Considérations sur Yasmina Khadra

Khadra écrivain
L'écrivain Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Mouleshoul. D. R.

A l’occasion du débat autour d’une déclaration récente de l’auteur Yasmina Khadra, il a semblé utile de revenir aussi sur une part de sa production littéraire et un certain comportement public (article publié le 29 juillet 2022 dans Algeriepatriotique), en espérant des commentaires sereins et objectifs, sans distribution de qualificatifs inconsistants. La littérature est aussi, sinon d’abord, un combat pour la dignité contre l’imposture.

K. N.

Une contribution de Kadour Naïmi – J’ai visionné avec intérêt la vidéo d’Ahmed Bensaada sur Yasmina Khadra (1). Comme toujours dans ses productions, Bensaada s’astreint aux faits et laisse aux destinataires les considérations à en tirer. Voici les miennes.

1- Des décorations

Yasmina Khadra a accepté de la part du gouvernement français d’être «Chevalier» de l’Ordre national de la Légion d’honneur.

Pour moi, né à Sidi Bel-Abbès en 1945, le terme «légion» est totalement sinistre : il évoque ces aventuriers mercenaires, criminels en uniforme qui nous terrorisaient, nous, «indigènes» algériens. En outre, une décoration de ce genre me rappelle une anecdote. A un ami qui lui déclara : «On m’a proposé une Légion d’honneur, mais je l’ai refusé», Eric Satie, compositeur de musique, répondit : «Cela aurait été mieux de ne pas l’avoir méritée !»

En 1951, Julien Gracq refusa le prix Goncourt pour dénoncer les compromissions commerciales du monde littéraire.

2- Oh, la «belle» colonisation !

«Les gens veulent la vérité sur l’Histoire !» affirme Khadra dans un article où le journaliste écrit : «Paru en 2008, le roman Ce que le jour doit à la nuit raconte l’histoire d’un jeune Algérien qui savoure la belle vie au milieu de colons français dans un village de l’Ouest algérien dans les années 1930-1940. Dans ce roman, l’univers colonial est peu visible.» Et l’écrivain déclare : «Je suis banni par les intellectuels algériens.»

Dommage que d’autres n’aient pas la possibilité de s’exprimer sur le roman de cet auteur : tous les Algériens qui, dans la période 1930-40, ont souffert de la colonisation. Ces victimes ne sont-elles donc pas «la vérité de l’Histoire» ? Et qui sont donc «les gens» qui la veulent ? Ceux qui proclament que la colonisation a eu plus d’avantages que d’inconvénients pour l’Algérie ?  Si tel est le cas, alors la majorité du peuple algérien qui a résisté à cette colonisation au prix du sang, et cela depuis le début jusqu’à l’indépendance, était fou de ne pas apprécier les «avantages» de cette colonisation ? Certes, Khadra pourrait évoquer les déclarations favorables à la France de la part de personnalités comme Ibn Badis et Ferhat Abbas, mais ces propos ne sont-ils pas des exceptions malencontreuses qui n’ont pas fait l’histoire ?

Si Khadra avait écrit un roman où l’univers colonial était ce qu’il fut, dans le réel respect de «la vérité de l’Histoire», le roman aurait-il pu être publié en France et dans le monde occidental, dont l’histoire coloniale fut sanglante et génocidaire ? Que dirait-on si un écrivain d’origine indienne aurait écrit un roman décrivant un jeune Indien qui savoure «la belle vie» à l’époque de la colonisation de l’Amérique par les colons européens ? Ou d’un Français savourant «la belle vie» durant l’occupation nazie en France ?

Certes, un écrivain est libre de raconter ce qui lui plaît ou, plutôt, plaît au marchand qui engrange un profit en publiant son livre, tout en rassurant l’idéologie dominante. Mais cet écrivain peut-il se permettre d’accuser d’autres de l’avoir «banni» parce qu’ils ont une autre conception de «la vérité de l’Histoire» qui, en plus, correspond à la réalité des faits ?

3- «Mon pays»

«La Croix : Vous n’avez jamais caché, dans vos romans, votre nostalgie de cette Algérie fraternelle où les pieds-noirs avaient leur place. Pourquoi ?»

