Palestine-Liban, Hassan Nasrallah et l’intelligence stratégique !
Une contribution d’Ali Akika – Intelligence stratégique. En «bon français», renseignement stratégique, qui sous-entend traitement intellectuel des informations pour en faire des renseignements qui facilitent la prise de décisions au plus près des réalités et possibilités. Cette petite remarque est adressée à ces soldats qui ne ratent aucune occasion de se taire pour étaler des infos-intox et révéler ainsi leur servilité et le formatage de leurs esprits. Messieurs, vous avez beau aboyer, la caravane passe et vous laisserez ruminer vos mensonges et votre arrogance.
Avec la défaite annoncée de l’Ukraine, vous commenciez à avaler un peu de poison de la défaite de vos héros qui se chamaillent aujourd’hui publiquement – Zaloujni contre Zelensky. Vos mines tristes remplacent vos regards satisfaits d’hier, chantant la victoire de la contre-offensive que j’avais affublée du prénom d’Arlésienne. Et, comme des enfants, vous oubliez vos bêtises «ukrainiennes», mais vous continuez sur la Palestine à bassiner l’opinion avec votre novlangue. Et cette «nouvelle» langue médiatique et imbécile vous sert à qualifier de terroriste tous ceux qui veulent libérer leur pays. Jadis, c’était l’Algérie. Mais passons. De nos jours, le naturel est revenu au galop et Yasser Arafat, qualifié de terroriste, vous semblez regretter sa disparition.
Mais revenons à l’actualité et voyons comment vous, les «experts» avez «analysé» le discours de Hassan Nasrallah, dirigeant du Hezbollah. Sa parole est connue pour être rare et quand il s’exprime, il fait sortir de leur torpeur ceux qui voulaient et veulent toujours faire oublier l’occupation de la Palestine et du Liban. Oui, du Liban, dont des territoires appelés «les fermes de Chebâa» ont été volées. Il est bon de rappeler aux ignorants que le sud du Liban a été occupé et qu’il a été évacué par le feu de la poudre, après la mémorable guerre de 2006. Voilà donc le champ de la bataille actuelle se déroulant aussi bien en Palestine qu’au Liban. Voilà pourquoi le discours du 3 novembre 2023, de Nasrallah était attendu dans une atmosphère gorgée d’inquiétude en Israël.
Pour rassurer la population déjà à bout de nerfs, Netanyahou est intervenu à la télévision, alors que Nasrallah déroulait encore son discours devant des dizaines de milliers de Libanais réunis dans les places et rues de Beyrouth. Netanyahou a menacé publiquement Nasrallah en reprenant à son compte la phrase de Biden : «Ne le faites pas, n’intervenez pas !» (don’t do it!, en anglais). Il me rappelle, une fois de plus, ces enfants dans la cour de récréation qui hurlent sans passer à l’acte de la castagne. Je vais laisser de côté les infos souvent maltraitées par des esprits formatés devenus des perroquets de la voix de leur maître. Je vais plutôt lire entre les lignes le discours de Nasrallah en m’appuyant sur des informations vérifiables et en les confrontant à la doctrine politique et militaire du Hezbollah. Exercice indispensable pour ne pas reproduire les platitudes des «experts» qui confondent informations passées au filtre des médias et renseignements-intelligence au service d’une pensée qui interroge les facteurs qui concourent à la construction d’une stratégie.
Ainsi, nos «experts» font référence aux difficultés politiques et économiques du Liban et à la supériorité militaire d’Israël, pour conclure par l’image d’un Nasrallah pris entre les mâchoires de l’étau de la crise de son pays et celles de la «fameuse» armée d’Israël. Les «experts», s’appuyant sur ces deux facteurs auxquels ils ajoutent l’armada des porte-avions américains, accouchent de leurs «vérités». Une guerre totale serait à leurs yeux dans les cordes d’Israël. Ils concluent donc, au nom d’une logique simpliste, que le rejet de la guerre totale par Nasrallah est dû à sa peur-panique de voir ses forces militaires partir en fumée et perdre, en conséquence, son poids politique dans son pays. Ce n’est pas étonnant de la part de gens biberonnés et fascinés par la puissance militaire et les nouvelles technologies. Il faut juste leur rappeler que les Américains ont reçu une déculottée au Vietnam et en Afghanistan.
