La taupe de la DGED à BFMTV jugée en France : pourquoi Rabat lâche son agent
Par Kamel M. – Finalement, le «journaliste» de BFMTV, Rachid M’barki, a été prié par les autorités marocaines de regagner la France où il devra être jugé. L’agent de la DGED, le service d’espionnage marocain dirigé par Yassine Mansouri, avait fui au Maroc après la découverte de son activité secrète parallèle au profit du régime de Rabat, mais il semblerait qu’un deal ait été passé entre la France et le Maroc pour éviter que l’affaire n’envenime davantage les relations entre ces deux pays et, surtout, que l’opinion publique française s’interroge sur les dessous de cette affaire qui éclabousse l’establishment après celle humiliante du logiciel d’espionnage Pegasus que Paris a définitivement enterrée.
Pour atténuer les effets néfastes de cette nouvelle affaire sur la réputation déjà entachée des gouvernements français et marocain, Rachid M’barki ne sera pas jugé pour espionnage au profit d’un Etat étranger, mais des chefs d’accusation édulcorés de «corruption passive» et d’«abus de confiance». On comprend aisément que l’affaire dépasse de loin la simple plainte déposée par la chaîne de télévision française et que l’enquête qui l’a révélée a semé un vent de panique aussi bien en France qu’au Maroc, poussant les services secrets des deux pays à chercher une issue à ce nouveau scandale qui s’ajoute aux nombreux autres impliquant le Makhzen. En effet, le cas M’barki est venu se greffer au fameux Marocgate dans lequel sont compromis de nombreux députés du Parlement européen et plusieurs avocats belges.
Ce qui gêne dans cette révélation, ce n’est pas tant la découverte des activités clandestines du «journaliste» de BFMTV, mais le degré d’infiltration des institutions françaises, et plus largement européennes, par le Maroc, dont la politique fondée sur la corruption des élites éclabousse les dirigeants occidentaux et remet en cause leur crédibilité en tant qu’élus censés défendre les intérêts de leur pays exclusivement. Les cas qui ont été découverts et médiatisés ne sont, à vrai dire, que la partie émergée de l’iceberg, tant la corruption a gangréné les Etats européens, si bien que que l’avenir réserve bien d’autres surprises.
Mais ce n’est pas qu’en Occident que le Makhzen a disséminé ses taupes. La direction d’Al-Jazeera a, pour rappel, également limogé un journaliste marocain, Abdessamad Nasser, qui s’est attaqué à l’Algérie dans un tweet. Sommé de retirer son message haineux envers notre pays, cet autre agent de la DGED a refusé, arguant qu’il lui était permis de s’exprimer librement en dehors de la chaîne qatarie qui l’emploie. Le licenciement justifié de ce propagandiste du Makhzen a soulevé un tollé général au Maroc où le syndicat des journalistes marocains s’était fendu d’un communiqué dans lequel il s’en prenait avec rage aux responsables d’Al-Jazeera. Récupéré par Rabat, l’agent démasqué s’est vu offrir une grosse somme d’argent pour lancer une chaîne de propagande à partir du Maroc.
K. M.
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