Yasmina Khadra : «J’ai toujours voulu montrer l’Algérie dans sa générosité, dans sa sincérité, sans parti pris. Cela gêne bien évidemment certains apparatchiks en Algérie. Pour moi, cela ne fait aucun doute : l’Algérie, qui est mon pays, est aussi le pays des pieds-noirs. Chaque pied-noir, pour moi, est un Algérien, et je ne dirai jamais le contraire. Nous reste en mémoire, Français et Algériens, ces amitiés déchirées, ces voisinages dépeuplés.» Revenons à «la vérité de l’Histoire».

«Générosité» au point de sous-estimer les crimes du colonialisme pour n’en voir que «la belle vie» ? «Sincérité» au point d’occulter les crimes du colonialisme, en assassinant une seconde fois les victimes par le déni du devoir de mémoire ? «Sans parti pris» ? Ah, oui ? Vraiment ? Ce ne serait donc pas le cas quand on occulte les crimes de la colonisation pour se focaliser uniquement sur «la belle vie» d’un jeune Algérien à l’époque ?

Parler de «gêne» en la limitant à «certains apparatchiks» correspond-il à la vérité de l’histoire ? Et les millions de victimes du colonialisme, ne seraient-elle pas, elles d’abord, non pas «gênées» mais indignées par le roman et les propos de Khadra ?

Durant la colonisation, où était cette Algérie «fraternelle» entre pieds-noirs et «indigènes» ? N’était-elle pas uniquement dans les très rares pieds-noirs – l’exception Et quelle «place» avaient les pieds-noirs  la très grande majorité  par rapport aux «indigènes» ? Même une gardienne d’immeuble pied-noire avait-elle le même statut qu’une gardienne d’immeuble «indigène» ? Combien de pieds-noirs ont été victimes du colonialisme comme l’ont été les «indigènes» ? Combien furent ces «amitiés déchirées», à moins d’être celles entre un pied-noir et un «indigène» qui jouissaient de la «belle vie» à l’époque coloniale ?

Quant aux «voisinages dépeuplés», en vérité historique, les «indigènes», finalement indépendants, ont occupé les lieux abandonnés par les pieds-noirs qui fuirent «leur» pays parce qu’ils n’avaient pas combattu pour son indépendance, pour ne pas dire parce qu’ils furent les complices intéressés du colonialisme. Le représentant le plus fameux de ces pieds-noirs n’a-t-il pas déclaré «préférer sa mère à la justice» ? N’a-t-il pas proposé la «trêve civile» au lieu de soutenir la résistance armée libératrice, comme l’ont fait les Henri Alleg, Maurice Audin et d’autres ? Et Jean Sénac n’eut-il pas la dignité de renoncer à la relation avec ce fameux prix Nobel pied-noir, témoignant ainsi d’être, lui, un vrai algérien, qui n’a pas fui son pays mais est resté pour contribuer à son développement ?

Au lieu de l’histoire d’un Algérien jouissant de la «belle vie» à l’époque coloniale, pourquoi pas un pied-noir luttant pour «son pays, l’Algérie», tels le jeune Fernand Yveton et d’autres, jouissant d’une belle vie digne et authentique, celle-ci, de combattants contre le colonialisme ? Mais, en France, quel éditeur aurait publié un tel roman ? Ou en Israël, où la caste sioniste dominante réprime les rares citoyens israéliens qui dénoncent l’apartheid colonial sioniste contre le peuple palestinien ? Evidemment, un jeune qui conçoit la beauté de la vie comme lutte contre l’injustice, c’est, pour les éditeurs des pays impérialistes, de la «propagande», de la «haine» entretenue, du «ressentiment» néfaste, un «manque de fraternité», bref une carence psychique, etc.

4- Des risques

Avec L’Attentat, Khadra déclare : «J’ai voulu écrire LE livre du conflit israélo-palestinien.» Ce «LE» majuscule est une solennelle promesse. Voyons ce qu’il en est.

  1. A. I. : «Etes-vous prêt à vous rendre en Israël si on vous y invite ?»

Yasmina Khadra : On m’a invité trois fois mais, bien que j’aie envie d’y aller, j’ai décliné.»

On pourrait penser : Ah ! Il refuse de donner une légitimité à l’Etat colonial d’apartheid sioniste, et son envie est de rencontrer ceux qui le combattent, Israéliens et Palestiniens. Mais voici la suite de l’interview :

Yasmina Khadra. : «C’est un déplacement très dangereux.»

