Iran le 14 avril ou la magistrale leçon de l’art de la guerre !
Une contribution d’Ali Akika – La riposte iranienne au bombardement de leur consulat à Damas le 1er avril a été pensée selon les règles de l’art de la guerre. Quant à son exécution avant et durant la riposte, elle a été menée de main de maître. Art de la guerre consistant à maîtriser le temps (par exemple la patience plutôt que l’excitation). L’Iran a attendu deux semaines avant de passer à l’acte pour faire monter la tension et le stress de l’ennemi, en le laissant dans l’ignorance des buts et de la détermination des Iraniens.
L’exécution (tout est dans l’exécution, avait dit Napoléon) était composée de deux phases. Primo, prévenir les pays voisins et les Etats-Unis protecteurs d’Israël que le bombardement de leur consulat ne restera pas sans réponse car il est une violation caractérisée du droit international. Secundo, dans la journée du 13 avril avant la tombée de la nuit, les Iraniens invitent les Américains à se mettre à l’écart pour éviter une confrontation entre les armées de leurs deux pays. Les échanges entre les Américains et les Iraniens par les canaux clandestins de la diplomatie ou bien par l’intermédiaire de pays «amis» ont permis aux Etats-Unis et l’Iran d’éviter tout dérapage. Les Iraniens voulant simplement faire respecter le droit international pour punir celui qui a manqué de respect à leur Etat.
Les Américains «rassurés», une riposte iranienne calibrée et mesurée dans l’espace et le temps, leur convenait. Dès lors, le bal de la nuit dans les ciels du Moyen-Orient peut commencer. Ce qui allait se passer dans le ciel iranien à partir de H 23 le 13 avril jusqu’à 4 heures du matin le 14 avril au-dessus de la Jordanie et la Palestine, ce fut un festival de sons et de lumières des nouvelles technologies des engins de la guerre, festival qui allait faire tomber un tabou et un mythe. Le tabou, pour la première fois, Israël est bombardé alors qu’habituellement c’était son armée qui semait bombes et terreur chez les voisins. Le mythe, c’est l’Etat sanctuaire inviolable, déjà bien entamé le 7 octobre, s’est effondré.
Mais au-delà de ce spectacle nocturne, la tactique et la ruse étaient à l’œuvre dans la flotte des drones et missiles partie submerger les bases et installations de l’ennemi. Les fruits récoltés à partir des tactiques utilisées allaient alimenter et peaufiner la stratégie des prochaines batailles. Ainsi, le 14 avril, le monde assista à un déferlement de centaines de drones et de missiles se heurtant à un mur de la défense aérienne d’une coalition d’Américains, d’Anglais et de Français pour le compte de l’Etat d’Israël mais aussi pour rassurer deux pays arabes, la Jordanie et l’Arabie Saoudite. Ainsi, l’Etat d’Israël a pu contenir l’armada des drones et missiles iraniens grâce à l’aide de trois grandes puissances de la coalition déjà citée, pays qui ont toujours aidé militairement et soutenu politiquement Israël. Les journaleux découvraient comme par hasard, ce «nouveau soutien» qualifié de gain pour Israël et une énième et vieille «condamnation» et isolement de l’Iran. Passons sur ces imbécillités habituelles, comme on dit chez nous les chiens aboient et la caravane passe.
Que nous renseigne cette bataille nocturne dans les ciels du Moyen-Orient ?
1- Que le gros du travail de destruction des drones et missiles iraniens a été fait par les Américains qui l’ont rapidement fait savoir, une manière de dire aux Israéliens que vous allez vous calmer et nous écouter. En clair, les Américains ne veulent pas d’élargissement du conflit.
2- Qu’Israël a perdu son rôle stratégique aux yeux des Américains dans une région hostile d’autant qu’Israël venait de connaître sa deuxième défaite après celle du 7 octobre face aux Palestiniens.
3- Que la confrontation aérienne entre l’Iran et Israël, aidé par la coalition occidentale, a été un exercice grandeur nature de l’Iran pour tester et franchir la défense de l’ennemi. C’est l’exploit tactique réalisé avec des drones qui ont saturé la défense ennemie et permis aux missiles iraniens de se faufiler et de bombarder trois bases militaires, d’où partaient les avions bombardant la Syrie dont le consulat iranien à Damas.
4- Et même sur le plan financier, l’Iran a été économe en dépensant quelque 35 millions de dollars alors qu’Israël a sorti de sa besace 1,3 milliard de dollars (1).
