Mort avant d’être tué !
Une contribution d’Ali Moussa – De guerres lasses, de misère lasse, d’humiliations lasses, de «déshumanisations» lasses, d’injustices lasses, de spoliations lasses, de souffrances lasses, de blessures lasses, de crimes las. Il ne me reste plus de larmes, plus de sang, plus de forces, plus d’espoir pour être un homme !
Il n’y a plus de place en mon cœur pour la mémoire de mes amours, celles que je portais à mes enfants, à ma femme, à mes parents, qu’un jour d’octobre finissant, d’un ciel sans étoiles, un éclair zébrant, les enfouit sous les décombres de notre maison.
Ames innocentes, emplies d’espérance d’un lendemain sans faim et sans privations, elles attendaient que leurs voix, au-delà des mers, portent leurs lamentations afin que des cœurs nobles, épris de compassion et d’entendements, les portent en étendards au sein du concert des nations dont les pères ne surent imposer à leurs fils le respect de leurs engagements.
Oubliés de l’histoire, sacrifiés sur l’autel du repentir, de leurs criminels de guerre, car apeurés de subir la vengeance des victimes de l’holocauste qu’ils applaudirent en son temps, ils nous ont condamnés à devenir les victimes expiatoires d’une lâcheté historique pour sauver leurs âmes et leur existence, de nous sacrifier comme boucs émissaires désarmés, livrés pieds et mains liés, aux héritiers de la «solution finale», qui réclament haut et fort le prix du sang pour laver leurs malheurs passés.
Où puis-je enfouir mon corps, si même la terre de mes pères m’est à jamais confisquée ? De quel crime m’accusez-vous ? Quel délit ai-je commis pour que, sans retenue, vous applaudissiez à notre pogrom ? Je sais, vous n’avez pas peur de moi, je suis en prison et loin de vous. Pas comme les autres qui vivent parmi vous et savent vous rappeler vos crimes et exiger votre soumission afin que leur soif de victimes équilibre la balance : d’une vie pour une vie. Nous ne sommes pas loin des six millions de tués. Qu’une des idéologies, née en vos terres, a commis sur leurs pères.
De grâce, dites-leur que le vagabond errant enfermé en cette prison à ciel ouvert n’a plus peur de leurs balles. Ce morceau de vie qui me tient bancal, les yeux ouverts, les lèvres closes, demande, sans cris, que l’histoire témoigne de notre souffrance.
Mourir debout !
Alors que vienne la délivrance : celle des hommes ou celle du ciel, j’ai tant besoin de fermer enfin les yeux, pour ne plus voir ni entendre les fracas que cause cette immonde folie des hommes qui ne savent plus êtres humains.
A. M.
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