Le centenaire américain Henry Kissinger et ses tortueuses relations avec l’Algérie
Une contribution de Khaled Boulaziz – Henry Kissinger, monstre sacré de la diplomatie mondiale, vient de s’éteindre à l’âge de 100 ans. Sacré ? Sûrement pas. Monstre ? Assurément. Il a tenu les rênes du département des Affaires étrangères américain depuis sa nomination en 1969 par Richard Nixon. Pour comprendre ce personnage, il faut retourner à son monde universitaire et disséquer sa thèse de doctorat (1). Au-delà du jargon académique qu’il mania à la perfection, se profile une vision du monde sans d’état d’âme, un monde construit par les plus forts au service d’autres élites plus fortes, une vision par laquelle des millions d’innocents furent sacrifiés, du Vietnam au Chili, en passant par le Cambodge et la Palestine.
Homme politique cynique, sans morale ni éthique, il a jonglé entre les étiquettes démocrate et républicaine pour s’accrocher au poste de secrétaire d’Etat. Ses alliances changeantes témoignent d’une loyauté envers le pouvoir plutôt qu’envers une idéologie. En coulisses, il s’est mué en marionnettiste habile, manipulant les ficelles de la politique mondiale avec une dextérité déconcertante.
Son héritage est maculé de sang, chaque accord diplomatique portant le fardeau des vies sacrifiées au nom de la realpolitik. Derrière la façade de la diplomatie se cachent des décisions criminelles, des stratégies machiavéliques et des alliances pragmatiques qui ont laissé des nations entières endeuillées.
Sa seule vérité fut Israël qu’il défendit bec et ongles dans toutes les arènes mondiales. Sioniste pur et dur dans la grande lignée qu’il engendra par la suite, il rêva d’un Eretz Yisrael, que ses élèves et disciples travaillent d’arrache-pied à réaliser (2).
L’Algérie découvrit son ombre quelques années après avoir embrassé l’aube de l’indépendance. En 1971, dans l’effervescence du combat mené par les Algériens pour la souveraineté nationale sur leurs hydrocarbures, Henry Kissinger se dressa comme une figure centrale, orchestrant de sa plume les sinuosités des négociations visant à entraver le recouvrement par l’Algérie de ses précieuses ressources naturelles.
De cette époque, quelques documents ont trouvé le chemin du grand public. Ils relèvent une dextérité diplomatique hors pair de la direction politique du pays.
Au cours des années 70, l’Algérie s’est trouvée engagée dans des échanges plus complexes avec Henry Kissinger, éminence grise de la diplomatie internationale, sur diverses problématiques. Parmi ces enjeux significatifs, on peut citer la guerre des Six jours, un conflit qui résonnait au-delà des frontières, et la guerre d’octobre 1973, un chapitre tumultueux de l’histoire régionale. Cependant, au sommet de ces négociations épineuses, l’embargo pétrolier de la même année s’est avéré être un point d’achoppement majeur.
L’Algérie, en sa qualité de détenteur de richesses énergétiques et d’une révolution, a été confrontée à la nécessité de prendre des positions résolues en initiant, conjointement avec l’Arabie Saoudite et l’Iran, cet embargo. Ce moment critique a mis en lumière la résilience et la fermeté de l’Algérie dans son engagement diplomatique. Chaque négociation était un ballet délicat, chaque décision était pesée dans l’équilibre précaire des relations internationales.
Ainsi, cette période a façonné l’histoire de l’Algérie en tant qu’acteur majeur sur la scène diplomatique mondiale. La confrontation avec Henry Kissinger a été un épisode dans lequel la nation a démontré sa détermination face aux défis complexes de cette ère, et où chaque dossier était un terrain de jeu pour des discussions cruciales et des décisions stratégiques.
Il existe une abondante littérature consacrée à cette personnalité, constituant une invitation pour celles et ceux qui souhaitent y plancher. Pour les Algériens, il est crucial de se rappeler qu’il demeure celui qui, lors de quelques escapades au Maroc, parmi les plaisirs psychédéliques des années hippies, a murmuré à l’oreille de Hassan II l’idée de la grande marche verte qu’André Azoulay, soldat d’époque et soldat de toujours, exécuta avec dévouement, tant dans l’esprit que dans le détail (3).
Cette épine persiste toujours dans le corps de cet ensemble régional rêvé, un héritage de discorde qu’Henry Kissinger a légué dans le sang et la mésentente aux générations futures de cette partie du monde.
K. B.
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