Le plan de paix à deux Etats : une chimère cyniquement entretenue ?
Une contribution de Mourad Benachenhou – «Washington (dpa) – Le président américain Joe Biden s’est une fois de plus prononcé en faveur de la soi-disant solution à deux Etats dans le conflit du Moyen-Orient et a exposé sa vision de l’après-guerre à Gaza. Dans un article d’opinion publié samedi 17 novembre dans le Washington Post, il a également évoqué des sanctions contre les colons extrémistes en Cisjordanie. Le démocrate a une nouvelle fois critiqué la violence extrémiste contre les Palestiniens en Cisjordanie. Dans ce long article, Biden a décrit à quoi devrait ressembler, selon lui, l’avenir de la région – et comment la voie à suivre devrait être tracée. Cela est clair : une solution à deux Etats est le seul moyen de garantir la sécurité à long terme des peuples israélien et palestinien, a écrit Biden. Même s’il semble à l’heure actuelle que cet avenir n’a jamais été aussi lointain, la crise l’a rendu plus urgent que jamais».
La réaction violente qu’a suscitée l’opération du 7 octobre 2023, de la part tant de l’occupant sioniste que de son principal protecteur, constitue un démenti clair à l’insistance qu’ont eue les ennemis du peuple palestinien de la qualifier d’acte terroriste sans lendemain.
Une réaction violente qui dément la qualification d’actions terroristes
On ne mobilise pas 300 000 hommes et femmes, on n’arrête pas pratiquement toute la vie économique du pays par cette mobilisation, on ne met pas toute son armée en alerte, on ne demande à son «sponsor» de déverser tout ce qu’il a de munitions disponibles et il ne va pas mobiliser la moitié de sa force navale, s’il s’agissait seulement de riposter à une attaque terroriste.
Celle-ci n’aurait exigé que quelques centaines d’hommes des services de sécurité, légèrement armés, munis de listes de «terroristes», avec leurs adresses, qu’on aurait été «pêcher», torturer, exécuter ou présenter à la justice, ou bien, à la mode sioniste, dont on aurait bombardé les domiciles, tuant au passage toute la famille, suspect, père, mère, épouse enceinte ou pas, bébés, enfants en bas âge.
La boucherie de Gaza : une preuve de panique et d’incompétence militaire
L’ampleur des moyens mis en œuvre jette un doute même sur la crédibilité de la présentation des événements de la journée du 7 octobre par les agresseurs sionistes. De plus, le mode de riposte choisi – le massacre en masse, la destruction systématique – prouve qu’ils reconnaissent que cette opération n’a rien d’une banale attaque, sans conséquences, dont aurait souffert son armée, comme sa population, mais d’un véritable défi stratégique qui remet en cause sa capacité de maintenir la population palestinienne sous sa coupe et de la forcer à accepter ses termes.
Cette fureur sans borne est à la fois l’expression d’un effroi devant la capacité de destruction que possède un peuple, pourtant désarmé, emprisonné, affamé, assoiffé, appauvri, sans ressources autres que celles que lui, l’ennemi, accepte de lui livrer, et, en même temps, un aveu de faiblesse totale devant la capacité de résistance que possède ce peuple opprimé, malgré plus d’un siècle d’occupation coloniale, contre qui tous les moyens les plus brutaux ont été utilisés et continuent à être utilisés, pour le briser et le forcer à abandonner sa lutte. L’opération militaire actuelle n’a aucun autre objectif que celui d’annihiler une fois pour toutes cette capacité de résistance en exterminant la population, en la réduisant à vivre sous les étoiles ou à quitter la terre qui lui appartient.
Le désespoir s’ajoute à la panique chez les dirigeants sionistes qui savent maintenant, de manière certaine, que le peuple palestinien n’est pas près de se déclarer mort, et qu’il existe en lui une capacité de résilience lui permettant de continuer le combat jusqu’à la reconnaissance de ses droits imprescriptibles sur la terre de ses ancêtres.
La chimère du plan de paix à deux Etats refait surface
La victoire du 7 octobre change totalement la donne, tant à l’échelle de la Palestine que pour toute la région, et rend particulièrement absurdes et incongrus les accords d’Abraham, qui ont abouti au contraire de ce qu’ils visaient : forcer le peuple palestinien et ceux qui soutiennent sa juste cause à accepter la loi d’airain du «sionisme conquérant et invincible».
De même, un chef d’Etat n’aurait pas pris la peine de rédiger, avec sa plus belle plume, un long éditorial sur le grand quotidien de la capitale américaine, éditorial où il explique comment il entend façonner la Palestine occupée, après la fin de la boucherie actuelle. Voici ce que rapporte, en gros, la presse internationale : «Le président américain, Joe Biden, s’est une fois de plus prononcé en faveur de la soi-disant solution à deux Etats dans le conflit du Moyen-Orient et a exposé sa vision de l’après-guerre à Gaza. Dans un article d’opinion publié samedi dans le Washington Post, il a également évoqué des sanctions contre les colons extrémistes en Cisjordanie. Le démocrate a une nouvelle fois critiqué la violence extrémiste contre les Palestiniens en Cisjordanie.»