L’auteur ne précise pas : à cause de quoi ? La répression sioniste ou des «terroristes» palestiniens, bardés de ceinture explosive, comme le personnage de son roman ? Le lecteur occidental, victime de la propagande dominante, pensera à la seconde hypothèse.

Yasmina Khadra. : «Lorsqu’on veut diaboliser quelqu’un dans le monde arabe, il suffit de dire qu’il est allé en Israël.»

L’auteur ignore-t-il ou fait-il semblant d’ignorer qu’on n’a pas diabolisé ceux qui sont allés en Israël pour rencontrer, non pas les autorités étatiques coloniales, mais des Palestiniens et des Israéliens qui combattent pour le droit des premiers à un pays ?

Yasmina Khadra. : «Aujourd’hui, les mentalités sont telles que les écrivains arabes ne doivent pas prendre de risques inconsidérés.»

L’auteur ignore-t-il ou fait-il semblant d’ignorer qu’Ernest Hemingway a pris des «risques inconsidérés» en allant en Espagne pour soutenir les combattants antifascistes ? Que les écrivains palestiniens et certains écrivains israéliens prennent des «risques inconsidérés» en défendant le droit des Palestiniens à un pays ? Alors, de quels «risques» s’agit-il ? De qui viendraient-ils ? Des autorités sionistes ou de ceux qui luttent contre leur politique coloniale, les «terroristes» ? Un écrivain qui laisse dans le flou ces «risques» peut-il prétendre dire la vérité historique, et écrire «LE» livre sur le conflit israélo-palestinien ?

5- De la responsabilité

Dans The Canadian Jewish News :

Question : «En Palestine, particulièrement à Gaza, des parents encouragent vivement leurs enfants à s’engager activement dans les milices terroristes islamistes. Ils portent une importante part de responsabilité dans leur dérive suicidaire.»

Réponse de Khadra : «C’est vrai qu’il y a des parents complètement endoctrinés par le djihadisme qui élèvent leurs enfants dans la haine de l’Autre et dans le rejet d’un système.»

«L’Autre», c’est qui ? «Un système», lequel ? Soit l’auteur, parce que ignorant totalement le problème palestinien, se contente de mots conventionnels et imprécis, soit il connaît le problème, et, alors, il cache sa réelle pensée par le recours manipulateur à deux termes abscons. En effet, ils occultent la vérité historique, non ; pis encore, ils la travestissent.

Voici comment. Parler de djihadisme des «enfants dans la haine de l’Autre», c’est :

– sous-entendre que cet «Autre» est soit le juif, soit l’Israélien en général ; or, les «terroristes islamistes» distinguent entre juifs et Israéliens partisans de l’occupation coloniale et ceux qui s’y opposent ;

– et qu’en est-il du comportement des juifs et Israéliens partisans de l’occupation coloniale contre cet «Autre» qu’est le Palestinien ? Pas de «haine» dans ce cas ?

Concernent le «rejet d’un système», le même raisonnement s’impose. Quel genre de «système» est rejeté ? La «démocratie» et la «liberté» de la société israélienne, rejeté par les «terroristes islamistes» ? Et pourquoi ce «système» rejeté n’est-il pas l’apartheid et l’occupation coloniale dont est victime le peuple palestinien ?

Les propos de Khadra permettent-ils de croire qu’il est en mesure d’écrire «LE» roman sur la tragédie dont la victime est d’abord le peuple palestinien ?

Pour comprendre l’intention du romancier de L’Attentat, lisons cet extrait :

«Le juif est né libre comme le vent, imprenable comme le désert de Judée. S’il a omis de délimiter sa patrie au point qu’on a failli la lui confisquer, c’est parce qu’il a longtemps cru que la Terre promise était d’abord celle où aucun rempart n’empêche son regard de porter plus loin que ses cris. […] Tout juif de Palestine est un peu arabe et aucun Arabe d’Israël ne peut prétendre ne pas être un peu juif» (pp. 252-253). Cherchez sur Google et vous trouverez la citation sur de nombreux sites. Un hasard ?

Et le Palestinien n’est-il pas né libre ? N’a-t-il pas une «patrie» qui lui a été spoliée ? Hélas, ses cris sont étouffés par l’oligarchie impérialiste mondiale qui ne propage que les «cris» des colonialistes israéliens.

