1er Novembre 1954 – 7 Octobre 2023 : il n’y a pas de conscience sans histoire
Par Saadeddine Kouidri – Trois raisons poussaient le roi de France à envahir notre pays. S’en servir pour étouffer la révolte de son peuple avant qu’elle ne se transforme en révolution, ne pas payer sa dette envers le royaume d’Alger et accaparer ses richesses et, enfin, porter l’estocade à l’autorité turque au sud de la Méditerranée.
Sa victoire rapide, dans l’Algérois, l’encouragea à étendre sa conquête. Pour s’emparer des terres, l’armée assassine tout contrevenant et fait table rase pour permettre aux civiles qui l’accompagnent de s’établir. Pour leur sécurité, elle tue et terrorise tout individu qui n’a pas pris la fuite ou qui ne s’est pas soumis. Le colonialisme avançait en spoliant les terres jonchées de morts ou d’hommes courbés.
La progression de l’armée coloniale va durer plus de quatre décennies, qui feront des millions de morts et plus de 100 000 soldats de l’armée coloniale tués. Dans cette période et grâce à la Résistante, s’est édifié un Etat moderne qui a été vaincu sans abdiquer, puisqu’il a permis à l’Algérien de survivre et de donner vie à une des plus glorieuse Révolutions au monde, quelques décennies plus tard, le 1er Novembre 1954.
L’expérience de cette Révolution semble méconnue par des dirigeants de cet autre pays qui subit à ce jour la même colonisation de peuplement. La preuve est qu’en allant à Oslo, Arafat a ignoré le guet-apens tendu à la Wilaya IV par De Gaulle, auquel a été donné le nom de «Paix des braves».
Le Hamas, quant à lui, a commis l’erreur stratégique en utilisant l’islam comme idéologie pour le mouvement de libération et qui a pour conséquence de camoufler le véritable ennemi à la conscience.
La troisième faiblesse de la résistance est de s’adresser à la Ligue arabe où siègent des alliés des pouvoirs des étatsuniens et l’extrême-droite israélienne au lieu de s’adresser à tous les anticolonialistes du monde et particulièrement à ceux d’Israël. Les médias qui dénoncent le génocide de Gaza ont mis à nu ces erreurs qui ont été surmontés grâce à l’opération militaire en Israël, le 7 octobre, et qui a fini par donner raison au FPLP, au FPLP-CG, au Hamas et à des personnalités palestiniennes, comme les Barghouti.
Quelques informations nous disent qu’à l’ONU, l’Allemagne et l’Italie se sont abstenues cette semaine de voter la résolution qui demandait une aide humanitaire pour Gaza. Parallèlement, l’ambassadeur d’Allemagne à Tunis, en présence du ministre tunisien de l’Education, juge que les Israéliens sont victimes du «terrorisme» palestinien. L’ambassadeur n’était pas au diapason avec sa hiérarchie. Quant à l’Autriche, en votant contre la résolution exigeant une trêve, elle réveille ce souvenir mentionné récemment par un documentaire diffusé par Arte, rappelant que les Autrichiens étaient surreprésentés dans l’appareil du Troisième Reich, en particulier dans les camps d’extermination.
«Ce ne sont pas les Arabes qui sont derrière les holocaustes», répond le ministre tunisien de L’Education à l’ambassadeur allemand. Par cette réplique, le ministre tunisien était comme sur la défensive car la réponse aurait été de rappeler qu’Israël occupe par la force la Palestine et que dégager le colonialisme de peuplement est un devoir sacré où tous les coups sont permis pour un peuple démuni.
Le monde est sous le joug du capital. Le moteur de ce système est l’intérêt. Pour cet intérêt, il a tendance à être raciste, colonialiste, sioniste, quand il n’emprunte pas les manteaux religieux du juif, du chrétien, du musulman, qui font croire aux électeurs que ce n’est pas le même système politique. Sa devise est «diviser pour régner», qu’il tient de ses ancêtres les esclavagistes-démocrates romains. L’antidote à cette farce est de ne jamais confondre le peuple avec les dirigeants du capital financier, quelle que soit leur nationalité.
La Palestine est aujourd’hui un remake de la guerre menée par la France et l’OTAN à l’Algérie. Ceux qui ne croient toujours pas au nombre de martyrs algériens n’ont qu’à voir ce qu’il se passe aujourd’hui à Gaza et l’imaginer durant plus d’un siècle avec des moyens moins létaux, évidemment.
