Les neuf propositions de la commission mémorielle algéro-française réunie à Paris
Par Mohamed El-Ghazi – La commission mixte algéro-française, réunie en session plénière le 25 janvier 2024 aux Archives nationales françaises, et qui s’est rendue dans douze lieux à Paris, en région parisienne et en province, entre le 23 janvier et le 3 février 2024, vient de rendre publique ses propositions.
La première proposition concerne la sensible question des archives. La commission mixte rappelle ce qui a été décidé à Constantine, à savoir «la restitution de 5 mètres linéaires d’archives de l’Algérie à l’époque ottomane, ainsi que la remise de 2 millions de documents numérisés des archives nationales d’outre-mer. Tout comme elle s’est attelée à définir la période, la nature et la typologie de ces archives et documents numérisés».
«La commission mixte s’est également accordée sur la nécessité et l’utilité de définir un ordre de priorités dans la numérisation des fonds d’archives, à commencer par les archives militaires et diplomatiques du Xe siècle», fait savoir la commission, en proposant également de «développer des partenariats entre les Archives nationales algériennes et françaises dans les domaines de la formation et de la numérisation, et de favoriser l’accessibilité et le partage des ressources numériques. Certaines de ces archives, progressivement découvertes et numérisées, pourraient aussi faire l’objet de publications scientifiques».
Le deuxième point et pas des moindres concerne les restitutions. La partie algérienne «propose une liste ouverte de biens symboliques comme ceux ayant appartenu à l’Emir Abdelkader, à Ahmed Bey et à d’autres personnalités algériennes». Parmi ces biens, l’épée, le burnous, le Coran, la tente et les canons de l’Emir, la tente d’Ahmed Bey, la clé et les étendards de Laghouat, les canons, etc.
A cet effet, la commission mixte «se félicite de la proposition faite par des musées, comme le Quai Branly ou le Louvre, de réaliser un inventaire des items provenant d’Algérie». Elle propose, par ailleurs, de «réaliser des expositions sur l’histoire de l’Algérie au XIXe siècle à partir des fonds présents dans les musées en France et en Algérie, notamment l’exposition sur l’Emir Abdelkader, réalisée au Mucem en 2022, pour être également présentés dans un musée en Algérie».
La troisième proposition commune de cette commission mémorielle est de «poursuivre l’élaboration d’une chronologie sur les différents aspects militaires, politiques, économiques, sociaux et culturels tout au long de la période coloniale (1830-1962), en commençant par le XIXe siècle».
Concernant le quatrième point, qui est la bibliographie, la commission mixte «confirme ce qui a été convenu à l’issue de la rencontre de Constantine et s’accorde sur une approche thématique recensant, d’une part, les sources imprimées et les publications, de l’autre». Elle propose, en outre, «le recensement des livres publiés en langue française, en langue arabe et dans d’autres langues concernant l’histoire coloniale de la France en Algérie». «Ce recensement doit permettre l’identification d’ouvrages qui seraient à numériser ou encore à traduire», indique-t-on.
Pour la proposition numéro 5, la commission mémorielle «confirme les dispositions retenues à Constantine et recommande d’en activer le processus de réalisation par la mise en œuvre d’un portail numérique, bibliothèque partagée entre la Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque nationale d’Algérie, qui permettra de mettre en commun sur un site dédié les ouvrages, les périodiques, les ressources audiovisuelles, les archives et les manuscrits numérisés par la Bibliothèque nationale de France». Elle appelle à la mise en œuvre d’un partenariat en ressources et compétences des deux institutions nationales. Cette «bibliothèque partagée» pourrait dans un premier temps être portée par la Bibliothèque diplomatique numérique (BDN). Elle permettrait également de lancer un programme pour reconstituer numériquement la correspondance et la bibliothèque de l’Emir Abdelkader, dont les textes et les ouvrages sont actuellement disséminés dans le monde entier, dans sa famille, chez des particuliers ou dans des institutions patrimoniales, note la commission.
La sixième proposition concerne l’échange de doctorants et la formation. Les historiens se sont accordés sur le fait que «les 15 doctorants et chercheurs algériens en France et doctorants et chercheurs français en Algérie chargés de participer à l’inventaire et d’étudier les archives de la période coloniale dès la rentrée universitaire prochaine (2024-2025), devront s’attacher des objets d’étude exclusivement dédiés au XlXe siècle, avec toutes les facilités d’accès aux fonds d’archives».
Le septième point porte sur les cimetières des détenus algériens du XIXe siècle en France. Les historiens se sont convenus de «poursuivre l’identification et la recension des cimetières, des tombes et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France, et de valoriser ces lieux de mémoire par l’apposition de plaques commémoratives en une douzaine de lieux (Toulon, Pau, Amboise, Sainte-Marguerite, Sète, Agde, Porquerolles, Calvi, Corte, Ajaccio, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie), renvoyant à un site Internet sur lequel des précisions historiques seront données sur ces lieux de détention et les personnes qui y étaient emprisonnées».
Concernant le huitième point et qui porte sur les rencontres scientifiques conjointes, la commission mixte préconise que la première d’entre elles aborde la question des archives. «Cette rencontre pourrait se dérouler à la fois en France et en Algérie, en présentiel et en virtuel, et comportant chacune des archivistes et des historiens algériens, français et d’autres nationalités».
Pour ce qui est du dernier point portant sur la numérisation des registres d’état civil, la commission se conformera aux dispositions retenues à Constantine. Elle propose «la finalisation de l’opération de numérisation des registre de l’état civil et des cimetières de la période coloniale conservés en Algérie. Les historiens français demandent que «les cimetières chrétiens et juifs en Algérie soient cartographiés et leurs registres numérisés».
La commission mémorielle, avec à sa tête, du côté algérien, le professeur Mohamed-Lahcen Zeghidi, et du côté français, l’historien Benjamin Stora, propose de se réunir dans deux mois et de poursuivre le programme d’échanges et de réunions. Le lieu de la prochaine rencontre n’a pas été communiqué.
M. E-G.
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