Quelle lecture a été faite en Occident de cette première confrontation Iran/Israël ? Les infatigables «experts» ont claironné la victoire sous prétexte de la destruction de 99% des drones et missiles iraniens. En considérant ce pourcentage correct, ça implique que Le 1% de l’armada iranienne qui échappa à l’invincible armée d’Israël a eu le temps de bombarder les plus grandes bases aériennes (Israël a reconnu que 7 missiles ont touché leurs cibles mais n’ont rien sur le sort des 1%, bizarre) ! En vérité, ces chiffres veulent cacher un douloureux coup de massue car c’est le signe qu’Israël avait perdu sa capacité de dissuasion avec l’Iran. Israël a toujours tenu à sa dissuasion car il n’a pas les moyens d’une guerre longue. On le voit aujourd’hui incapable de faire face à la fois à Gaza et au Hezbollah pour des raisons politiques (opposition des Américains) mais aussi militaires.
Les pertes cachées à Gaza et au nord de la Palestine bombardé par le Hezbollah pèsent lourd à l’intérieur de l’armée d’Israël (2). Les perroquets, entre le 1er avril et le 13 avril avant minuit, n’ont cessé de dire que l’Iran ne réagira pas, en se basant sur l’impunité dont Israël jouissait en bombardant la Syrie. Encore une fois, laissons ces perroquets déblatérer pour faire plaisir à leur maître à tous, formatés qu’ils sont par l’ignorance d’un monde vu avec des lunettes embuées de leurs préjugés rances et imbéciles qui leur permet de jouir un tantinet du plaisir de se croire plus intelligents et plus civilisés que les «barbares» d’en face. Nos excités s’attendaient à une riposte rapide d’Israël pour leur faire oublier la mauvaise nuit sans sommeil du 13 au 14 avril. Hélas, pour eux, ils doivent patienter pour avoir leur revanche, et c’est Netanyahou en personne qui leur conseille de la patience et de la sagesse (déclaration à la télé israélienne après la réunion du Cabinet de guerre qui n’arrive pas à prendre une décision tant les disputes entre ministres sont orageuses).
Il n’est pas inintéressant de dire un mot sur les comportements d’un Etat, d’une société qui a offert au monde le spectacle d’une entreprise de tueries, de famine et de destruction et qui, plus est, la justifie par la supposée «barbarie» d’un peuple dont il occupe le pays. D’où vient cette impunité que cet Etat s’octroie ? Pourquoi, comment, de quoi est-elle le nom ? Selon l’expression du philosophe Alain Badiou. Ce genre d’impunité est le fruit d’un cocktail d’événements et de tragédie de l’histoire. L’installation de nature coloniale de cet Etat au milieu d’une terre et d’un peuple avec l’aide et la complicité de pays colonisateurs engendra chez ses dirigeants une sorte de statut d’intouchable. Ce genre de statut engendra à son tour une sorte d’arrogance qui leur permet d’exiger tout et n’importe quoi. Leur arrogance avait prise sur ces protecteurs qu’ils ont culpabilisés mais aussi parce qu’Israël était devenu à son tour protecteur des intérêts de l’Occident.
Cette dialectique des liens, où se mêlent culpabilité et intérêts d’un Occident «global» et son petit rejeton géographiquement perdu dans une région, engendrent tant de contradictions et de violence. Pour toutes ces raisons, ces liens vont se dissoudre car ils n’ont pas d’avenir. Et ce n’est pas du côté des régimes féodaux que le soleil se lèvera. Au déshonneur de leur silence sur les massacres des Palestiniens, ils viennent d’ajouter, non pas une erreur en tournant le dos à l’Iran mais une faute que les peuples de la région n’oublieront pas. Ils ont oublié que partout dans le monde, l’éthique et le politique travaillent toujours pour inciter, inviter à s’entendre avec les voisins. Et cette recommandation existe, me semble-t-il, dans la culture de la région.
A. A.
1) Les journaleux ont toujours comparé le produit national de la Russie avec celui de l’Espagne pour s’en moquer. Aujourd’hui, ils sourient jaune. Que pensent-ils de l’Iran sous embargo depuis 45 ans qui fait dépenser à la coalition 1,3 milliard de dollars avec des drones coûtant 10/20 000 dollars pièce ? Leur ignorance de la production de la richesse dans chaque pays et les liens tissés par la politique les rend inaptes à saisir la réalité en dehors de leurs quartiers et de leurs dîners en ville. Bizarre, non misérable «pensée» sentant «bon» les caniveaux sous le soleil torride de l’été.
2) Des généraux à la retraite sont très critiques sur la conduite de la guerre et même un ex-Premier ministre, Ehud Barack, sur LCI, a traité de «fous» les ministres religieux dont Netanyahou, a-t-il dit, est devenu leur esclave.
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