Grande colère en Espagne après la visite «improvisée» de Pedro Sanchez à Rabat
Par Kamel M. – Au moment où l’ancien ministre espagnol de la Défense se fendait d’un article vantant les mérites du plan d’autonomie marocain au Sahara Occidental, en Espagne, où la crise économique et sociale bat son plein, on proteste avec véhémence contre la visite «improvisée» au Maroc par le Premier ministre, Pedro Sanchez, et son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares. Dans sa tribune, forcément rémunérée, José Bono a cru devoir rappeler les Sahraouis au bon souvenir de ses plaidoyers en faveur des membres du Polisario, alibi suffisant, selon lui, pour justifier sa volte-face et légitimer son soutien intéressé au Makhzen, alors même que des juristes espagnols demandent avec fermeté le respect par Madrid de la légalité internationale.
Pourtant, les Espagnols, dans leur écrasante majorité, accablés par une sècheresse sans précédent, dénoncent ce qu’ils considèrent être une gabegie, alors que leur pays souffre d’une calamité naturelle qui compromet sérieusement une de ses ressources les plus importantes : l’agriculture. «Le président de l’Espagne, Pedro Sanchez, fait un don de 600 000 euros au Maroc. Les Espagnols s’interrogent sur l’intérêt d’octroyer ce montant alors qu’il pourrait servir en Espagne. Pourquoi le Maroc a-t-il besoin de tant de dons ?» s’interrogent-ils, courroucés. «Pedro Sanchez offre 600 000 euros supplémentaires à Mohammed VI pour un projet d’eau dans une commune du Maroc», relève-t-on encore. Cette somme, selon des sources concordantes, est destinée à la mise en place d’un réseau d’assainissement d’eaux usées dans un village reculé du Maroc. «Une goutte d’eau dans un océan», charrient des Marocains qui rappellent que le Maroc profond vit encore à l’âge des troglodytes. «Le prix à payer pour une audience avec Mohammed VI : renforcer le soutien de l’Espagne à l’ambition du Maroc sur le Sahara Occidental», tacle, pour sa part, le journaliste Ignacio Cembrero, dans un message diffusé sur X [ex-Twitter].
Dans un article ayant précédé le déplacement du chef du gouvernement espagnol à Rabat, El-Independiente indiquait que ce dernier avait annoncé, à la toute dernière minute, «un voyage éclair et surprise au Maroc, le premier de son nouveau mandat». «Un an après la réunion de haut niveau au cours de laquelle le roi Mohammed VI avait organisé un sit-in contre Sanchez, après avoir choisi de passer ses vacances au Gabon, le socialiste revient dans la capitale du royaume alaouite avec la promesse de prendre la photo qui lui avait échappée il y a douze mois», ironise le média espagnol.
«Depuis l’annonce du voyage, le gouvernement s’est abstenu d’expliquer les raisons de l’urgence impérieuse et inévitable qui ont motivé cette visite décidée in extremis», souligne El-Independiente, qui note qu’«en s’alignant sur les thèses marocaines sur l’autonomie de l’ancienne colonie espagnole, dernier territoire colonisé en Afrique, le gouvernement espagnol a rompu 47 ans de neutralité active», en dépit du refus de Rabat de «rouvrir la douane de Melilla et d’en créer une nouvelle à Ceuta».
«Malgré le manque d’informations sur l’ordre du jour de la visite, les questions du trafic de drogue et de l’immigration clandestine seront abordées», écrit le journal espagnol. Et de rappeler que l’année 2023 «s’est terminée aux îles Canaries avec 8 000 migrants de plus que la crise des Cayucos en 2006». «Les arrivées de migrants par la route des Canaries continuent d’exploser les chiffres après une année record», constate ce média, en se référant aux dernières statistiques de l’Agence européenne de contrôle des frontières. «La route a représenté près de la moitié de toutes les arrivées irrégulières vers l’Union européenne le mois dernier, avec plus de 6 600 personnes enregistrées et une augmentation de 48% par rapport à la même période l’année précédente. En décembre, l’augmentation était de 50%, soit dix fois le chiffre enregistré un an auparavant», indique El-Independiente. «A ces chiffres croissants, fait-il remarquer, s’ajoutent les rapports faisant état de violations des droits humains de la part de la gendarmerie marocaine, avec des épisodes aussi dramatiques que le franchissement de la clôture de Melilla en juin 2022».
K. M.
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