Gérard Araud : «La France n’est pas le Zorro des relations internationales !»
Par Mohamed K. – «Un élément de la France-Afrique qui est quand même indéniable : ce sont nos bases militaires. Nos amis britanniques, un empire colonial deux ou trois fois plus important que le nôtre en Afrique, n’ont pas de bases militaires. Pourquoi avons-nous des bases militaires en Afrique ? Ce n’est pas pour défendre l’Afrique. Donc, pour intervenir dans les affaires africaines», a affirmé Gérard Araud, ancien ambassadeur français, dans un entretien à LCI. «Au Mali, il fallait intervenir face à cette poussée djihadiste vers Bamako, mais pourquoi sommes-nous restés ?» a interrogé cet ancien directeur général des affaires politiques et de sécurité au Quai d’Orsay, selon lequel «une armée qui vous libère, au bout de six mois, deux ans, elle devient une armée d’occupation».
«Deuxième élément, mais là, je vais choquer le téléspectateur, si le Mali devient une république islamique, en quoi est-ce un problème pour la France ? Ce sont aux Maliens de décider de leur sort. Nous ne sommes pas le Zorro des relations internationales, nous n’allons pas débarquer en disant que nous allons vérifier si vos institutions sont démocratiques, ce que nous ne faisons pas en Arabie Saoudite, je ne vois pas pourquoi on le ferait ailleurs», a-t-il argumenté.
«Ce qui s’est passé au Mali, essayons que cela ne se reproduise pas et nos armées doivent être moins présentes et nos relations avec ces pays doivent être moins incestueuses», a fait remarquer l’auteur d’Histoires diplomatiques : leçons d’hier pour le monde d’aujourd’hui, qui fait partie de ces diplomates français qui dénoncent la politique étrangère de leur gouvernement, faite d’ingérence et d’interventionnisme destructeur.
«Les Russes – c’est anecdotique dans cette affaire – surfent sur une vague anti-française. En ce qui concerne les djihadistes, nous disons les djihadistes comme si c’était un seul groupe, en réalité, il y a de multiples petits groupes et ces petits groupes sont unis par quoi ? Par la haine anti-occidentale. En mettant les soldats français devant eux, dans une certaine manière, nous les unissons», a fait constater l’ancien représentant permanent de la France aux Nations unies.
Avant lui, un autre ancien ambassadeur alertait le monde, dans une tribune parue en 2018, sur les desseins criminels des Atlantistes. «Réveillons-nous, ils sont devenus fous !» écrivait-il dans un texte publié par l’Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques (Iveris). Michel Raimbaud y affirmait qu’«on ne peut attendre d’Etats qui s’érigent en gendarmes de la planète tout en se comportant comme des régimes voyous une quelconque logique». «Il est paradoxal, après tous ces massacres, que l’on trouve encore dans le grand Occident démocratique tant de défenseurs des djihadistes», s’indignait-il, estimant que «les intellectuels sont piégés par leur aveuglement initial, les médias sont plombés par l’omerta, les politiques sont otages de leur doxa néoconservatrice».
«Décidément, le monde est tombé sur la tête puisqu’il n’y a plus de légalité internationale», déplorait l’auteur de la tribune, qui regrettait que «ces faux gendarmes du monde qui sont les fauteurs de désordre» et «les pratiquants d’ingérences illégales» s’agitent et manœuvrent au grand jour.
«Les obsédés du bombardement humanitaire violent systématiquement le droit international [et] soutiennent le terrorisme quand ils ne l’ont pas créé», confiait ce courageux diplomate.
M. K.
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