Zekri répond à Darmanin sur les imams : «On est en plein dans l’islam colonial !»
Par Nabil D. – Les textes qui règlent la situation de l’imam en France continuent de susciter des remous. Dans le viseur des autorités françaises depuis l’élection d’Emmanuel Macron, qui a fait de la lutte contre ce qu’il a appelé «séparatisme» – un terme jugé inapproprié par les responsables du culte musulman, qui ont compris que sa loi concernait l’islam tout particulièrement –, la communauté musulmane se sent prise en étau entre un pouvoir politique insidieusement islamophobe et un extrémisme religieux qui le désigne à la vindicte publique.
Le ministre français de l’Intérieur vient d’annoncer qu’«il y aura, avant la fin de l’année, un statut de l’imam en France», en lançant la seconde session des travaux du Forum pour l’islam de France, une instance voulue comme une alternative à celles déjà existantes, notamment le Conseil français du culte musulman (CFCM), dont les positions franches et courageuses contre le génocide commis par Israël à Gaza dérange au plus haut point. Ce que le gouvernement français veut, en mettant fin au détachement des imams par l’Algérie, la Turquie et le Maroc, ce sont des prêcheurs «salariés et payés par leur lieu de culte et non pas par des grandes organisations, souvent liées à des pays étrangers». «Ils doivent être diplômés et avoir notamment suivi en France une formation universitaire donnant à la laïcité et au fait religieux», insiste le locataire de la place Beauvau.
Mais au CFCM, on ne compte pas laisser l’administration française gérer l’islam selon son bon vouloir, même si celle-ci a trouvé en la Grande Mosquée de Paris une institution croupion déviée de sa mission depuis que Chems-Eddine Hafiz en a pris les rênes dans des conditions contestées, en janvier 2020. Le vice-président du CFCM a, en effet, clairement exprimé son désaccord avec Gérald Darmanin, dont il critique le modus operandi. «On a mis fin aux financements étrangers, il n’y a pas de problème. Je suis entièrement d’accord pour que les mosquées se gèrent elles-mêmes avec les cotisations des fidèles. Cela dit, s’ingérer dans le culte comme il fait, je ne suis pas d’accord du tout. Qu’il élabore un statut de curé, de rabbin, de pasteur protestant ! Il n’y a que l’islam et ça, je ne peux pas le supporter, je ne peux pas l’accepter», a dénoncé Abdallah Zekri, dans une déclaration à France TV.
«Ce n’est pas au ministre de proposer car c’est un ordre déguisé et on est en plein dans l’islam colonial», a blâmé le recteur de la mosquée de la Paix, à Nîmes, qui remet en cause la «compétence religieuse» du forum créé par l’establishment. «Il s’agit d’une instance de dialogue dont les membres sont désignés d’une manière arbitraire par les préfets, sans consultation aucune avec les responsables locaux, élus pour représenter le culte musulman», a-t-il objecté.
N. D.
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