Si «tout juif de Palestine est un peu arabe» pourquoi réduit-il l’Arabe à l’apartheid, lui vole-t-il ses terres et ses maisons, assassine-t-il ceux qui les défendent ? En quoi «aucun Arabe d’Israël ne peut prétendre ne pas être un peu juif» ? Qu’est-ce donc que ce «peu» ? Un écrivain qui déclare écrire «LE» livre sur le problème peut-il se contenter de ce genre de phrase d’apparence brillante sans expliquer pourquoi ce «peu» est tellement dérisoire qu’il n’empêche pas une tragédie coloniale qui dure depuis 70 ans, et durera encore ? Il est vrai que la confusion de l’expression sert toujours le dominateur, qu’elle est la marque du mercenaire à son service. Mais, peut-être que Khadra, de même qu’il s’intéresse à la «belle» vie» d’un jeune Algérien à l’époque coloniale, a en vue la «belle vie» d’un jeune Palestinien à l’époque de l’apartheid sioniste. Alors ce «peu» prend toute son importance aux yeux du romancier, car ce «peu» permet de publier des romans, d’engranger l’argent qui en découle, ainsi que la «gloire» médiatique qui fait partie du système capitaliste marchand. Un personnage de Shakespeare s’écrierait : «Ah ! Ce peu qui vaut tant d’écus et de célébrité !»

Autre question : pourquoi se focaliser uniquement sur les «terroristes» palestiniens (d’accord, l’époux de la «terroriste» est un brave homme) et ne jamais écrire un roman sur un soldat ou une soldate israélien qui tire et tue une journaliste palestinienne, un conducteur de bulldozer qui tue avec son véhicule la jeune activiste états-unienne Rachel Corrie qui résistait à la destruction de la maison d’une famille palestinienne ? Ou encore une jeune Israélienne qui préfère aller en prison plutôt que de servir dans une armée qu’elle considère coloniale ? En outre, l’Etat israélien n’est-il donc pas terroriste contre le peuple palestinien ? Et posons la question fondamentale : qui a commencé à exercer le terrorisme sur la population civile en terre palestinienne : n’est-ce pas les organisations armées Hagana, Stern et autres ? Parmi d’autres, ce sont les historiens honnêtes israéliens qui en ont fourni les preuves.

Pour respecter la vérité historique et prétendre écrire «LE» roman du conflit israélo-palestinien, est-il correct de se focaliser sur le djihadisme islamiste sans aller aux causes de sa création : pour neutraliser ou éliminer la résistance palestinienne qui, à son origine, était laïque et voulait le demeurer, ce furent les services israéliens qui ont favorisé la création de la tendance religieuse islamiste, en espérant bénéficier de mercenaires à leur service, lesquels ont fini par se retourner contre leur Frankenstein.

Oui, évidemment : un roman qui respecterait la vérité historique réelle évoquerait les thèmes et les personnages qui l’incarnent, montrerait la cause des causes, quel éditeur le publierait s’il agit et profite dans le système capitaliste-impérialiste ? Et quels médias de même orientation en feraient la promotion ?

6- Uniquement des «terroristes» !

«L’équation africaine», quel thème, quels personnages ?

Partie du résumé : «Kurt Krausmann, médecin accepte la proposition de son meilleur ami, Hans Makkenroth, d’effectuer avec lui un voyage en voilier, à visée humanitaire, jusqu’aux Comores. Le voilier quitte son port d’attache, à Chypre, et traverse sans encombre la Méditerranée orientale, le canal de Suez et la mer Rouge, avant d’arriver dans le golfe d’Aden et l’océan Indien, où il se trouve arraisonné par des pirates somaliens.» (3)

En somme, n’avons-nous pas affaire à une carte postale pour lecteurs frustrés de tourisme exotique ? De bons, civilisés et «humanitaires» occidentaux victimes de terroristes africains ! Bien entendu, on ne saura pas quelles sont les causes qui produisent des pirates somaliens et des interventions «humanitaires», à savoir la domination impérialiste sur la Somalie et l’usage de l’argument «humanitaire» pour la maintenir, à défaut d’intervention militaire directe (rappelons-nous le sort réservé aux militaires états-uniens lors de leur intervention dans le pays).

