Un haut gradé : «Une guerre approche entre les Etats-Unis et la Chine»
Une analyse d’Elodie Descamps – Et si la guerre qui fait rage en Ukraine n’était que le prélude d’une guerre bien plus importante entre les Etats-Unis et la Chine ? C’est en tout cas ce que suggère un haut gradé de l’armée états-unienne. Le monde serait-il à l’aube d’un affrontement entre les deux plus grandes puissances mondiales ? On fait le point.
Et si la guerre en Ukraine n’était que «l’échauffement» d’une «grande guerre» opposant les Etats-Unis à la Chine ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé l’amiral Charles A. Richard, l’un des plus hauts gradés de l’armée états-unienne à la tête de l’United States Strategic Command, lors d’un symposium officiel en novembre. A en croire ce responsable de l’arsenal militaire et la dissuasion nucléaire dont les propos ont été rapportés par Korii, le pire serait à venir.
En novembre dernier, Joe Biden réaffirmait l’opposition des Etats-Unis à toute tentative «unilatérale de changer le statu quo ou de porter atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan», dans un communiqué. Historiquement perçue comme un allié des Etats-Unis face à la Chine, Taïwan représentait déjà un rempart au développement du communisme durant la Guerre froide. L’ennemi véritable des Etats-Unis n’est pas la Russie mais la Chine, insiste l’amiral Charles A. Richard. Et si «la crise en Ukraine n’est qu’un échauffement», «la grande guerre arrive», assure le haut gradé, annonçant un conflit bien plus important opposant les Etats-Unis à la Chine.
«Et il ne faudra pas longtemps avant que nous soyons mis à l’épreuve comme nous ne l’avons pas été depuis longtemps», avertit le militaire, qui considère que son armée a pris du retard par rapport à celle de son principal rival. S’il est courant que des hauts gradés tiennent des propos particulièrement alarmistes sur l’industrie militaire de leur pays, afin de se voir octroyer davantage de financements, le fait que ses déclarations soient reprises par le ministère de la Défense indique tout de même qu’elles ne sont pas à prendre à la légère. D’autant que le président chinois, Xi Jinping, s’est empressé d’y répondre, indirectement, en exhortant ses forces armées à «accélérer l’amélioration de leur capacité à vaincre », le 8 novembre dernier, dans un contexte où «l’incertitude de la situation sécuritaire de la Chine augmente».
Des exercices militaires organisés par l’armée états-unienne en mer de Chine méridionale – où s’est installée une partie de la flotte marine américaine – à la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, contre la volonté de la Chine, en passant par le soutien militaire apporté à l’île que Pékin considère comme une province de son territoire, les Etats-Unis semblent multiplier les provocations à l’égard de leur rival chinois depuis plusieurs mois. En réponse, le président Xi Jinping n’hésite pas à rappeler que son pays se tient prêt à répondre militairement si nécessaire. Mais pourquoi la tension entre la Chine et les Etats-Unis s’intensifie-t-elle à ce point ces derniers mois, voire ces dernières années ?
Au-delà du cas de Taïwan, la première puissance mondiale n’entend pas perdre son hégémonie économique, culturelle, financière et militaire sur le monde. Or, la Chine n’a jamais caché ses ambitions économiques et les met à l’œuvre, notamment sur le continent africain. L’ancien président Barack Obama disait déjà à l’époque : «La Chine veut écrire les règles pour la région du monde qui a la croissance la plus rapide, l’Afrique. Pourquoi la laisserait-on faire ? Nous devrions nous-mêmes écrire ces règles.» Les nouvelles routes de la soie qui constituent le plus vaste projet industriel mondial reliant la Chine à l’Europe, promettent également de peser sur le commerce mondial. Elles concernent plus de 68 pays et regrouperaient près de 40% du produit intérieur brut (PIB) de la planète. Ainsi, si cette rivalité entre superpuissances n’est pas nouvelle, elle tend à s’accroitre à mesure que la Chine gagne du terrain sur le globe.
Il est vrai que la Chine concurrence la première puissance planétaire, elle-même en perte de vitesse, sur les terrains économiques et financiers. Une concurrence entre puissances qui a déjà bouleversé l’ordre international unipolaire tel qu’il fut construit après la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement de l’URSS, et qui n’est pas au goût des Etats-Unis. A titre d’exemple, la Chine a dégagé un excédent commercial de 690 milliards de dollars sur l’année 2021, tandis que les Etats-Unis traînent un déficit budgétaire colossal évalué à 668 milliards de dollars.
Une crainte visiblement partagée par l’Union européenne. Selon le Financial Times, une récente note des services en charge de la politique étrangère de l’Union à Bruxelles enjoint les ministres des Affaires étrangères des 27 pays membres à adopter une ligne plus dure à l’égard de Pékin. «La Chine est devenue un concurrent encore plus fort pour l’Union européenne, les Etats-Unis et les autres partenaires, souligne la note. Il est de ce fait essentiel d’étudier la meilleure façon de répondre à ces défis en cours ou à venir. […] En résumé, nous nous dirigeons vers une concurrence totale sur le plan économique mais aussi politique», conclut-elle.
D’après les propos du haut gradé états-unien, qui s’inquiète que la marine militaire chinoise soit désormais la plus vaste du monde et des progrès de son aviation, les Etats-Unis seraient notamment menacés par la modernisation de l’armée chinoise. Toutefois, que ce soit dans les domaines économique, financier, technologique, culturel ou militaire, ces derniers conservent une avance indéniable sur la Chine et le reste du monde. Pour rappel, le budget alloué au département de la Défense s’élève à environ 688 milliards d’euros, quand celui de la Chine «n’est que» de 227,4 milliards d’euros. Sur la période de 2015 à 2018, les dépenses militaires des Etats-Unis représentent environ 35% du total des dépenses militaires mondiales. Autrement dit, s’il faut observer avec attention la montée des tensions sino-américaines, dont Taïwan est devenu l’épicentre, l’armée chinoise ne se glisse pas encore au niveau de la plus grande puissance militaire au monde.
E. D.
In Les7duquebec
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