Insulte mémorielle
Par Khaled Boulaziz – La prétendue réclamation de l’épée et du burnous de l’Emir Abdelkader, orchestrée par quelque cercle, se dévoile comme une tragi-comédie médiocre, une diversion dérisoire face aux impératifs pressants de la longue nuit coloniale, en particulier les plaies béantes infligées par les essais nucléaires français dans le Sahara algérien. Cette tentative, tel un spectacle malhabile, se dessine devant les cicatrices toujours vives de ces expérimentations nucléaires aux répercussions dévastatrices.
Les artefacts symboliques réclamés dans le cadre de cette pseudo-restitution ne sont qu’une vaine tentative de détourner l’attention des tragédies bien réelles qui continuent de hanter la vie des Algériens. L’épée et le burnous de l’Emir, symboles d’une histoire douloureuse, sont agités comme des marionnettes de pacotille, masquant maladroitement les séquelles radioactives persistantes dans le sol et les corps des populations locales.
Malgré cette tentative fallacieuse de paraître symboliquement reconnaissant, la réalité demeure implacable. Les conséquences néfastes des essais nucléaires français continuent d’infliger des souffrances indicibles aux Algériens, affectant leur santé et leur bien-être de manière insidieuse. La leucémie, la stérilité et les affections thyroïdiennes ne sont pas des fictions, mais des réalités persistantes, ancrées dans le quotidien de ces communautés.
La farce de la restitution se dévoile ainsi comme une mascarade grotesque, une tentative maladroite de détourner l’attention du véritable enjeu : la responsabilité incontestable de l’Etat français dans les dommages infligés par ces essais nucléaires. Elle n’atténue en rien la nécessité urgente d’une prise en charge totale, tant sur le plan de la décontamination du Sahara algérien que sur celui de la mise en place d’un programme médical sérieux pour les populations touchées.
En réalité, cette parodie souligne l’urgence d’une démarche authentique et substantielle de la part de la France, une démarche qui va bien au-delà de gestes symboliques vides de sens. Les plaies des essais nucléaires français ne peuvent être cautérisées par des exhibitions superficielles, mais exigent une réponse sérieuse, éthique et humaine.
Dans les faits avérés, entre 1960 et 1966, la France a conduit un total de cinquante-sept expérimentations et essais nucléaires en Algérie. Ces essais comprenaient quatre explosions aériennes dans la région de Touat, treize explosions souterraines à In Ecker, trente-cinq tests complémentaires à Hammoudia, près de Reggane, ainsi que cinq autres expérimentations sur le plutonium à In Ecker, située à trente kilomètres de la montagne où les essais souterrains ont eu lieu. Le nuage radioactif résultant de l’explosion s’est déplacé jusqu’en Espagne et en Italie.
Cependant, ce qui est particulièrement troublant dans cette affaire, c’est que l’analyse iconographique des photos prises lors des essais nucléaires français dans le Sahara algérien a révélé que la posture des prétendus mannequins utilisés pendant ces tests atomiques ressemblait étrangement à celle de corps humains revêtus de vêtements. Parallèlement à cela, de nombreux Algériens détenus dans l’ouest du pays et condamnés à mort par les tribunaux spéciaux des forces armées françaises ont fourni des témoignages poignants au cours de la Révolution algérienne.
Certains condamnés à mort n’ont pas été exécutés en prison, mais transférés sans laisser de traces. Selon leurs dires, ils auraient été remis à l’armée. Une vérification des registres des exécutions judiciaires ne révèle aucune trace de leur exécution, et encore moins de leur libération. Le même sort a été réservé à d’autres personnes internées dans des camps de concentration.
Ainsi, la parodie de restitution se trouve être non seulement une insulte à la mémoire de l’Emir Abdelkader, mais également une offense à l’intelligence et à la dignité du peuple algérien, dont les souffrances réelles méritent bien plus qu’une pantomime maladroite.
K. B.
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