Massacres à Gaza : l’Italienne Francesca Albanese ou le courage d’une juste
De Rome, Mourad Rouighi – L’Italienne Francesca Albanese ou «Madame Courage», comme l’ont surnommée les médias de l’information objective, ne veut pas être partisane, même si elle se dit passionnée par ce qu’elle fait. Son action, qui lui vaut les piques de la propagande, est d’abord une question de justice, pour les Palestiniens, mais aussi pour les justes du monde entier : «L’apartheid sioniste est une forme de corruption et la violence engendre toujours la violence», a-t-elle maintes fois dénoncé.
Francesca Albanese, 47 ans, rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés, dit qu’elle n’a jamais eu peur du rôle délicat qu’elle occupe depuis 2022, bien au contraire : «C’est le cheminement naturel de mon parcours. Et j’ai l’intention d’utiliser ma position pour donner un espace, en dehors des cadres institutionnels, à ceux qui luttent pour le respect des droits dans cette région, qu’ils soient Palestiniens ou autres.»
«Tout d’abord, souligne cette femme admirable, la connaissance et la passion pour la situation au Moyen-Orient me sont venues très tôt. En effet, les images de Sabra et Chatila ont été les premiers souvenirs de politique étrangère dont je me souvienne. C’était la première fois que j’entendais parler des réfugiés palestiniens. J’ai grandi dans une famille où l’on discutait de questions, telles que le droit à l’autodétermination des peuples. Puis est venu le militantisme pendant mes années universitaires. Mais le véritable moment qui m’a marqué, ce sont mes études à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de Londres : j’ai compris à quel point le droit était central dans la question israélo-palestinienne», explique-t-elle.
«Pendant des années, j’ai travaillé pour le Haut-Commissaire des Nations unies et pour l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens. J’ai vécu en Palestine et ce fut une expérience très puissante. Comme si mon corps, d’Occidentale ayant grandi en paix, n’était pas habitué à cette violence gratuite, humiliante, presque intimidante, jamais vue auparavant. J’étais déjà allée dans des zones de conflit, mais il n’y avait pas de conflit là-bas : la violence faite aux Palestiniens, imposée par une culture militaire dépasse l’entendement», constate Francesca Albanese. A tous ceux qui utilisent des faux arguments selon lesquels Gaza est gérée de manière autonome depuis le retrait unilatéral israélien de 2005, elle rétorque, preuves à l’appui et forte de sa position de source hautement informée, qu’«Israël continue d’occuper militairement la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est depuis 1967».
«L’occupation militaire existe en vertu de la Convention de La Haye, article 42, lorsqu’existe un contrôle effectif du territoire. Ce qu’Israël a éliminé depuis 2005, c’est la présence de colonies, la colonisation, qui n’est pas un critère déterminant pour l’existence d’une occupation militaire. Israël maintient toujours le contrôle des voies terrestres, le contrôle de l’espace aérien, le contrôle de l’espace électromagnétique, le contrôle des voies maritimes, le contrôle des ressources : les gisements de pétrole au large de Gaza, l’eau, l’électricité», précise-t-elle. «Les décès et les naissances doivent également être confirmés par l’armée israélienne. Il y a aussi l’utilisation des monnaies. Tout ce qui entre à Gaza et en sort est contrôlé par Israël. Israël décide également de l’apport calorique autorisé aux habitants de Gaza. Gaza est donc occupée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», fait savoir la rapporteuse spéciale.
Souvent invitée par les médias qui craignent son franc-parler et sa parfaite connaissance du dossier, Francesca Albanese démonte pièce par pièce la propagande de l’entité occupante, recentrant le débat sur «les violations du droit international, qui ont permis l’ignominie faite à ce peuple, au nom d’improbables justifications, et le racialisme évident qui autorise une inversion accusatoire, dont les limites sont de plus en plus visibles», rappelle-t-elle à ses interlocuteurs.
M. R.
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