Avec ce roman, n’est-on pas dans le cas d’une idéologie impérialiste promue par un «indigène» algérien ? Peut-on trouver mieux, en termes de propagande, que l’intervention d’un romancier (appartenant à la sphère des pays dominés) et le recours à un argument (intervention «humanitaire») pour justifier la domination hégémonique impérialiste et ses agressions contre les peuples ?

Algérie, Palestine, Afrique : ne constate-t-on pas la même vision ? «Terroristes» d’un côté (en réalité, des dominés, quelle que soit leur forme de résistance, certes discutable) et, de l’autre, de braves personnes (en réalité, des dominateurs ou jouisseurs du système exploiteur) impérialiste ?

7- La grenouille et le bœuf

Déclaration de l’écrivain qui se cite à la troisième personne : «Yasmina Khadra est le plus grand écrivain ayant aujourd’hui un écho dans le monde, plus que Naguib Mahfouz, le lauréat du prix Nobel.»

Cette déclaration me rappelle une anecdote. Dans l’antiquité, à la fin de son discours au peuple d’Athènes, un personnage respectable (Solon, si ma mémoire est bonne) fut intrigué par les applaudissements de la foule. Il se tourna vers un ami proche et murmura : «Qu’ai-je donc dit de stupide pour me mériter ces acclamations ?»

Khadra connaît-il la différence entre peuple et foule ? Le premier est conscient de sa dignité, basée sur un certain bagage culturel, et sait apprécier une production littéraire à sa juste valeur. La foule, au contraire, conditionnée par l’idéologie dominante, réagit uniquement aux sollicitations des démagogues, aux médiocres et aux imposteurs. Tel fut le cas lors de la condamnation de Jésus, lors de l’assassinat du dictateur Jules César, ou quand des colonisateurs transformaient des colonisés en bachagha, pour administrer, en «religieux», pour affirmer que le colonialisme est la volonté de Dieu, et en harkis, pour réprimer leur propre peuple.

Naguib Mahfouz est le témoin d’une réalité qu’il évoque avec sincérité vraie, une générosité réelle, un talent et un style dont la simplicité reflètent la profondeur du contenu et la valeur de l’écriture. Aucune démagogie, aucune phrase ronflante, aucun tape-à-l’œil, aucun accommodement avec une quelconque idéologie coloniale ou néocoloniale. Il ne peut donc pas plaire à la foule, mais seulement au peuple.

Au sujet des écrivains algériens, Khadra déclare : «Je suis probablement plus grand qu’eux et trop en avance sur eux, et au lieu de me suivre, ils ont choisi de me boycotter.»

Même les prophètes n’ont pas osé parler ainsi.

Encore : «Mais vous savez à qui vous parlez ? Je suis l’un des écrivains les plus célèbres au monde. Je suis plus connu que l’Algérie ! Je suis allé en Italie en visite officielle avec le président algérien : je suis passé à la télé, pas lui !»

Et encore : «Je n’ai aucun complexe. Je ne peux imaginer un écrivain qui me dépasse dans le domaine du roman.»

Même un Victor Hugo, un Tolstoï, un Ernest Hemingway n’ont jamais osé parler ainsi.

Depuis quand la célébrité médiatique ou un passage à la télévision sont-ils un signe de valeur intellectuelle ou littéraire ?

Le dernier roman de Khadra ne figurant sur aucune liste de prix, l’auteur attaque les prix littéraires en dénonçant des «aberrations parisianistes dénuées de sens».

Là, j’avoue ma perplexité. Comment expliquer cette attitude d’institution littéraire qui ignore, selon l’auteur, «le plus grand écrivain ayant aujourd’hui un écho dans le monde» ? Des déclarations pareilles, comme contenu et forme, prouvent-elles la production d’une œuvre littéraire qui mérite la lecture ? On objecterait : Bah ! Peut-être que l’œuvre est de meilleure qualité que la personnalité de l’auteur.

8- Un auteur, c’est son style

Sur celui de Khadra, renvoyons aux extraits de ses romans cités par des critiques, dans la vidéo déjà mentionnée, lors de l’émission «La plume et le masque». On y découvre non seulement que le romancier écrit des stupidités mais que son éditeur ne s’en aperçoit pas, les croit convenables ou n’y accorde aucune attention, se contentant de vendre une marchandise qui marche. Misère de l’édition commerciale où commandent le profit et la propagande destinée à la foule !

