La France et le «terrorisme de proxy» pour justifier sa guerre contre la Russie
Une contribution de Khider Mesloub – A nouveau contexte géopolitique troublé, nouvelle stratégie sécuritaire trouble. On se souvient que les attentats du 11 septembre 2001 avaient constitué le prétexte à la mise en œuvre des nouvelles reconfigurations politiques et géostratégiques impulsées par l’hyperpuissance américaine.
Sur fond de sidération mondiale suscitée par la psychose généralisée, dès le lendemain des attentats, les autorités américaines avaient déployé promptement leur stratégie machiavélique : mobilisation de la population derrière l’état de guerre, renforcement de l’appareil répressif de l’Etat, réaffirmation de la puissance de l’Amérique matérialisée par une politique interventionniste impérialiste tous azimuts, opéré au nom de la «lutte antiterroriste».
En effet, immédiatement après les attentats du 11 septembre, les instances politiques et médiatiques américaines ont été embrigadées pour enrôler la population dans les entreprises guerrières impérialistes états-uniennes. Tous les pays stratégiques du tiers-monde étaient dorénavant susceptibles d’être envahis, toutes les nations économiquement concurrentes torpillées, toutes les puissances militaires potentiellement rivales circonscrites.
Dans le même temps, au niveau national, en un temps record, l’appareil étatique américain a mis en œuvre ses plans de durcissement de la machine judiciaire et policière répressive, sa nouvelle législation sécuritaire liberticide. Du jour au lendemain, la «crise terroriste islamiste» a servi de prétexte à l’aggravation de la récession économique et au démantèlement des budgets des programmes sociaux. Tous les fonds étaient désormais alloués à l’effort de guerre impérialiste et à la «sécurité nationale». La promptitude avec laquelle ces mesures ont été adoptées révèle qu’elles avaient été ficelées depuis longtemps, préparées et planifiées par les cercles restreints opaques américains.
Ces derniers mois, à la faveur de la guerre russo-ukrainienne, le terrorisme islamiste étant devenu inopérant en matière de manipulation idéologique pour avoir épuisé toutes ses potentialités de dévoiement politique, les classes dominantes occidentales, en particulier française, se sont résolues à s’offrir un autre ferment terrorisant conforme aux exigences guerrières otaniennes actuelles : le «terrorisme russe».
Pour passer à un degré supérieur de gouvernance despotique et de légitimation du déclenchement de la guerre contre la Russie, l’Etat belliciste français a décidé de recourir à ses deux armes favorites : la manipulation et la terreur.
Par la manipulation étatique et médiatique, le gouvernement Macron manœuvre pour créer un climat de terreur. Terrifier par la manipulation. Manipuler par la terreur.
Comment entretenir ce climat de terreur en France, sinon, comme d’ordinaire, par l’orchestration et l’instrumentalisation du terrorisme fabriqué par une officine étatique. Un «terrorisme de proxy», c’est-à-dire perpétré par des mercenaires étrangers ou étranges mercenaires manœuvrés par les services secrets français.
Comment justifier et légitimer le déclenchement de la guerre contre un pays ciblé, un Etat dans le viseur ? Le 28 juin 1914, par l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois. Le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, par les attentats perpétrés par des membres du nébuleux réseau djihadiste islamiste Al-Qaïda.
En juin 2024, en France, par la fomentation d’une vague d’attentats supposément commis par des «Russes» sur le territoire français, propres à susciter une colère populaire vindicative et à précipiter le lancement de la riposte militaire contre Moscou, depuis plusieurs mois prônés avec acharnement par le va-t-en-guerre Macron ?
Pour autant, ce ne sera pas la première fois qu’en France un «terrorisme de proxy» est orchestré. Donc, que des présumés «terroristes» sont manipulés par les services secrets français. Ou plutôt des individus fragiles ou délinquants sont «reconvertis» en terroristes.
C’était le cas du délinquant Mohamed Merah, devenu informateur des services de renseignements français, reconverti par leurs soins en terroriste islamiste.
Selon les informations fournies à l’époque (2012) par le journaliste Daniele Raineri du quotidien italien Il Foglio, Mohamed Merah en 2010 et 2011, grâce à ses «passeports diplomatiques», voyageait librement en Egypte, Turquie, Syrie, Liban, Jordanie, Afghanistan et Pakistan, et même… en Israël.
