Interdiction de la Journée du chahid : la fin de la commission mémorielle ?
Par Nabil D. – Un commentaire furtif de la Télévision officielle algérienne, suite à l’interdiction par la préfecture de Paris de la commémoration de la Journée nationale du chahid, place de la Nation, indique que la décision des autorités françaises n’a pas du tout été appréciée à Alger. Le préfet de police de Paris avait rendu public un communiqué, la veille d’un rassemblement auquel avaient appelé des personnalités et des associations algériennes pour le 18 février, dans lequel elle justifiait sa décision par des «risques de troubles à l’ordre public». Or, l’événement, bien que lancé à partir de France par la diaspora, était fortement encouragé par les autorités algériennes et l’appel avait été relayé par l’agence de presse officielle APS.
Ce nouveau couac dans les relations algéro-françaises risque de compromettre la commission mémorielle mixte instituée par les présidents Tebboune et Macron, dans l’espoir d’un apaisement entre les deux pays. La commission s’est réunie une première fois à Constantine, ville natale de son co-président, Benjamin Stora, sans doute à sa demande, puis à Paris, où une série de recommandations ont couronné la rencontre annoncée par les médias français.
L’interdiction d’un événement d’une portée historique chère aux Algériens – hommage aux martyrs de la glorieuse Guerre de libération nationale – est perçue comme une insulte à la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie pour l’indépendance de l’Algérie. Aussi les Algériens ne sont pas près de pardonner cet affront fait à leurs héros par la France. Le geste est trop grave pour qu’il passe sans qu’il y ait une réaction. Celle-ci pourrait se traduire par un gel des activités de la commission en charge de la réécriture conjointe de l’histoire de la Guerre d’Algérie par des historiens algériens et français. Une démarche déjà contestée des deux côtés de la Méditerranée.
Côté algérien, en effet, on estime que l’histoire de l’Algérie doit être écrite par les Algériens eux-mêmes et que l’association d’universitaires issus du pays colonisateur à ce travail de mémoire est une «aberration». En France, les nostalgiques de l’Algérie française et les harkis, ces supplétifs de l’armée coloniale, et leurs descendants rejettent ce qu’ils qualifient de reniement de leurs «droits», refusant toute reconnaissance des crimes contre l’humanité qu’eux et leur armée sanguinaire ont perpétrés en Algérie.
La décision de la préfecture de Paris est symptomatique de l’hypocrisie du pouvoir français qui instrumentalise l’histoire qui lie les deux pays à des fins politiciennes, mais qui, à force de se fourvoyer dans ses propres contradictions, compromet tout espoir d’une entente sincère entre l’ancienne puissance coloniale et son ancienne colonie.
N. D.
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