Le patron des services secrets italiens au Niger pour «contrecarrer l’influence russe grandissante»
De Rome, Mourad Rouighi – Les autorités nigériennes ont officiellement reçu, il y a quelques jours, à Niamey une délégation italienne dirigée par le général Giovanni Caravelli, directeur de l’AISE, l’Agence italienne des services extérieurs. L’audience accordée par Abdourahamane Tchiani, le général à la tête du pays, en présence du chef nigérien des services de sécurité intérieure, a été annoncée hier par les canaux de communication du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, l’institution qui a remplacé le gouvernement précédent, le 26 juillet 2023.
Selon ces sources, Giovanni Caravelli aurait apporté un message de solidarité de la part de la Première ministre, Giorgia Meloni, qui a confirmé la volonté de renforcer la coopération entre les deux pays. Les mêmes sources nigériennes ont souligné que «l’Italie est le seul pays qui a poursuivi sa coopération avec le Niger, normalement et sans interruption, après les événements du 26 juillet».
Cela dit, la rencontre – également confirmée par le quotidien turinois La Stampa – comporte d’ores et déjà des aspects à clarifier, ce qui pourrait créer des problèmes à Rome, de dualité entre diplomatie et services de renseignements extérieurs.
En effet, le soulèvement populaire de juillet 2023 a été condamné par tous les pays occidentaux et par l’Union européenne. Ces derniers mois, les autorités de Niamey ont expulsé le contingent français, présent depuis plusieurs années au Niger, ainsi que l’ambassadeur du gouvernement Macron.
Un sort similaire pourrait également arriver à l’armée américaine, active dans ce pays du Sahel avec une base engagée dans l’observation de ce territoire, particulièrement délicat, en raison de la présence de forces djihadistes, diverses et multiples.
De toute évidence, l’information de la réunion devait rester secrète, s’agissant d’une mission «technique et classifiée», nous dit un expert des questions de la région.
En effet, et selon des sources proches de Giorgia Meloni, la rencontre ne doit pas être lue sous un angle «anti-français», mais plutôt comme une tentative de médiation visant à contrecarrer l’influence russe grandissante.
Quant aux thèmes au menu de cette mission, l’accent principal aurait été donné au flux de migrants en direction de la Libye. La Route du Sahel considère depuis des années le Niger comme l’un des pays clés, une plaque tournante géographique pour les routes également empruntées par les trafiquants de drogue et d’armes, à tel point qu’à Rome on tient à mettre cela au clair. Ce qui a été affirmé dans la communication des autorités locales n’est pas vrai : «Nous n’avons pas apporté la solidarité de la présidente Giorgia Meloni» aux nouvelles autorités de Niamey.
Car, nous dit-on à Rome, si le Niger revêt une importance stratégique croissante dans le contexte du Sahel, et si l’Italie est actuellement le pays européen qui entretient les relations les plus étroites avec le Niger – la mission militaire italienne, réduite à 250 hommes après juillet 2023, est la seule des pays de l’UE encore active –, cela n’engage en rien Rome à enfreindre l’unanimité européenne et occidentale sur cette question.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont toujours fait pression, de manière plus ou moins confidentielle, pour le maintien du contingent italien, comme dernier recours contre la présence russe, de plus en plus massive dans la zone.
Le voyage à Niamey du chef des renseignements italiens doit être lu également, et surtout, dans cette perspective.
M. R.