Coloniser les corps, posséder les esprits : un mal éternel de la domination
Une contribution du Dr A. Boumezrag – Depuis des siècles, la colonisation a laissé des cicatrices profondes et indélébiles sur les peuples et les nations. Ces marques ne sont pas seulement physiques mais aussi mentales, s’étendant au-delà des générations, transcendant les frontières géographiques et temporelles. En colonisant les corps et en possédant les esprits, les colonisateurs ont perpétué une forme de domination qui s’avère être un mal éternel.
La colonisation des corps se manifeste par l’occupation physique des territoires, l’exploitation des ressources naturelles et humaines, et l’imposition de régimes autoritaires. Ces actions brutales visent à contrôler et à asservir les populations indigènes, les réduisant à de simples instruments de production au service de l’empire colonial. Les corps sont opprimés, déplacés, et souvent exterminés, dans une quête insatiable de pouvoir et de richesse.
Cependant, la colonisation ne se limite pas à l’asservissement physique. Elle s’étend également à la sphère psychologique, où les esprits sont capturés et formatés par des idéologies aliénantes. Les colonisateurs imposent leur langue, leur culture, et leurs valeurs, effaçant progressivement les identités locales. Les esprits sont conditionnés à percevoir la supériorité de l’occupant et à internaliser leur propre infériorité. Cette domination mentale crée un sentiment d’aliénation et de perte de soi, qui persiste bien après la fin officielle de la colonisation. Comme l’illustre bien cette réflexion : «Il n’y a pas plus aliéné qu’un cerveau colonisé, il n’y a pas plus oppresseur qu’un opprimé qui ne rêve en permanence que d’une seule chose : devenir un oppresseur.»
La combinaison de la colonisation des corps et de la possession des esprits engendre un mal insidieux et durable. Ce mal se manifeste sous diverses formes : inégalités sociales et économiques, conflits identitaires et traumatismes intergénérationnels. Les anciennes colonies continuent de lutter contre les vestiges de l’oppression coloniale, cherchant à redéfinir leur identité et à retrouver leur dignité.
«La colonisation aliène non seulement le colonisé, mais également le colonisateur sur plusieurs générations.» Cette citation met en lumière une réalité souvent négligée : les colonisateurs eux-mêmes sont piégés dans un cycle de violence et de domination qui déforme leur humanité et perpétue une vision déshumanisante de l’autre.
En effet, la relation entre le colonisateur et le colonisé peut rappeler le syndrome de Stockholm, où la victime développe une forme d’attachement paradoxal envers son oppresseur. Les peuples colonisés, en absorbant les valeurs et les normes imposées, peuvent en venir à identifier leur propre réussite à travers le prisme de la culture coloniale, et les colonisateurs, en imposant leur domination, finissent par être aliénés par leur propre violence et déshumanisation.
La colonisation, bien qu’officiellement révolue, laisse un héritage toxique qui perdure à travers les générations. Elle nous rappelle que la quête de domination humaine n’a pas de fin, et que les cicatrices de cette quête sont profondes et persistantes. Pour guérir de ce mal éternel, il est crucial de reconnaître et de confronter ces héritages, de célébrer les résistances et les résiliences des peuples colonisés, et de travailler ensemble vers un avenir de justice et d’égalité.
En conclusion, la colonisation des corps et la possession des esprits représentent une forme de domination qui semble être un mal éternel. Les nations et les peuples autrefois colonisés continuent de se battre pour se libérer des chaînes invisibles de l’oppression coloniale. Seule une prise de conscience collective et une volonté de transformation profonde peuvent nous permettre de transcender ce passé sombre et de bâtir un monde où la dignité humaine est respectée et célébrée.
A. B.