L’Algérie au secours du Liban : Beyrouth doit cesser sa soumission à la France
Par Abdelkader S. – Qu’est-ce que la soumission du gouvernement libanais à la France a-t-elle apporté au Liban ? On se souvient du discours impudent et méprisant du président français, Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Beyrouth au lendemain de l’explosion qui était survenue au port de la capitale libanaise, faisant plusieurs morts et des dégâts impressionnants. L’«hôte» français avait sommé les dirigeants libanais de «faire toute la lumière» sur cet incident meurtrier et «averti» ses interlocuteurs qu’il leur donnait deux semaines pour obtenir les explications qu’il avait exigées.
Cette condescendance avait surpris, y compris en France où des voix s’étaient élevées pour dénoncer cette ingérence flagrante dans les affaires internes d’un pays «souverain». Mais le pouvoir français ne l’entend pas de cette oreille. Tout comme le Maroc – département français d’outre-mer – et le Tchad – poste avancé de la France néocoloniale dans le Sahel –, le Liban se présente comme un appendice, une excroissance française au Moyen-Orient, mais qui s’échine à se défaire de cette dépendance par le truchement du Hezbollah qui perturbe les plans français dans la région.
Les relations algéro-libanaises sont enracinées dans l’histoire. Elles sont notamment marquées par le rôle de premier plan joué par le diplomate algérien Lakhdar Brahimi dont les efforts inlassables ont permis de mettre fin à une longue et sanglante guerre civile interconfessionnelle ayant mis aux prises plusieurs phalanges. Depuis, les Libanais savent gré à l’Algérie qui n’a jamais cessé de venir en aide à ce pays arabe où elle s’emploie à réduire l’influence envahissante de la France, en tendant une main fraternelle au peuple libanais à travers un soutien effectif dans les moments difficiles.
Le journaliste libanais Sami Kleib expliquait récemment, dans un entretien à un média de son pays, que l’Algérie joue un rôle de plus en plus central au Liban. Un rôle que certains, a-t-il, dit, ne veulent pas qu’il soit connu des Libanais. «Malheureusement, nous autres Moyen-Orientaux ignorons le Maghreb arabe alors que ce dernier prend fait et cause pour les causes arabes plus que n’importe quel autre pays arabe. Si vous cherchez un soutien à la Palestine, allez en Algérie !» a asséné le transfuge d’Al-Jazeera.
«L’Algérie, je la connais bien pour y avoir voyagé durant de longues années», a assuré Sami Kleib, expliquant que l’Algérie «est actuellement aux côtés du Liban sur la base d’une position de principe». Dans le scandale du fuel trafiqué qui remonte à janvier 2021, «l’Etat algérien et Sonatrach n’y sont pour rien», a souligné ce diplômé de la Sorbonne. «C’est, a-t-il précisé, une mafia qui active en haute mer pour le compte de sociétés sous-traitantes qui est derrière ce scandale.»
«L’Algérien est mu par ce qu’il appelle le nif, qui vient du mot arabe anafa, lequel signifie dignité. Aussi, bien que les Algériens aient considéré cette affaire de fuel, dans laquelle certains ont accusé Sonatrach, comme une atteinte à leur dignité, le président algérien a nommé deux ambassadeurs d’Algérie à Beyrouth et à Damas qui maîtrisent les dossiers, et ce dans le but de relancer un projet arabe à partir d’une coopération soutenue avec des Etats pivots, comme le Liban», a corrigé le conseiller de RMC et RFI, en France.
«Historiquement, a-t-il étayé, l’Algérie a aidé le Liban dans tous les domaines et elle n’a jamais rien demandé en retour. Il n’y a ne serait-ce qu’une seule exigence algérienne depuis que les relations entre les deux pays existent», a-t-il poursuivi.
«Il y a aussi la question de l’aide algérienne à l’armée libanaise. Je sais que l’ambassadeur d’Algérie s’est réuni avec le chef d’état-major de l’armée libanaise juste après une réunion entre ce dernier et l’ambassadeur de France. Les Algériens ont proposé une aide militaire, là aussi à titre gracieux et sans aucune condition», a-t-il révélé. Selon lui, «l’autre domaine dans lequel l’Algérie, pays très riche, aide le Liban est celui des matériaux de construction. En effet, elle a proposé son concours dans la reconstruction des édifices endommagés par l’explosion du port de Beyrouth», a-t-il fait savoir, en interrogeant : «La France acceptera-t-elle ce rôle grandissant de l’Algérie au Liban ?» «Cette présence se fait au détriment de l’influence française», a-t-il soutenu.
Et il a raison de poser cette question lancinante. Car, un mois à peine après cette interview, les autorités politiques et judiciaires libanaises cédaient aux désidératas de la France qui réclame l’extradition d’un homme d’affaires algérien. Par-delà les tenants et aboutissants de l’affaire en elle-même, c’est le fait que le Liban officiel fasse preuve de soumission à la France au détriment des relations historiques avec l’Algérie qui fait jaser. L’avocate de l’homme d’affaires concerné n’a pas manqué de relever, dans un entretien à une Web TV libanaise, son étonnement quant à cette promptitude du gouvernement et de la justice libanais à exécuter une décision qui foule aux pieds la souveraineté du Liban et porte gravement atteinte à l’amitié qui lie son pays avec celui du «million et demi de martyrs».
L’affaire est étrangement passée sous les radars malgré sa gravité. Le média libanais Lebanon Debate a lancé l’alerte, accusant le Premier ministre, Najib Mikati, d’«accorder la priorité à ses propres intérêts, [placés] au-dessus de ceux de son pays». Cela vient de se confirmer avec la panne d’électricité générale au Liban. Une panne qui, sans l’aide – encore une fois – de l’Algérie, serait désastreuse pour ce pays plongé dans une crise protéiforme inextricable. A moins de bouter la nuisible France hors du pays.
A. S.
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