L’analyse rudimentaire du nostalgique de l’Algérie française Bernard Lugan
Par Nabil D. – L’historien français attitré du Makhzen, Bernard Lugan, a eu une nouvelle commande de Rabat : faire la promotion du MAK dans un discours tendancieux enveloppé dans une rhétorique académique, résumant grossièrement la situation en Algérie à un antagonisme entre Arabes et Kabyles. Ce nostalgique de l’Algérie française constate que la Kabylie «a toujours son identité» car «l’Etat algérien n’effacera pas le monde kabyle», dans un pays qui «est face à une crise existentielle et identitaire» (sic). La raison ? «L’Etat algérien n’est pas ancré dans une profondeur historique. L’Algérie n’a jamais existé», débite-t-il.
Pour comprendre l’arrière-pensée de cet historien natif du Maroc, il faut revenir au profil qu’en fait Rémi Carayol. «Peu connu du grand public, l’historien Bernard Lugan est une référence dans l’armée française. Ses écrits, nombreux, sont lus avec délectation par les officiers, auxquels il donne régulièrement des cours avant leur départ pour le continent africain», explique le journaliste français. «Considéré par ses pairs comme un imposteur et banni des écoles militaires par les instances politiques, cet africaniste d’extrême droite, adepte de Charles Maurras, développe une vision racialiste et binaire du continent africain», poursuit-il. «Avec lui, c’est simple : tout s’explique par le fait ethnique. Sa popularité parmi les gradés en dit long sur l’évolution de l’armée et sur sa vision du continent africain, où les militaires jouent un rôle majeur depuis quelques années, particulièrement au Sahel», souligne ce spécialiste de l’Afrique subsaharienne.
«Bernard Lugan est un familier des casernes», nous apprend ce coordinateur du site Afrique XXI, qui rappelle que l’historien natif de Meknès défend bec et ongle les «bienfaits de la colonisation», affirmant qu’il n’a jamais existé de pillage colonial et estimant qu’«il faut au contraire parler de ruine des nations coloniales». Qualifié d’«imposteur des universitaires» et de «star des militaires» par le contributeur régulier de Mediapart, du Monde diplomatique et d’Orient XXI, ce dernier relève qu’«au-delà du débat de fond, nombre d’africanistes lui reprochent de nombreuses – et parfois grossières – erreurs factuelles qui découleraient de sa prétention à se dire spécialiste de l’ensemble du continent – une imposture selon l’un d’entre eux». «Les universitaires constatent, en outre, que s’il a publié un grand nombre d’ouvrages, il est en revanche absent des revues scientifiques, dans lesquelles chaque texte est disséqué, commenté et annoté», enfonce l’auteur du Mirage sahélien. «Mais ce qui irrite les spécialistes de l’Afrique par-dessus tout, insiste-t-il, c’est sa manie de toujours tout simplifier». «Lugan ne dit pas que des bêtises, explique une chercheuse, mais il développe des idées bien trop simplistes», appuie-t-il.
«Certes, Lugan ne joue plus aucun rôle officiel au sein de l’institution militaire. Mais son influence, elle, demeure. Selon plusieurs bons connaisseurs du milieu, elle est même très importante chez les gradés. Il n’est pas rare, lorsque l’on pénètre dans le bureau d’un officier ou d’un sous-officier, de tomber sur un ou plusieurs de ses ouvrages. Au grand dam de certains enseignants, l’historien est toujours une des sources les plus fréquemment citées dans les mémoires des stagiaires des écoles de guerre, y compris sur des sujets qui lui sont tout à fait étrangers», note Rémy Carayol, qui fait parler une source militaire pour expliquer cette influence. «Bernard Lugan appartient à la même sphère idéologique que beaucoup d’officiers» qui admirent en lui «sa vision nostalgique de l’Algérie française».
Voilà qui est clair.
N. D.
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