En vérité, ce qui échappe à ces esprits bornées, c’est le prétexte rêvé par Israël cherchant à piéger le Hezbollah, en le faisant opter pour la guerre totale, et bénéficier ainsi du statut de la victime dans la posture de légitime défense. Assurance garantie des aides de l’Occident et soutien de l’opinion internationale. En découdre avec Gaza et neutraliser le Hezbollah, Netanyahou en a fait sa tactique politicienne pour épouser les sentiments de vengeance de «sa» population. En témoigne la folle fureur d’un de ses ministres qui veut carrément brûler au sens propre du mot un peuple sous une bombe nucléaire. Ceci pour dire que l’intelligence d’un stratège consiste à ne pas tomber dans le piège de l’ennemi, surtout quand ce dernier est ivre à la fois de vengeance et de puissance militaire. Dans Pareil cas, la même intelligence stratégique suggère d’appliquer une leçon d’histoire militaire, en adoptant la stratégie de la guerre défensive. On laisse ainsi la stratégie de l’attaque à l’ennemi qui peut accumuler des forces, mais qui ne tiendra pas la route avec le temps qui s’écoule.
Les mouvements de libération préfèrent la défensive parce qu’ils se battent sur leurs territoires et ne possèdent pas les mêmes ressources militaires que l’ennemi. En revanche, ils ont le temps comme allié. On sait que la guerre est consommatrice de ressources humaines et matérielles, mais le temps, denrée rare, finit par presser et tresser l’attaquant. Ce dernier voit s’ériger au fil du temps sur son chemin des contraintes politiques et économiques. Tout le monde n’a pas la machine à fabriquer le dollar. Et même avec les dollars, ce monde qui ressemble à un colosse aux pieds d’argile est sensible aux pressions politiques de sa population, de l’opinion et de la diplomatie internationales, etc.
Jusqu’ici, Israël se moquait de ces pressions, mais les millions de manifestants dans le monde lui disent «assez de crimes contre un peuple que vous avez bombardé tant de fois en toute impunité !»
Face à toutes ces données, le Hezbollah, une fois passée la surprise de l’exploit des Palestiniens du 7 octobre, a analysé la situation, est entré dans la lutte le 8 octobre et l’a intensifiée au lendemain du discours de Nasrallah le 3 novembre. On voit, à travers cette attitude, que le Hezbollah a compris qu’il ne pouvait pas rester inactif car la défaite des Palestiniens allait avoir de graves conséquences sur sa propre lutte. N’oublions pas qu’Israël occupe toujours une portion du territoire libanais.
Le Hezbollah ne veut de la guerre totale, mais envoie le message qu’il est prêt à se défendre contre une éventuelle aventure d’Israël. Cet Etat veut élargir la guerre pour entraîner les Américains dans un conflit qu’il ne peut pas gagner seul. Il a donc opté pour la guerre longue susceptible d’user l’ennemi, coûteuse en vies et en paralysie de l’économie. D’ores et déjà, le Hezbollah engrange les fruits de cette guerre d’usure : fixation de beaucoup de troupes ennemies à la frontière, une zone de territoire ennemi le long de la frontière et d’une profondeur de 5 km a été vidée de sa population. Pour l’heure, le Hezbollah observe la situation et sa stratégie consiste à riposter en fonction de l’évolution sur le terrain gazaoui. A l’évidence, il ne restera pas les bras croisés devant la menace d’anéantissement de Gaza, peuple et résistance.