Eric Chevillard, écrivain et feuilletoniste au Monde des livres, note, à propos du roman de Khadra Dieu n’habite pas à la Havane : «Yasmina Khadra écrit faux comme une casserole.» On lit également : «Tissu de lieux communs et d’inventions malencontreuses, il illustre avec exhaustivité toutes les façons d’échouer qui s’offrent à un écrivain. Roman factice, appliqué, besogneux, il n’est jamais mieux qu’une affection de littérature et verse systématiquement dans le ridicule dès que l’auteur croit faire preuve d’audace poétique.» Suivent des exemples.

9- Mentalité harkie néocoloniale

«Sur ce thème, j’ai déjà publié un essai, librement disponible.» (2)

Bien entendu, si un roman met en scène un combattant anti-impérialiste, c’est, pour les médias impérialistes, toujours de la «propagande» partisane et mensongère mais si le roman évoque un personnage qui fait l’éloge des «valeurs» occidentales (en réalité, impérialistes), c’est, bien entendu, de la vraie littérature, la meilleure, publiée dans tous les pays possibles de la planète.

Reste une question hamlétique que je pose avec une bienveillance taoïste : quelle différence voit Khadra entre un authentique romancier et un vulgaire imposteur mercenaire ? Cette question mérite l’écriture d’un roman, en se rappelant Boileau : «J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.»

Allons au fond du problème. Il faut en être bien conscient : le conflit entre les oligarchies impérialistes mondiales et les peuples qui veulent s’en émanciper est entré dans une phase aiguë avec la guerre en Ukraine. La culture, dont le roman est un aspect, fait partie intégrante des armes de combat. Les oligarchies impérialistes disposent des moyens financiers et matériels les plus puissants par rapport à ceux possédés par les peuples. Mais gardons en mémoire les luttes des peuples contre les dominations : la faiblesse matérielle, transformée en force mentale, a permis la victoire sur la bête impérialiste. C’est cette force mentale qui est nécessaire, aujourd’hui, qu’il faut construire, dans tous les domaines de la vie sociale, au nom de l’amour de la vie, de la vérité, de la justice, de la beauté.

K. N.

1) https://www.youtube.com/watch?v=LdVaFVhbM68&ab_channel=alibaba

2) Contre l’idéologie harkie : pour une culture libre et solidaire, https://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_ideologie_harkie.html

3) https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89quation_africaine

Comment (16)

    lhadi
    26 juin 2024 - 15 h 35 min

    Tant que le citoyen algérien aura le sens de l’honneur et tant qu’il espère rester le descendant et le défenseur des nobles traditions qui ont été transmises de génération en génération, il sera la semence sacrée de l’avenir.

    Après soixante années d’indépendance, on peut dire avec certitude : l’Algérie n’est toujours pas dotée d’une politique culturelle claire qui laisse entrevoir un futur prometteur et atteste de l’esprit novateur sans toutefois sous-estimer l’impact du sous développement sur le citoyen ordinaire.

    Une politique d’encouragement à la création dans tous les domaines stimulera la progression de la nation et ouvrira la perspective d’un développement sans précédent des personnalités et des relations entre les hommes. Elle accompagnera d’un effort de diffusion de la culture, de conservation du patrimoine et ‘extension des échanges culturels internationaux. Elle s’associera ainsi à la reforme de l’Education nationale et à l’effort de la recherches.

    Cette tâche est inséparable d’une politique de progrès social, du dégagement de ressources élevées, d’une démocratisation générale de la vie.

    Pas d’épanouissement de la création sans liberté de la création. Pas d’essor de la pensée sans liberté de la pensée. Pas de liberté de création et de la pensée sans liberté de leur expression et de leur diffusion. L’intelligence doit enfin cesser d’être en butte à la loi du profit, aux contraintes et aux entraves matérielles et idéologiques que cette loi impose. La culture doit recevoir les moyens qui garantiront son expansion. D’où les relations essentielles entre l’essor culturel et la transformation politique et économique de la nation.

    Pas d’accès de tous à la culture sans que l’ensemble de la population ait le temps et les moyens de vivre, sans qu’un équipement culturel moderne, dynamique, diversifié, soit implanté sur tout le territoire, sans que soit formé un personnel qualifié, capable de mettre en valeur le patrimoine et d’animer la vie culturelle.

    La reforme de l’Education nationale est une condition majeure de la réussite d’une politique culturelle.

