El-Arja bis ou pourquoi l’Algérie pourrait expulser quelque 900 000 Marocains
Par Kamel M. – La convocation de l’ambassadeur d’Algérie au Niger et les accusations sur de prétendus mauvais traitements subis par les ressortissants nigériens en situation irrégulière en Algérie, proférées par les autorités nigériennes, ont fait les gorges chaudes des médias marocains. En déroulant la première page de Google, on découvre que celle-ci est littéralement «envahie» par les articles des appareils de propagande marocains qui ont relégué ceux des médias nigériens, premiers concernés, vers les pages suivantes de l’outil de recherche américain. Quant aux chaînes de télévision, elles ont, comme à leur accoutumée, fait appel à la prostituée roubaisienne, Hichem Aboud, pour exécuter une nouvelle danse du ventre.
Le Makhzen a sauté sur l’occasion – si le coup ne vient pas de lui – pour amplifier une crise qui n’a pas lieu d’être entre l’Algérie et le Niger. Gardant leur sang-froid habituel, les autorités algériennes se sont contentées de rappeler à leur ambassadeur à Alger les usages diplomatiques en vigueur et la nécessité de les respecter, sans vouloir entrer dans une confrontation inutile dont elles savent qu’elle sert les intérêts du département d’outre-mer français qu’est le Maroc.
En conduisant cette campagne enragée, les Marocains semblent ne pas avoir appris la leçon d’El-Arja, en mars 2021, lorsque l’Algérie avait décidé de récupérer son territoire d’El-Arja par un simple avertissement via un haut-parleur. Les paysans marocains qui profitaient de ces riches palmeraies depuis de longues années avaient dû en être expulsés, après que le régime de Rabat avait multiplié les provocations. Aujourd’hui, les quelque 900 000 ressortissants marocains vivant en Algérie, la plupart en situation irrégulière, se tiennent le ventre, craignant d’être priés de quitter le territoire national à leur tour en représailles contre ces actes hostiles persistants du Makhzen. Renvoyer ces Marocains chez eux serait une catastrophe pour le pouvoir marocain agonisant dans un pays au bord de l’explosion.
A El-Arja, les paysans marocains qui avaient été priés de quitter le sol algérien n’avaient pas nié que les terres qu’ils occupaient ne soient pas marocaines. Ce qui avait changé, c’était la tolérance zéro de l’Algérie à l’égard du Maroc depuis que le régime de Rabat s’est engagé dans un certain nombre d’entreprises ouvertement belliqueuses à l’égard de son voisin de l’Est.
Ce qu’il s’était passé à l’extrême-ouest de Béni Ounif était la conséquence logique de la normalisation du Makhzen avec l’entité sioniste. Bien que déjà verrouillées par les services de sécurité pour juguler le trafic de drogue, les frontières avec le Maroc étaient appelées à connaître un nouveau tour de vis pour éviter toute infiltration d’agents israéliens sur le territoire national. En somme, les paysans marocains qui devaient «se replier» derrière la frontière qui sépare Béchar de Figuig payaient l’arrogance du Makhzen et de ses médias, et c’est à eux qu’ils s’en étaient pris, en exigeant des autorités politiques centrales marocaines d’intervenir pour les aider à se réinstaller du côté marocain de la lisière.
Les clairons du Makhzen criaient au «scandale», au moment où Rabat se murait dans un silence gêné, se contentant de démentir que l’armée algérienne se fût introduite sur le territoire marocain. Un démenti qui visait moins à éviter une escalade qu’à montrer à l’opinion publique marocaine qu’il n’y avait pas lieu d’intervenir sur place pour «repousser l’invasion ennemie». Les faits avaient été expliqués dans le détail par les paysans marocains eux-mêmes dans des médias de leur pays, d’habitude hostiles à l’Algérie mais qui, dans ce cas d’espèce, n’avaient eu d’autre choix que de se rendre à l’évidence. Leur seul regret fut que ces agriculteurs devaient «faire leurs bagages pour quitter les terres qu’ils ont cultivées de père en fils» car «l’Algérie leur a rappelé que le territoire relevait de sa souveraineté».
Les agriculteurs marocains s’étaient demandé pourquoi ils n’avaient jamais été inquiétés depuis des décennies. Une question à laquelle les autorités marocaines répugnaient à répondre car elles savaient pertinemment pourquoi ces victimes de leur impudence avaient été contraintes d’abandonner quelque 15 000 palmiers très lucratifs et rejoindre les cohortes de sujets marocains qui ploient sous le poids de la misère.
K. M.
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