Riyad autorise l’alcool : nos islamistes suivistes zélés ont la tête qui tourne
Par Kamel M. – Mohamed Ben Salmane n’en finit pas de surprendre les adeptes du wahhabisme qu’il s’attelle à abolir. Les Al-Saoud ont, en effet, décidé d’autoriser la vente et la consommation des boissons alcoolisées dans le royaume, tout en étant les «protecteurs» des Lieux saints de l’islam. Le régime de Riyad a amorcé un virage à 180° dès la prise de pouvoir officieusement par le prince héritier, qui a suppléé son père, le roi Salman, âgé et malade, avant terme. La «révolution» a commencé avec l’organisation de concerts de musique, inaugurés par l’Algérien Khaled, alors que celle-ci était, jusqu’à un passé récent, proscrite. Les femmes ont été autorisées à conduire et l’influence de la police des mœurs a été réduite.
L’ouverture de débits de boissons a, toutefois, été soumise à des règles strictes. La vente est exclusivement réservée aux diplomates non-musulmans qui devront faire leurs achats personnellement et ne pourront pas déléguer une tierce personne pour ce faire. Un saupoudrage censé atténuer la colère des puritains saoudiens qui pourraient contester ce «blasphème». La vente est, par ailleurs, concentrée dans un espace réduit à Riyad, en attendant, peut-être, qu’elle soit élargie à d’autres quartiers ou d’autres villes, comme Djeddah.
En 2018, un mufti, membre d’une instance religieuse officielle saoudienne, avait provoqué un tollé général, en affirmant que le voile intégral dont se vêtissent les Saoudiennes n’était pas obligatoire. La déclaration du théologien avait été accueillie par des critiques, mais aussi par des soutiens émanant de Saoudiens qui commencent à s’exprimer librement sur les contraintes imposées par le dogme wahhabite rigoriste. Abdallah Ben Mohamed Al-Motlaq avait décrété, lors d’une émission télévisée spécialisée, que l’obligation faite aux femmes de porter le voile intégral «n’est fondée sur aucun texte religieux», soulignant que «90% des femmes respectueuses des préceptes de l’islam ne portent pas le voile pour autant». Le religieux, qui occupe la haute fonction de conseiller au cabinet du roi Salmane, avait ajouté que parmi ces femmes, certaines maîtrisaient le Coran et étaient même des prédicatrices. Le mufti saoudien avait expliqué que l’islam préconisait surtout la pudeur et la décence, «que la femme porte le voile ou non».
Le changement de cap opéré par la monarchie saoudienne ne concerne pas que les mœurs, mais s’étend à la politique internationale, puisque les premiers signes d’un rapprochement timide avec l’Etat sioniste préludent, depuis plusieurs années, le très probable établissement de relations officielles entre Riyad et Tel-Aviv, même si l’agression israélienne contre Gaza en a retardé l’annonce.
Les partisans zélés du wahhabisme, qui ont cherché à instaurer un califat en Algérie par la violence dans les années 1990, avec la bénédiction du président socialiste français François Mitterrand, et le soutien actif de puissances musulmanes étrangères, notamment le Pakistan, le Soudan et l’Iran – qui voulait s’engouffrer dans la brèche pour répandre le chiisme dans le pays –, ne savent plus à quel saint se vouer, depuis que le mythe du dogme «inaliénable» importé d’Arabie Saoudite s’est effondré.
K. M.
Comment (82)