Dans ce long article, Biden a décrit à quoi devrait ressembler, selon lui, l’avenir de la région et comment la voie à suivre devrait être tracée. «Cela est clair : une solution à deux Etats est le seul moyen de garantir la sécurité à long terme des peuples israélien et palestinien», a-t-il écrit. «Même s’il semble à l’heure actuelle que cet avenir n’a jamais été aussi lointain, la crise l’a rendu plus urgent que jamais.»
Il est évident que cet éditorial, qui a été signé par le chef d’Etat américain et qui donne le point de vue d’un homme dont on ne saurait minimiser l’influence dans le cours des événements actuels et à venir, devrait être lu dans son entier et chacun de ses mots, sans doute bien pesé, devrait donner lieu à analyse. Ce qu’on en retient, c’est une sorte de feuille de route qui justifie la grande boucherie à laquelle participe allégrement l’Etat dont il assure la présidence, par un «futur de bonheur et de paix», dans une «Palestine partagé entre juifs et Arabes», dans le cadre de ce serpent de mer, qui ressort chaque fois qu’Israël fait preuve de barbarie.
Tout un chacun se souvient du fiasco de la pièce de théâtre, piteuse et calamiteuse, jouée, toute honte bue, par des dizaines de chefs d’Etat et de hautes autorités gouvernementales, à Madrid, en 1990, sous le titre de «conférence sur la paix au Proche-Orient», peu de temps avant la première guerre du Golfe, il y a déjà plus de trente années de cela. Il est difficile de croire que les billets mis en vente pour la prochaine pitrerie internationale portant sur le même sujet trouveront beaucoup d’acheteurs.
Le président américain demande maintenant aux Palestiniens de lui faire confiance et de se faire massacrer sans broncher, car il leur promet, après cette «boucherie» ce qu’ils veulent depuis plus d’un siècle : la reconnaissance de leurs droits imprescriptibles sur la Palestine historique et l’espoir d’un Etat, même réduit dans sa superficie.
On veut bien croire cet homme puissant, entre les mains duquel se trouvent, non seulement l’avenir de la Palestine, mais également celui de l’humanité.
Il est vrai qu’il a tous les atouts entre les mains pour imposer la solution qui lui «plaît», dans le sens le plus arbitraire du terme. Mais, de l’autre côté, on peut se demander si cette brusque volonté affichée de reconnaître, même partiellement, les droits du Peuple palestinien, n’est pas seulement une manœuvre du moment pour servir d’écran à la barbarie sioniste, assurer l’achèvement de ses objectifs d’extermination assurée et éviter une révolte des femmes et hommes de cœur, de plus en plus bouleversés par le spectacle sanglant, devenu de plus en plus insupportable, d’un peuple qui ne fait qu’essayer de se défendre.
On est d’autant plus sceptique que ce même chef d’Etat a pu arracher aux forceps à celui qui lui doit tout un arrêt momentané des hostilités, arrêt conforté par une résolution du Conseil de sécurité. Qui ne peut pas le moins peut-il vraiment promettre le plus ?
Car, que les dirigeants sionistes le veuillent ou non, sans l’appui illimité des Etats-Unis, Israël ne serait qu’une marmite dont le propriétaire ne saurait rien y cuire car il n’a même pas de bois pour la réchauffer.
Et il est nettement plus aisé de négocier un arrêt des bombardements que de négocier la création d’un Etat palestinien, ce qui forcerait Israël à abandonner une partie des terres qu’il occupe illégalement, aux yeux mêmes de cette fameuse «communauté internationale».
En conclusion
Le 7 octobre 2023 est une date historique, qui marque un tournant dans l’histoire tant de la Palestine que du monde. La tentative de la banaliser en la décrivant comme une série de faits divers est vaine.
La violence de la réaction aux actions du 7 octobre démontre la stupéfaction tant de l’ennemi que de ses alliés et soutiens.
Ce n’est pas une opération militaire qu’Israël mène sur le territoire de Gaza, mais une boucherie, un massacre barbare qui n’a d’autre objectif que de semer la mort et la destruction.
La remise en circulation de la chimère des «deux Etats» par la plume du chef d’Etat le plus puissant du monde, a sans doute du poids, mais ne peut être accueillie qu’avec un grand scepticisme car, non seulement elle intègre une justification de l’opération d’extermination en cours, possible uniquement que par la livraison d’armes et de munitions en flux ininterrompu, mais, encore plus sérieux, s’accompagne d’une incapacité à faire appliquer par Israël, tellement dépendante à l’égard des Etats-Unis, une trêve «humanitaire», pourtant soutenue par une résolution du Conseil de sécurité.
Peut-on promettre le plus alors qu’on ne peut même pas délivrer le moins ? Telle est la grande question.
M. B.
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