doive servir en priorité les plus démunis et non les plus nantis.
La lettre de Mme Neghza, aux mains du Président, illustre l’absence de M. Khellaf à la Présidence. L’ex-chef de cabinet n’est pas seulement un grand défenseur du secteur public, il est un grand connaisseur de l’économie nationale. C’est lui qui aurait reçu le patron du Conseil du renouveau économique algérien (CREA) à qui il aurait rappelé la genèse du comité ministériel, qu’il semble avoir oublié. Le gel n’est pas la solution aux problèmes de la surfacturation, aux malversations, à la récupération des richesses du peuple détournées par la îssaba d’hier et d’aujourd’hui, bien au contraire, d’autant plus que lorsque M. Kamel Moula, président du Conseil du renouveau économique algérien (CREA), annonce à la fois le gel du comité de suivi par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et du «réexamen de tous les dossiers avec un changement radical dans la procédure adoptée, droit de recours pour les entreprises qui s’estiment lésées par l’objet du contrôle et, surtout, rétablir dans leurs droits les opérateurs économiques dans le cas où l’erreur du comité serait avérée».
Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es. Mme Neghza est dans le «front commun contre les menaces extérieures» lancé par le président du mouvement islamiste El-Bina, Abdelkader Bengrina, que le FFS qualifie d’islamisme de divertissement. Pour se distinguer encore, le FFS veut initier un dialogue national qui se veut consensuel et constructif pour surmonter les difficultés et fragilités du pays par un «pacte historique». Une façon de botter en touche au moment même où des islamistes se servent de la justice suisse pour nuire à notre ex-ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar. Interrogé sur le refus de son parti de se joindre à l’initiative politique lancée par le parti islamiste El-Bina, que Mme Neghza avait rejoint, M. Youcef Aouchiche a expliqué que le FFS refusait de cautionner la politique-spectacle. L’islamisme reste un divertissement pour le FFS à l’instar de ses alliances à Sant’Egidio dans les années terribles.
Le 11 septembre, sur les réseaux sociaux, Mme Saïda Neghza a le toupet de répondre que c’est au nom de la préservation de l’intérêt supérieur du pays et sa stabilité et non par l’ambition d’en tirer des dividendes personnels. C’est comme ceux qui disent que c’est au nom de leur amour de la terre qu’ils revendiquent, à leur façon, c’est-à-dire en semant les problèmes, jusqu’à récolter une loi qui les rend propriétaires terriens pour toujours.
Souvent, parler de bureaucratie sert à masquer la mauvaise organisation, l’incompétence et, parfois, les divergences lâchement exprimées. Il ne s’agit nullement de manque d’intelligence mais d’un manque de conscience ou carrément d’une lutte de classe. La reconversion de la devise et l’appropriation de la terre sont des enjeux majeurs. Elles sont la source des problèmes que les larbins tapis dans l’administration alimentent et que l’informel nourrit.
S’il a fallu décréter un comité ministériel de suivi, annoncé il y a quelques mois déjà dans la presse, c’est que des problèmes ont été cernés. Il a devancé les moyens nécessaires à son efficacité que sont, entre autres, l’adhésion aux BRICS et, récemment, la création des trois banques à l’international. Aujourd’hui plus que jamais, ce comité comme l’adhésion aux BRICS est nécessaire pour lutter contre l’informel car tant que l’économie est dominée par ce dernier, la société et la politique baignent obligatoirement dans la religiosité
L’opération militaire de la Russie contre le fascisme en Ukraine a entraîné le monde dans un nouveau paradigme. Seuls les pays qui s’y sont préparés et les forces qui revendiquent le changement s’adaptent plus ou moins facilement, alors que les autres, comme l’Algérie ou la France – malgré les acquis de l’option socialiste de la première et la présence du Parti communiste pour la seconde –, sont dans un intermède chaotique.
Pour nous adapter, nous devons éclairer le champ politique en commençant par éradiquer l’économie informelle car, tant qu’elle domine l’activité, le politique et la société baignent obligatoirement dans la religiosité et dans l’aventure dans lesquelles les bourgeois, à l’instar de Mme Neghza, tentent de nous ramener. Ces bourgeois ne savent toujours pas que le colonialisme relève du capitalisme. Ils ne le savent pas, parce que l’un de leur référent est De Gaule. Ce général n’a pas combattu le nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale, mais l’occupant, contrairement à Ben M’hidi qui a combattu non pas l’occupant, mais le colonialisme. Le général De Gaulle avait comme officiers des tortionnaires en Algérie, comme nous le savons, et qui ont été des instructeurs en la matière dans tous les continents, particulièrement en Afrique et en Amérique du Sud.
Elaguer l’informel du secteur économique – les nouvelles banques peuvent y contribuer – est une condition nécessaire pour avancer vers l’organisation des BRICS, que certains voient derrière nous, alors qu’elle est devant nous. Leur vue qui découle de leur point de vue n’est pas conforme à la demande d’adhésion du Président.
Ces gens-là devraient se ressaisir ou démissionner car, à ce niveau, pour ne pas brouiller un engagement officiel, pour ne pas saboter une structure, une demande d’adhésion, on élague aussi les porteurs de vues divergentes. C’est incontestable qu’ils ont l’intelligence de leurs postes mais malheureusement, ils n’ont pas le niveau de conscience inhérent à ceux-ci.
S. K.
Ndlr : Le titre est de la rédaction. Titre originel : L’offensive du patronat algérien.
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