Partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie : l’heure des premiers bilans
De Rome, Mourad Rouighi – A cinq ans du lancement du partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie, l’heure est aux premiers bilans. Tout d’abord, force est de constater que l’initiative voulue par les deux chefs d’Etat, Abdelmadjid Tebboune et Sergio Mattarella, a grandement contribué à une embellie sans précédent. La relation s’est faite plus consolidée, grâce à l’importance d’Alger dans la sécurité énergétique de Rome, dont elle est également le premier partenaire commercial en Afrique et dans le monde arabe.
A cela s’ajoute un fait désormais acquis, notre pays occupe une position de plus en plus centrale dans la politique étrangère italienne, qui va au-delà du domaine énergétique et considère l’Algérie comme un pilier de stabilité, ainsi qu’un acteur décisif dans la région méditerranéenne au sens le plus large.
Résultat, la valeur des échanges commerciaux entre l’Italie et l’Algérie est passée de 8 milliards de dollars en 2021 à 16 milliards en 2022 et 21 milliards en 2023, à tel point que le président Tebboune a défini les relations avec le partenaire italien «d’un niveau stratégique élevé».
Et dans la continuité de l’action des exécutifs précédents, l’Italie maintient un clair intérêt pour le positionnement algérien sur divers sujets. De fait, l’Algérie est considérée à la fois comme un pilier de la stabilité régionale et comme un acteur crucial dans la zone méditerranéenne élargie (englobant le Sahel), capable d’influencer des contextes tels que la Libye et la Tunisie.
Sur le dossier libyen, par exemple, Rome et Alger partagent des positions similaires, notamment en ce qui concerne le soutien à l’action des Nations unies en Libye, visant à redynamiser le processus politique nécessaire à la tenue d’élections présidentielle et parlementaires dans des délais acceptés par tous.
Pour l’Algérie, en particulier, la poursuite du conflit libyen constitue une menace multidimensionnelle le long de la frontière orientale, également en raison de la prolifération des trafics illicites (armes et drogues) qui ont multiplié les dossiers de groupes criminels et terroristes de toutes sortes.
Pour ces raisons, Alger a tenté à plusieurs reprises de favoriser le dialogue entre les différents acteurs du scénario libyen, dans lequel elle a tenté de se positionner comme le principal médiateur, faisant valoir son action diplomatique constructive.
De ce point de vue, l’Italie est consciente que le point de vue d’Alger ne peut être ignoré, car il s’agit d’un voisin très proche de la Libye, avec des intérêts directs.
En Tunisie, la coopération économique et sécuritaire algérienne a été fondamentale pour aider le pays à faire face à diverses crises : Alger a accordé deux prêts à Tunis, d’une valeur totale de 600 millions de dollars et pourrait intervenir à nouveau si le plan d’aide prévu du Fonds monétaire international devait définitivement stagner.
Une position également partagée par l’Italie, prête à faire en sorte que l’instabilité tunisienne n’alimente pas les flux migratoires irréguliers vers l’Europe et disposée à coopérer avec Alger sur la question, également en apportant une aide économique substantielle.
Autre sujet crucial, l’Algérie est perçue comme un acteur stabilisateur dans la zone sahélienne, compte tenu des 3 000 kilomètres de frontières sud avec la Mauritanie, le Mali et le Niger.
Son expérience dans le domaine de la lutte antiterroriste, sa connaissance des dynamiques régionales et des dirigeants de la zone et une position historique et de principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays de la région l’ont hissée à une position unique à bien des égards.
E bien qu’elle ne soit jamais intervenue au niveau militaire, Alger a déjà joué un rôle de facilitateur dans les accords de paix de 2015 entre le gouvernement malien et les groupes rebelles, avec la fin de l’opération française Barkhane, elle pourrait agir comme un bastion de la sécurité dans la ceinture sahélienne.
Un point sur lequel la collaboration italienne pourrait être favorisée, car Rome redoute de plus en plus la menace venant du Sahel et dont la politique dans la zone s’est développée à travers des initiatives bilatérales ou multilatérales, qui lui ont permis d’ouvrir des canaux diplomatiques à Ouagadougou, à Niamey et à Bamako.
La solidité du partenariat italo-algérien pourrait, enfin, s’avérer fondamentale pour la stabilité des relations Union européenne-Alger ; l’Italie est un interlocuteur privilégié qui se félicite de jouir d’une certaine capacité d’écoute auprès des autorités algériennes, nous dit-on à Rome.
Il y a donc consensus dans la Péninsule pour continuer à renforcer les relations avec Alger et à promouvoir ce binôme en Méditerranée.
L’Italie et l’Algérie visent donc plus que jamais un partenariat mutuellement bénéfique, qui pourrait apporter des bénéfices structurels à l’ensemble de la région méditerranéenne. A moyen et long terme, en effet, Rome et Alger pourraient construire un pont stratégique entre les deux versants de la région, capable de satisfaire les intérêts européens et africains au-delà du domaine énergétique.
Dans ce contexte, il est important que Rome établisse avec Alger une coopération dynamique et loyale, qui ne se limite pas aux secteurs de l’énergie et de la migration, mais qui inclut d’autres secteurs, notamment ceux liés aux secteurs pourvoyeurs d’emplois et de valeur ajoutée.
Du reste, tel a toujours été le principal objectif du partenariat stratégique algéro-italien.
M. R.
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