Quant à ceux qui ne croient pas à un Etat palestinien à cause de l’occupation des terres par les colons, ils n’ont qu’à se rappeler où étaient les pieds-noirs en Algérie à la veille de l’indépendance et comment, du jour au lendemain, ils ont fui, poussés par l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, l’armée des colons, avec comme seul bagage une valise à la main. Ce, malgré les assurances qu’ils avaient pour demeurer en toute sécurité dans leur pays natal, inscrites dans les accords d’Evian, signés en mars 1962 entre les représentants de l’Algérie combattante et ceux de la France coloniale.
Il faut rappeler qu’une des conséquences de la colonisation est que, aujourd’hui, les jeunes des ex-colonies qui partent vers l’Europe «ne font que suivre les biens du continent pris par les Européens» durant des siècles, dixit la sociologue Aoua Bocar Ly-Tall.
Cette Europe qui, après sa Première et non pas sa Seconde Guerre mondiale, créa en 1917, un foyer juif en Palestine. L’initiative n’est pas liée à la shoah, mais à la présence de pétrole dans la région. Pour avoir une mainmise sur ces nouvelles richesses, le capital a planté le «clou de Djeha» pour perpétuer sa domination dans le Moyen-Orient. Pour cela, il n’a fait que se servir des juifs pour coloniser la Palestine.
105 ans après, le 7 octobre 2023, l’opération militaire surnommée le «Déluge d’Al-Aqsa» se fait entendre jusque dans les foyers, prétendument hautement sécurisés, des occupants israéliens par la résistance, qui ressuscite la cause palestinienne que les accords d’Abraham tentaient d’enterrer comme le 11-Septembre avait ressuscité la CIA & Co, adossée au mur de Berlin pour enterrer l’URSS.
Abbas continue à s’adresser à la Ligue arabe qui, dernièrement, a mis le Hamas et Israël sur un même pied d’égalité. Ce président des Palestiniens ne sait toujours pas que c’est aux anticolonialistes qu’il doit s’adresser et non à une ligue où siègent des alliés d’Israël.
Le 7 octobre vient à point nommé pour stopper le plan du capital qui consiste à remettre en cause tous les acquis du mouvement de libération pour un Etat palestinien indépendant et laïc – appartenant à toutes et tous sans distinction de croyance religieuse ou autre.
Les Palestiniens ne font pas la guerre aux Israéliens qui sont victimes eux aussi de cette extrême-droite au pouvoir. Ils peuvent, après l’indépendance de la Palestine, opter pour un seul Etat. La division dans le monde n’est pas entre les religions, les races, les ethnies, et la nation reste à ce jour la meilleure forme de protection des populations qui acceptent de vivre ensemble.
Le temps de la majorité des citoyens est consacré au travail et aux besoins quotidiens, et, par conséquent, on est automate dans les trois quarts de nos actions. Ce qui fait dire au sociologue que «le sens pratique se substitue la plupart du temps à la conscience». On constate alors que le capital n’exploite pas seulement la force du travailleur, mais aussi sa faiblesse.
L’éditorial d’El-Moudjahid du 27/28 octobre dernier a pour titre «Le nouvel ordre barbare». Cet article fait fi de l’histoire de la colonisation de peuplement plusieurs fois centenaire. Les erreurs de ce genre se répètent souvent dans la presse et de la Télévision nationales.
L’Algérie d’hier est la Palestine d’aujourd’hui. Gaza d’aujourd’hui subit le même sort que nos villages pendant la Guerre de libération nationale. C’est De Gaulle qui était à la manette. Souvent, nos ennemis se cachent derrière leurs lois démocratiques pour assassiner, torturer, bombarder, égorger, terroriser, faire fuir, asservir ou anéantir les peuples, pour s’approprier leurs richesses.
La vigilance consiste à ne pas perdre de vue que le corps a besoin de la clarté des mots pour, au moins, ne pas confondre la victime et le bourreau.
Le Hamas est à l’opposé de Daech, cet équivalent du FIS en Algérie, pour la simple raison que ce dernier terrorise les gens du peuple et le premier terrorise les terroristes. C’est-à-dire l’occupant, pour libérer son pays, la Palestine que le 7 Octobre 2023 a projeté sur le 1er Novembre 1954, qui avait vaincu la France et l’OTAN, il y a soixante-neuf ans.
S. K.
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