Ardavan Amir-Aslani : «Le bras de fer Maroc-Algérie est favorable à l’Algérie»
Par Kamel M. – «Trois facteurs nouveaux pourraient contribuer à intensifier l’escalade» entre Alger et Rabat, estime l’avocat et essayiste français, Ardavan Amir-Aslani, qui cite «la course à l’armement que mènent l’Algérie comme le Maroc, l’affirmation diplomatique croissante d’Alger dans les affaires internationales et, sur le terrain, la volonté du Maroc de déployer des frappes de drones contre le Front Polisario». Ce spécialiste du Moyen-Orient, d’origine iranienne, affirme que «le bras de fer qui oppose les deux pays semble aujourd’hui tourner à l’avantage de l’Algérie, ce qui créera de nouvelles difficultés pour le Maroc».
«Plus stable politiquement, l’Algérie a considérablement gagné en importance stratégique», explique l’enseignant de géopolitique à l’Ecole de guerre économique. «L’invasion russe de l’Ukraine, développe-t-il, a, en effet, représenté une aubaine providentielle, la hausse des prix de l’énergie [ayant] replacé l’Algérie au premier plan des exportateurs d’hydrocarbures à destination des pays européens, à la recherche d’alternatives pour réduire leur dépendance énergétique auprès de Moscou».
«Cette importance diplomatique devrait être confirmée à partir de 2024, lorsque l’Algérie occupera un siège temporaire au Conseil de sécurité de l’ONU», souligne l’auteur de l’essai intitulé Le Siècle des défis, paru en 2021. «Nul doute qu’elle profitera de cette position de prestige pour imposer de nouveau le dossier du Sahara Occidental à l’ordre du jour de l’organisation», poursuit-il. «Ce ne sera pas sans difficulté car, historiquement, la position onusienne penche en faveur d’un règlement politique du conflit, grâce à la possibilité de l’autodétermination et à l’organisation d’un référendum. Celui-ci n’a jamais eu lieu, en raison des difficultés d’organisation imposées par la détermination des populations éligibles pour y participer», relève ce célèbre avocat au barreau de Paris. «Incapable de trancher sur ce point, l’ONU a laissé le processus politique s’enkyster», constate-t-il, en notant que «l’Algérie entend également profiter de sa position pour encourager une réforme de la représentativité du Conseil de sécurité, qui permettrait d’intégrer davantage d’Etats du Sud et, ainsi, d’inciter plus facilement d’autres pays à soutenir sa position sur le Sahara Occidental».
Ardavan Amir-Aslani met en avant ce qu’il qualifie d’«inquiétant renforcement militaire observé chez les deux voisins». Un renforcement qui, selon lui, «corrobore le risque d’escalade», si bien qu’en 2022, «l’Algérie et le Maroc représentaient à eux seuls 74% des dépenses militaires de l’Afrique du Nord, selon les chiffres de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm». «Depuis 2005, les dépenses militaires du royaume chérifien ont doublé et se sont particulièrement concentrées sur l’obtention d’armes de pointes et de drones auprès de la Turquie et d’Israël, que le Maroc utilise déjà pour contrer les forces du Front Polisario», rappelle-t-il.
«Si un conflit ouvert entre l’Algérie et le Maroc paraît peu probable en raison des pertes potentielles qu’il représenterait pour leurs intérêts et leur stabilité, une intensification des affrontements au Sahara Occidental demeure plausible. Et dans un tel contexte, la perspective d’une solution politique durable n’en sera que plus lointaine et hypothétique», prédit ce docteur en droit, dans une analyse publiée dans Atlanbtico.
K. M.
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