Le Français Antoine de Maximy a porté atteinte à l’image de l’Algérie à dessein ?
Par Karim B. – Sur les dizaines d’heures de tournage réalisées durant quinze jours en Algérie, le journaliste français Antoine de Maximy n’en a exploité que celles qui ont montré un visage hideux et rébarbatif d’un pays qui serait inhospitalier et d’un Etat policier qui fliquerait tout ce qui bouge. Les réactions au reportage réalisé en Kabylie, à Alger, à Oran, à Ghardaïa et à Djanet ont été nombreuses, abondant pour la plupart dans le même sens : une profonde déception quant au choix clairement délibéré de l’hôte français de faire détester l’Algérie aux téléspectateurs de son pays et de ceux où l’émission «J’irai dormir chez vous» est suivie par le plus grand nombre.
Antoine de Maximy a focalisé sur des mesures de sécurité on ne peut plus normales dans le cas de ce globe-trotteur qui s’aventure au hasard muni d’un matériel sophistiqué et coûteux. Des mesures qui sont prises dans tous les pays où il se déplace «seul», sans surveillance aucune, si on a bien compris son message. Cette insinuation du concerné dans son résumé du voyage qu’il a effectué en Algérie – d’où «il est revenu indemne», pour reprendre la blague de mauvais goût de François Hollande – ne tient évidemment pas la route. Un journaliste de renommée mondiale qui débarque dans un pays, équipé de pied en cap et dont le projet consiste à parcourir villes et villages à la rencontre de gens lambda, parfois dans des quartiers malfamés et dans des endroits livrés aux gangs – ça lui est arrivé plusieurs fois –, sans que les autorités de ce pays prennent les mesures qui s’imposent pour éviter qu’il lui arrive un malheur, est tout simplement surréaliste.
Le reportage d’Antoine de Maximy, du moins dans son montage final, crée une dichotomie entre la Kabylie et le reste du pays. Celle-ci est montrée comme une sorte de zone autonome dont les habitants seraient différents de leurs compatriotes des autres régions, libres de se souler, comme si les bars étaient interdits ailleurs qu’à Tizi-Ouzou ou, plus précisément, dans cette ville d’Aïn El-Hammam (ex-Michelet) où les gens seraient plus accueillants et plus ouverts. Daoud, ce sympathique retraité de la Sonatrach qui a accueilli l’hôte français chez lui, a attiré la sympathie des Algériens par sa générosité, par son franc-parler et par son humour. Mais de là à croire son invité sexagénaire lorsqu’il affirme entendre pour la première fois parler de Révolution s’agissant de la guerre d’Algérie, cela serait tout bonnement ingénu.
Les clichés aidant, le réalisateur ne pouvait s’empêcher de répercuter les fausses complaintes de jeunes rencontrés à Oran, qui chantaient un prétendu mal-être, «ô Français, nous ne sommes pas bien !» pendant que le tenancier du fast-food qui leur servait de ragoûtants sandwichs à la viande les qualifiait de «carnivores», en plaisantant, car habitués à s’y goinfrer avant de rentrer chez eux à vélo. Idem pour ces ados d’Aïn El-Hammam qui, bien que ne semblant aucunement être dans le besoin, confessaient, dans un français parfait malgré leur jeune âge, vouloir rejoindre l’autre rive, obnubilés par le faux Eden que leur décrivent les malheureux vendeurs à la sauvette de cigarettes de contrebande qui les ont précédés à Barbès et à Montreuil.
Antoine de Maximy a évoqué la «difficulté» de faire le tri dans les images qu’il a filmées tout au long de ses pérégrinations à travers notre pays. Le moins qu’on puisse dire est que soit son intention était malveillante en jetant son dévolu sur des séquences et des scènes discutables, soit il a commis une erreur d’appréciation et ignoré les réactions qui allaient découler de sa sélection incongrue. Son travail fini a, en tout cas, donné lieu à des supputations sans fin, les uns croyant savoir que les services de sécurité algériens, tout en l’autorisant à filmer ce qu’il voulait et où il voulait, n’en étaient pas moins au courant qu’il était un «agent secret» en mission, les autres voyant dans son émission une énième tentative française de diviser les Algériens.
Quoi qu’il en soit, le reportage du journaliste français semble avoir fait l’unanimité, une majorité de commentateurs et d’observateurs regrettant une occasion ratée de traduire par les images et le contact humain le véritable tempérament des Algériens, connus pourtant pour leur aménité, contrairement à la mauvaise réputation que certains cercles malveillants leur ont collée. Une affabilité, cependant, teintée de défiance lorsqu’il s’agit d’un ressortissant français, qui plus est travaillant pour les médias de ce pays, dont on découvre chaque jour un peu plus – depuis la guerre en Ukraine et le génocide à Gaza – qu’ils ne sont ni libres, ni indépendants, ni professionnels, ni encore moins respectueux des principes d’éthique et des règles de déontologie. La suspicion de ces Algériens face caméra est, par conséquent, tout à fait justifiée.
K. B.
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