    Pour déterminer les objectifs, dégager les orientations et rechercher l’utilisation rationnelle des moyens, une collaboration permanente doit être instituée, au plan national, entre les représentants qualifiés de toutes les activités qui concourent à la création et à la diffusion de la culture, avec, en particulier, l’intervention des créateurs

    L’accès de tous à la culture n’est pas seulement un droit conforme à la justice sociale. Il répond à la fois aux intérêts de chaque individu et aux impératifs du développement du pays.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

      Anonyme
      26 juin 2024 - 16 h 58 min

      Dans le mille …merci

    dz double
    26 juin 2024 - 5 h 32 min

    Il mérite deux grandes médailles: Une médaille de déserteur-fuyard de l’ANP au moment le plus difficile de l’Algérie indépendante comme a fui Kader, et la seconde, celle de chevalier de l’ordre chez Fafa qui l’a accueilli comme elle avait accueilli Kader en le bardant de décorations.

      Anonyme
      26 juin 2024 - 12 h 41 min

      @Double …….ration
      C est très courageux d insulter derrière son computer , (…)!
      Maintenant prends tes ……….fesses à deux mains et vas dire à Moulesshoul ce que tu vomis sur AP puisqu il est pas loin de toi .
      Quand à l Émir , je suis sûr que , tu aurais vécu à son époque , tu lui lécherai les Babouches comme seuls savent le faire les Limaces .

    Le Chat Botté
    26 juin 2024 - 2 h 42 min

    @Abou CataStroff,
    n’étant pas féru de « littérature » et n’ayant jamais lu la moindre phrase de khadra,…. vous dites
    Dans ce cas là comment pouvez-vous critiquer quelqu’un sans connaître réellement ses pensées littéraires, c’est mesquin et pathétique de votre part. De 2 choses l’une, ou vous êtes un beni oui-oui qui s’aligne sur les commentaries des autres sans réelles convictions ou vous parlez pour parler sans convictions aucunes.
    Sachez que dans la déontologie littéraire ou tout autres domaines, il est de nature et prérequis d’avoir les mêmes qualifications ou suppérieures pour pouvoir critiquer une personne.

      Abou Stroff
      26 juin 2024 - 14 h 25 min

      jusqu’à preuve du contraire, Abou Stroff (remarquez ma modestie légendaire) n’a pas porté de jugement sur la production littéraire de Khadra mais a simplement essayé d’expliquer le pourquoi de ses positions politico-idéologiques en mettant en exergue que, si Khadra voulait vendre sa « littérature », il était obligé de brosser dans le sens du poil ceux ( suivez mon regard) qui dirigent les maisons d’éditions et ses lecteurs potentiels (avec l’arabisation à outrance, je parie que khadra est quasi-inconnu par les algériens lambda).
      par conséquent votre commentaire est mal placé et semble découler directement de votre incapacité à commenter l’article de K. N.
      PS: ce n’est pas le première fois que vous « attaquez », sans raison, monsieur Abou Stroff (remarquez, une deuxième fois ma modestie légendaire). seriez vous jaloux de ses capacités intellectuelles (remarquez, une troisième fois ma modestie légendaire)?

        Le Chat Botté
        26 juin 2024 - 17 h 07 min

        La modestie dont vous parlez requiers des retenues et non des insinuations sur la base des opinions et commentaires des autres.
        1er, Mr. K.N a porté un jugement sur la base des infos colllectés à son sujet ni plus ni moins cependant il reste et demeure à l’opinion publique de porter un jugement à tort ou à raison.
        2eme, Quand on n’est pas sure de quelle infos que ce soit et la source la retenue est de vigueur ce dont vous faite fi et vous plongez la tête basse à la moindre occasion.
        3eme, On ne peut pas porter de jugement sur la base des autres, on est des humains et l’erreur est humaine parce qu’entre la réalité et le monsonge le fil est très mince.
        Encore une fois NO HARD FEELING si j’ai blessé votre conscience.

