Hafiz s’«inquiète» de la montée de l’islamophobie : où est donc la LICRA ?
Par Karim B. – Réveil tardif, mais réveil quand même, justifient certains, qui essayent de trouver des excuses aux pirouettes du recteur de la Grande Mosquée de Paris. Ne devant pas faire ombre à ses tuteurs, c’est un Chems-Eddine Hafiz discipliné qui s’est fendu d’un communiqué différé, rendu public plusieurs semaines après le rabâchage médiatique sur une prétendue montée de l’antisémitisme en France, conséquence des événements tragiques qui se déroulent à Gaza. A-t-il attendu le feu vert du CRIF et de la LICRA ? Ce n’est pas impossible, dans une espèce d’opération de rééquilibrage après que la dénonciation de l’antisémitisme présumé eut largement pris le dessus sur celle de l’islamophobie.
En tout cas, le recteur de la Grande Mosquée de Paris est bien seul sur ce coup. Lui qui, lors de la signature de la convention destinée à «mieux lutter contre le racisme antimusulman» avec la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, en mai dernier, claironnait : «Entre nous, il n’y a pas de murs, il n’y a que des intérêts convergents». Propos auxquels le président de l’organisation sioniste, Mario Stasi, répliquait, dans un jeu de théâtre dans lequel Hafiz campe le rôle de comparse : «Nous voulons essayer de faire baisser le niveau de tension souvent insupportable qui existe chez nos concitoyens, souvent relayé par des médias irresponsables.»
Ainsi donc, le recteur de la Grande Mosquée de Paris nous fait part de son «inquiétude» face à «l’augmentation des actes et des discours antimusulmans» et dénonce «la libération progressive et inquiétante d’une parole essentialiste, stigmatisante, raciste et haineuse contre les musulmans de France». Il fustige «des propos scandaleux et répréhensibles tenus par certaines personnalités politiques et médiatiques, dans le but de jeter l’opprobre sur [nos] concitoyens musulmans et de les exclure de la communauté nationale». Mais la LICRA, signataire de la convention contre l’islamophobie, adhère-t-elle à cette condamnation ? Pourquoi le communiqué n’a-t-il pas été cosigné par les deux institutions liées par un pacte surmédiatisé ?
La réponse à cette interrogation est à chercher dans les pratiques et les discours des responsables de la LICRA, dont le président en 2016, Alain Jakubowitz, martelait que l’islamophobie «est une imposture», appelant à bannir ce mot du «vocabulaire public». Cette même LICRA qui reprenait à son compte, dans son organe central, Le DDV (Le droit de vire) les allégations de l’essayiste français Pascal Bruckner, lequel soutenait que «l’accusation d’islamophobie n’est rien d’autre qu’une arme de destruction massive du débat intellectuel, digne de ce qui se faisait contre les ennemis du peuple en Union soviétique». «Le tout sur la base d’un amalgame insupportable, qui confond la persécution des croyants, évidemment condamnable, et la critique de la religion, en usage dans toutes les nations civilisées», ajoutait-il, imbu des théories sionistes qu’il épouse avec zèle.
Pour ce romancier, qui partage sa haine antimusulmane avec la LICRA, l’islamophobie «est un nouveau délit d’opinion qui a été fabriqué depuis la fin des années 80, en postulant une équivalence avec l’antisémitisme pour accréditer l’idée que le sort des musulmans est analogue à celui des juifs dans les années 30». «Derrière cette analogie fallacieuse, il s’agit d’expulser le juif de sa position de victime pour prendre sa place», concluait-il, résolu.
Chems-Eddine Hafiz a-t-il le courage d’appeler à une manifestation contre l’islamophobie comme celle qui s’annonce gigantesque contre l’antisémitisme ce dimanche ? Est-t-il capable de mobiliser les musulmans de France derrière lui ? Assurément non. Et il ne le sait que trop bien.
K. B.
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