Restitution des crânes des résistants algériens : un député français à Alger
Par Houari A. – Le député LFI Carlos Martens Bilongo annonce un déplacement à Alger ce jeudi. «Je me rendrai en Algérie dans le cadre de ma proposition de loi visant à la restitution par la France des crânes algériens», écrit-il sur X (ex-Tweeter). «J’évoquerai aussi l’adoption par l’Assemblée nationale d’une résolution réclamant une journée de commémoration pour le massacre du 17 Octobre 1961», ajoute-t-il. L’élu du parti de Jean-Luc Mélenchon pèse ses mots. Il parle de «crânes algérien» et se garde d’y ajouter l’essentiel, «résistants», un vocable qui risque de lui valoir une volée de bois vert en France, où les personnalités publiques doivent tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de dire quoi que ce soit.
Dans son projet de loi, Carlos Martens Bilongo, qui a déjà visité l’Algérie une première fois, rappelle que le ministère français des Affaires étrangères a reconnu, le 28 août 2018, la «nécessité d’une restitution des crânes algériens, mais a opposé deux obstacles à cette restitution». «En premier lieu, le fait que ces restes humains ont été intégrés aux collections publiques nationales et relèvent de fait de la domanialité publique et sont, à ce titre, inaliénables, insaisissables et imprescriptibles, ce dont il résulte que leur restitution serait subordonnée à un déclassement préalable. En second lieu, il subordonne cette restitution à l’identification de l’intégralité des crânes concernés, notamment via la création d’un comité scientifique conjoint entre la France et l’Algérie», note-t-il.
«La présente loi vise à permettre la restitution immédiate des crânes actuellement conservés au MNHN ainsi que la conversion du dépôt réalisé le 3 juillet 2020 en une restitution pure et simple», explique le député, en précisant que «les précédents en matière de restitution de restes mortuaires nous apprennent que la restitution des crânes conservés au MNHN ne saurait être subordonnée à la création puis à la validation d’un comité ad hoc dédié à cette fonction».
«Subordonner la restitution des crânes à la validation d’une nouvelle commission ad hoc immédiatement après avoir supprimé une commission existante relève de la mauvaise foi pure et simple», pointe-t-il, en estimant qu’«il faut souligner qu’un dépôt partiel est déjà intervenu, en dehors de toute intervention de ladite commission». «Comment justifier, dans ce cas, l’intervention même de la commission, notamment aux fins d’identification de tous les crânes, alors qu’un dépôt partiel est intervenu sans que cet obstacle ne soit levé ?» interroge le député. «Ensuite, et surtout, ces crânes sont issus des pires heures du colonialisme de l’Etat français – au regard de la date approximative de collecte des crânes, sous le régime de la Troisième République –, et ils ont intégré les collections publiques dans des conditions qui relèvent exclusivement de l’infamie et d’une célébration morbide et indécente de la victoire sur un adversaire dont la dignité aura été profanée jusque dans la mort», dénonce Carlos Martens Bilongo.
Selon lui, «il ne saurait être considéré qu’une procédure de déclassement consistant à apprécier la perte d’intérêt attachée à ces crânes du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique doit être conduite en l’espèce». «Ces crânes, poursuit-il, ne sont, en effet, que la manifestation d’une pratique relevant de la profanation de cadavre et de la barbarie pure et simple abritées par des arguments pseudo-scientifiques d’un autre temps dont le seul but était d’assurer la destruction et l’humiliation totale d’un adversaire vaincu.»
«Le fait d’ériger ces restes mortuaires en pièces culturelles suite à une pratique ignoble ne saurait être défendu ou entretenu, et la dignité des personnes dont la dépouille a été ainsi dégradée doit être rétablie sans délai ou exigence procédurale relevant d’une manœuvre dilatoire aussi grossière qu’indécente», insiste le député LFI, pour lequel «le retour définitif de ces crânes sur leur terre d’origine présentera le mérite d’offrir à ces derniers une sépulture décente». «La restitution totale se justifie donc au regard du principe de dignité humaine, de l’éthique et s’inscrirait dans un processus de reconnaissance par la France de pratiques regrettables vis-à-vis de ses anciennes colonies, dans une démarche d’apaisement», conclut-il.
H. A.
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