    L'effet hadj khaled
    25 juin 2024 - 21 h 09 min

    Je l’ai dit dans un post concernant ce négre d’intérieur que le bougnoul n’a aucune attache ni patrie .ils cherchent, imitent, èrent chez ce qu’il suppose lui être supérieur en l’occurrence l’homme blanc en tous cas en occident pour d’une part vouloir être leurs égal et d’autre part manifeste un rejet de ses origines, sa patrie, ses valeurs ancestrales pourtant millénaires . Il n’est pas le seul dans ce cas ou sansal et daoud , hadj khaked, ferhat des sans papiers et j’en passe lui emboîtent le pas . D’autres l’appellent l’effet papillon ou syndrome post coloniale.

    Anonyme
    25 juin 2024 - 19 h 58 min

    je ne suis pas interessé par ce personnage

      Anonyme
      25 juin 2024 - 21 h 13 min

      Moi non plus.

    Abou Stroff
    25 juin 2024 - 15 h 56 min

    « Considération sur Yasmina Khadra » titre K. N..

    n’étant pas féru de « littérature » et n’ayant jamais lu la moindre phrase de khadra, je me contente de souligner que le lectorat de ce dernier se trouve en contrée « sionisée », et que kadra en brossant dans le sens du poil, et les anciens colons et les sionistes convaincus ne fait que garantir, avec beaucoup de zèle, sa ………………pitance.

    ceci étant dit, khadra est, d’abord et avant tout, un commerçant et ses propos sur des thèmes « philosophiques » et politiques sont d’une platitude remarquable. par conséquent, nous ne devons lui offrir aucune publicité, en évitant parler de ses élucubrations.

    PS: il y a quelques années, j’a observé khadra parler dans une émission de télé frenchy, j’ai remarqué que le khadra avait du mal à aligner un sujet, un verbe et un complément en français et je me suis demandé si khadra n’utilisait pas un « nègre » pour écrire ses romans.

    Au sujet des prix littéraires en France
    25 juin 2024 - 15 h 51 min

    Les prix littéraires pour les Maghrébins en France, c’est l’écrivain Marocain Tahar Ben Jelloun de l’académie française qui les accordent, les œuvres ne doivent pas critiquer le Maroc ou Israel, ne doivent pas présenter l’Algérie sous un angle lumineux.

    Cette règle tout les écrivains Algériens ou d’origines algériennes la connaissent (elle est valable pour les cinéastes aussi.)

    Quinze jour avant l’acceptation d’Assia Djebbar dans le journal Le monde elle a répondue à la question d’un journaliste dans quelle ville elle se sentait heureuse elle a répondue à Marrakech ! et de rajoutée à la fin de l’interview qu’elle souffrait toujours de son éducation musulmane.

    Sansal et Cie tout les monde sait pour qui ils écrivent.

      2passage
      26 juin 2024 - 15 h 20 min

      Merci d avoir rappelé que Yasmina Khadra avait été écarté du prix Goncourt par l ecrivaillon mekhzenien Bonjelloun sioniste anti DZ.
      Aussi, il faut rappeler le lynchage médiatique de Yasmina.
      Je me souviens que des pilliers de bar pouilleux cérébralement lui crachaitment leur bile sur les ondes de Beur(K)Fm …juste parce qu il était officier de l ANP !!
      Je ne pense pas qu il ait vendu son âme au diable, comme certains écrivains DZ…frappés par le complexe du nouveau converti.

    Anonyme
    25 juin 2024 - 12 h 53 min

    Je me rappellerai toujours des premières images du Fumeux Film « Ce que le jour doit……. ».
    Un « Indigène » fellah de son état se faisant Brûler toute sa récolte par un autre …………INDIGÈNE ………..CAÏD de sont état !!!! . Quel Message Mystifiant sur la réalité du GRAND REMPLACEMENT dans mon Pays !!!!!!
    Oser faire ce tour de Passe – Passe pour le bonheur d ‘ Arcady et des spectateurs …………..de Toulon , Perpignan , et d ailleurs ,
    C est tout simplement Pitoyable …….

    DZ
    25 juin 2024 - 12 h 19 min

    kadra dans les annees 50 pendant le conflit aurait certainement ete un harki ce monsieur est un nostalgique de l algerie francaise la majorite des ecrivains algeriens en france sont francophile et sont honnores pour leur bashing anti algerien comme sansal ce kadra avait deserte l armee et fuit en espagne dans les annees 90 ca en dis long sur le patriotisme de ce monsieur a oublier

      Kouti
      25 juin 2024 - 23 h 34 min

      Heureusement que je n’ai lu aucun des romans de cet imposteur. Quel vantard inutile.

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