La fille de Mohammed Dib : «Mon père s’est emparé de la langue française»
Par Farida O. – Une des filles de l’écrivain Mohammed Dib a expliqué l’attachement des Algériens aux œuvres de son père par le fait qu’ils sont ses «lecteurs naturels» et qu’ils «savent que ses livres parlent d’eux». «C’est le profond attachement de mon père à ses origines, à son identité, aux paysages du commencement, qui lui a permis de construire une grande œuvre», a affirmé Assia Dib, dans un entretien au quotidien francophone El-Watan. «Les nombreux thèmes qu’il aborde – l’altérité, l’exil, l’identité, la femme, l’amour, la filiation, la guerre, la mort, la violence – parlent aux lecteurs algériens à travers les personnages de ses livres, tout en les raccrochant à ce fonds d’humanité qui nous est commun, parce que ces thèmes sont universels», a-t-elle développé.
«C’est une lecture émancipatrice», a estimé Assia Dib, en rapportant les propos de l’auteur de Laëzza, roman traduit vers l’arabe par Mehenna Hamadouche : «Me lisant, disait-il en parlant de ses lecteurs algériens, ils sauront que l’autre existe et seront peut-être tentés d’engager avec lui un débat aussi nécessaire qu’utile à leur propre identification, à la mise en évidence des composants de leur personnalité, tout en les portant à entrer dans un rapport d’échange, de partage.» «A commencer par l’échange et le partage de la parole», écrivait-il dans une note parue dans la revue Apulée, en mai 2023.
«Par ailleurs, a poursuivi la fille aînée de l’écrivain décédé en France en mai 2003, Dib fait partie de cette génération d’écrivains algériens qui se sont emparés de la langue française pour en faire la langue de la littérature algérienne». «Le français est devenu ma langue adoptive», constatait-il dans L’Arbre à dires, mais, écrivant ou parlant, je sens mon français manœuvré, manipulé d’une façon indéfinissable par la langue maternelle. Est-ce une infirmité ? Pour un écrivain, ça me semble un atout supplémentaire, si tant est qu’il parvienne à faire sonner les deux idiomes en sympathie.» «Cette bi-langue constitue une dimension supplémentaire pour les lecteurs algériens ou, du moins, maghrébins», a décrypté Assia Dib, en ajoutant que, pour elle, «il existe une lecture spécifiquement algérienne de l’œuvre» de Mohammed Dib.
«Mon père s’intéressait à l’actualité de la littérature algérienne. Il la suivait de près, et il était toujours disponible pour des échanges avec les écrivains algériens qui le contactaient. Il avait plaisir à les recevoir chez lui, en banlieue parisienne», a-t-elle fait remarquer, en indiquant qu’il restait des notes et des textes courts de l’auteur natif de Tlemcen, portant sur des sujets variés. «Nous en publions de temps à autre dans des revues», a-t-elle précisé.
F. O.
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