Une phrase du ministre des Affaires étrangères libanais résume l’état d’esprit des Libanais. «Entre les risques d’une guerre civile entre Libanais et un élargissement de la guerre, a-t-il déclaré, nous choisirons l’élargissement de la guerre.» Les inénarrables journaleux des médias étaient choqués par sa réponse. Leur inconscient les a trahis. Ils préfèrent voir les Libanais s’exterminer entre eux que de diriger leurs missiles sur l’ennemi. Car les Libanais savent que si Israël leur fait la guerre totale, leurs 150 000 missiles très précis laboureront les villes et les lieux stratégiques de l’Etat hébreu. Le choix du ministre libanais est rationnel et patriote, mais nos journaleux sont imperméables à la vérité des autres, leur pensée fatiguée et gavée de certitudes de leur fantasmes n’arrivent pas à saisir la complexité du monde d’aujourd’hui.
Un autre piège a été tendu à la résistance libanaise et Nasrallah en a fait allusion. Il s’agit d’une rumeur vite répandue par les «experts» qui, dans leur sidération devant l’événement du 7 octobre, ont doctement déclaré que la sophistication de l’opération ne pouvait être que l’œuvre d’un Etat, en l’occurrence l’Iran. Une autre rumeur disait que c’était l’œuvre d’Israël (Mossad) pour détruire le Hamas avec efficacité et bonne conscience. Nasrallah a nié que son organisation ait été au courant de la préparation de l’opération du 7 octobre. Il a ajouté, pour les abonnés des complots, l’exécution de l’opération du 7 octobre était à 100% palestinienne. C’est exactement la phrase de mon article du 27 octobre, en citant Napoléon pour qui, dans la guerre, tout se ramène à l’exécution.
Ceux qui connaissent l’histoire de la désinformation pour piéger l’ennemi constatent que les services de renseignements appliquent une conduite appropriée à la situation et aux enjeux. Ils peuvent sacrifier la vie de leurs agents, comme l’ont fait les Alliés pour tromper Hitler sur le lieu du débarquement en juin 1944. Mais jamais au grand jamais ils ne se risquent à égratigner les piliers de l’Etat. On a connu ce genre de délire dans la presse, lors du «coup d’Etat» de pieds nickelés comme Prigogine. Ce n’est pas le genre de Poutine de jouer avec le sort de l’Etat russe en confiant pareille opération à ce genre d’individus. Ce n’est pas non plus les habitudes du Mossad et du Shin Beth, les bras armés de l’Etat profond d’Israël, de mettre en danger la raison de leur vie, et ce, pour faire plaisir à Netanyahou, poursuivi par la justice. Et, enfin, comment peut-on croire que les services de renseignements, par exemple ceux d’Iran, de Syrie et même de Russie, puissent laisser le Hamas se faire piéger et offrir sur un plateau une victoire à Israël et aux Etats-Unis ? Sans compter les Etats féodaux du monde arabe qui ont signé les accords d’Abraham.
En guise de petite conclusion, je retiens que la guerre en Ukraine et en Palestine a été l’occasion de voyager dans l’intimité des secrets des défenseurs de la «civilisation». On apprend ainsi que la vie des enfants palestiniens et israéliens n’a pas la même valeur. Ainsi, une femme-gigogne portant plusieurs casquettes, de professeure, de militante «féministe», de crème des «élites», s’est permis de faire une leçon à l’opinion publique. Pour elle, un enfant (ici israélien) dormant chez lui et victime d’un crime perpétré par un «barbare», résonne très fort dans sa raison et dans sa conscience, et la bouleverse. Normal, qui ne le serait pas ? En revanche, un autre enfant (palestinien) se fait enterrer vivant sous les ruines de sa maison bombardée par un homme dans son avion en appuyant sur un bouton, ne mérite pas que l’on verse pour lui une larme, pas même celle d’un crocodile. Et cette soldate de la guerre de l’info veut faire applaudir la vacuité de ces «idées» qui violent le droit et la morale. Ainsi notre femme-gigogne a cette ambition démesurée en voulant introduire pareille idée dans le droit de la guerre et le droit international. Rien que ça !
Je vais citer une troisième fois les enfants dans leur cour de réaction. Eux s’amusent pour découvrir la vie. Mais quand on a l’âge de la gigogne, c’est inquiétant quand pareil individu exerce un pouvoir.
A. A.
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