L’auteur des tueries de Toulouse et Montauban, dont le profil était plus celui d’un jeune délinquant «de cité» que d’un djihadiste, pérégrinait ainsi sous couvert des services de renseignements français.
Selon le journaliste italien, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) aurait utilisé le jeune Toulousain de 23 ans comme informateur, obtenant ainsi son entrée en Israël en septembre 2010 en tant qu’informateur. Toujours selon Daniele Raineri, Mohamed Merah serait allé ensuite en Jordanie d’où il se serait envolé pour l’Afghanistan et plusieurs autres pays musulmans. But de l’opération : «Prouver au réseau djihadiste sa capacité à passer à travers la frontière avec un passeport européen.»
Ces dernières années, combien de présumés «terroristes» ont été recrutés (ou d’obscurs individus reconvertis en terroristes) par les services de renseignement français pour les besoins de la cause impérieuse (impérialiste) ?
En France, la dernière recrue du «terrorisme de proxy» est un Ukrainien, originaire du Donbass. Il s’agit donc d’un Ukrainien. Or, parce qu’il est russophone comme la majorité des Ukrainiens, les autorités françaises le présentent, avec insistance, comme citoyen russe. Et pour cause.
Selon plusieurs sources médiatiques françaises, «un Russo-ukrainien de 26 ans soupçonné d’avoir projeté une action violente en France a été arrêté et est interrogé par la police française, après s’être blessé avec un engin explosif» de fabrication artisanale.
Ce Russo-ukrainien serait arrivé récemment en France. Curieusement, alors qu’il était encore en garde à vue et l’enquête à peine déclenchée, ses convictions politiques et inclinations nationalistes ont été immédiatement dévoilées par les médias français. Ce «suspect semble porter un engagement pro-russe», affirment-ils péremptoirement. Aussi le parquet national antiterroriste a-t-il ouvert une enquête.
Par ailleurs, sans attendre l’achèvement des investigations, d’entrée de jeu les médias français pointent déjà du doigt la Russie. «Doit-on voir la main de Moscou derrière ce projet ?» accusent certains journaux.
Pour sa part, Macron, lors de son interview martiale de ce jeudi soir, axée essentiellement sur le «devoir impérieux de la France de neutraliser» militairement la Russie, selon sa volonté belliciste, a employé à dessein la formule incriminatrice «terrorisme russe» pour qualifier la ténébreuse affaire de l’interpellation de l’Ukrainien russophone en possession d’explosifs de fabrication artisanale. Un Ukrainien artificier pour le moins maladroit puisqu’il aurait lui-même déclenché une explosion en manipulant un engin artisanal dans sa chambre d’hôtel. En tout cas, le suspect nierait tout projet d’attentat.
Pour rappel, jamais un attentat à la bombe n’a été perpétré par un activiste prorusse sur le sol français. Curieusement, en juin 2024, au moment où Macron ne cesse d’afficher ouvertement son intention d’envoyer des troupes françaises pour combattre les Russes, un Ukrainien débarque à Paris le jour de la commémoration du Débarquement pour commettre un soi-disant attentat.
Lors de son interview propagandiste, tout s’est passé comme si Macron voulait prendre à témoin la population française délibérément terrifiée : «Vous le constatez vous-mêmes, chers compatriotes, la Russie nous livre une guerre sur notre sol. L’heure est donc à l’union nationale et à la riposte militaire.»
Au reste, lors de son interview, Macron a rappelé à propos de l’intervention militaire contre la Russie : «Nous sommes organisés pour faire face à tous les risques. Nous sommes prêts à cela.»
Pour ce faire, Macron a annoncé l’envoi de Mirage 2000-5 et la mise à disposition d’hommes pour former 4 500 soldats ukrainiens. «Ce que nous proposons, c’est de former 4 500 soldats ukrainiens, de les équiper, de les entraîner, de leur apporter les munitions, les armes», a précisé Macron.
La France affirme ne pas être en guerre contre la Russie. Dont acte.
Comment, dès lors, qualifier juridiquement son soutien, via ses formateurs militaires dépêchés en Ukraine en guerre contre la Russie, et ses livraisons de missiles Scalp à Kiev, autorisée à les utiliser sur le territoire russe ? D’acte de guerre ? de terrorisme ? De diplomatie canonnière ? D’ingérence humanitaire ? De bénévolat ?
Une chose est certaine, comme le souligne le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel : «Macron prend le risque, seul, de faire entrer la France en guerre contre la Russie. L’heure est grave.»
K. M.
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