L’interview «loupée» de feu Jean-Pierre Elkabbach avec le président Tebboune
Par Karim B. – L’enfant d’Oran a tiré sa révérence, ce mardi, à l’âge de 86 ans. Le grand intervieweur politique est parti sans avoir réussi à décrocher une interview avec Abdelmadjid Tebboune. Après en avoir fait l’annonce, CNews a fini par faire le mort, ne revenant pas sur le sujet et n’expliquant le pourquoi du comment à ses téléspectateurs. Algeriepatriotique rapportait, en juillet 2022, en effet, en se référant à des sources sûres, que le président Tebboune n’avait pas accordé d’entretien à Jean-Pierre Elkabbach, contrairement à ce que la chaîne française avait annoncé. Le journaliste français avait souhaité une interview avec le chef de l’Etat et avait reçu une promesse dans ce sens auprès d’une relation franco-algérienne établie à Paris, qui s’était permis de prendre un engagement sans qu’elle en soit habilitée.
CNews s’était empressée d’en faire l’annonce, alors même qu’elle n’avait pas eu un retour de la présidence de la République. «Jean-Pierre Elkabbach vous donne rendez-vous pour un entretien exclusif avec le président de la République algérienne. Une des rares interviews accordées par le président algérien à l’Europe. Au programme, les liens franco-algériens, la situation géopolitique, l’Algérie sous l’ère Tebboune, ses relations avec le président Macron et d’autres thèmes», écrivait la chaîne dont le message avait fait le tour des rédactions et circulé à grande échelle sur les réseaux sociaux.
Le défunt Elkabbach n’a jamais caché son attachement à son pays de naissance. «Je suis toujours resté fidèle à l’Algérie», avait-il affirmé dans un entretien au Figaro, en 2012, alors qu’il se trouvait à Alger où il avait animé une conférence et préparait deux émissions pour la chaîne Public Sénat sur la guerre d’Algérie. «Je suis toujours resté fidèle à l’Algérie et à Oran, ma ville natale, qui m’a fait citoyen d’honneur. Ce fut un choc et une récompense ! Je viens deux à trois fois par an, je retourne sur la tombe de mon père, au lycée Pasteur, sur la place d’Armes… Pas un jour ne se passe sans que je pense à Oran, sans que les images de la ville ne défilent dans ma tête. Il existe un lien physique et tendre. C’est là que, dans l’adversité parfois, s’est forgée une partie de mon caractère», avait confessé l’auteur des Rives de la mémoire.
«J’ai quitté l’Algérie pour mener mes études en France, en 1958, et c’est en tant que jeune journaliste stagiaire pour la radio que j’y suis revenu. Des souvenirs, j’en ai tellement ! Du soulèvement de La Casbah au putsch des généraux en avril 1961 ! De la place du Gouvernement, je me suis faufilé à la Radio algérienne pour les écouter. Les paras sont venus m’arrêter à l’hôtel, avec d’autres amis algériens, et ils nous ont jetés dans les caves de la Radio. Ils ont fini par nous chasser en déchirant nos papiers. Peu de temps après, j’ai été nommé responsable de la Radio à Constantine. J’y ai rencontré un gars qui jouait de la guitare, avec qui j’ai fait une émission. Il s’appelait Gaston Ghrenassia et allait devenir plus tard Enrico Macias. En juillet 1962, j’étais à Oran. Plus tard, de retour à Alger, j’ai assisté à l’installation des institutions de la toute jeune Algérie indépendante. J’étais là lors du discours de Ferhat Abbas, j’ai rencontré Boumediene, Ben Bella ou encore Boudiaf, avec qui j’étais très lié», se rappelait Jean-Pierre Elkabbach.
Visionnaire, il appelait, en 2012 déjà, à l’instauration d’une «commission mixte d’historiens français et algériens», pour qu’ils «discutent de la façon de présenter le passé, qu’ils s’attaquent ensemble à ce que chacun a fait, ce que chaque peuple a subi», avait-il affirmé, dix ans avant la constitution de celle-ci par les présidents Tebboune et Macron. «La France et l’Algérie doivent créer ensemble un lien privilégié», espérait-il.
K. B.
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