Maître Khadija Aoudia : une femme de tous les combats dans le respect de la robe noire
Par Chloé Enkaoua – A la tête du barreau de Nîmes pour le mandat 2023-2024, l’avocate pénaliste Khadija Aoudia est une femme de combats qui aime se positionner à contre-courant et attirer la lumière pour mieux défendre les causes qu’elle porte.
Une «fainéante contrariée». C’est ainsi que Khadija Aoudia décrit en souriant l’étudiante qu’elle était et qui, par facilité dans les matières scientifiques, a failli abandonner sa vocation première pour revêtir une blouse blanche. Son goût pour la justice l’a finalement rattrapée. «Dès l’école primaire, je me révoltais face aux injustices subies par mes camarades pour un trait physique, un handicap ou un milieu social», se souvient cette native de Cahors. Après une licence de droit privé à la Faculté de droit de Montpellier, elle poursuit avec une maîtrise puis un DEA de sciences criminelles qui l’amènera à rédiger une thèse sur les empreintes génétiques et l’administration de la preuve scientifique en droit positif français. De quoi mêler ses deux passions, le droit et les sciences, et tenter déjà de se distinguer dans un milieu compétitif.
Armes de séduction. Après avoir prêté serment en 2002, Khadija Aoudia débute sa carrière au sein du cabinet nîmois de l’avocate pénaliste Françoise Delran. Quelques mois plus tard, à la suite d’une «incompatibilité de personnalités», elle intègre le cabinet de Chantal Chabanon et fait ses armes en droit commercial pendant deux ans avant de partir visser sa plaque à Nîmes et de se consacrer exclusivement au droit pénal. «Dans un premier temps, dans le cadre des permanences pénales, ma stratégie était la préparation en amont de conclusions sur toutes les nullités qui pourraient être soulevées de façon à être réactive», raconte-t-elle. «Mais progressivement, il m’est apparu indispensable de rendre plus séduisantes mes plaidoiries et d’intéresser les juges tant au niveau du fond que de la forme.»
Résultat : une approche très personnelle des dossiers consistant à régulièrement faire appel à des experts et à élargir le débat sur la culture sociologique, sociétale ou historique d’une affaire. «Ainsi, une même infraction n’est jamais plaidée de la même façon», explique-t-elle. «Par ailleurs, ce qui m’anime, c’est de me battre pour des thématiques impopulaires sur lesquelles personne n’ose aller.» Ce fut le cas notamment en 2012 lorsque Khadija Aoudia a défendu une victime de polygamie et mené une action pénale contre cette pratique en France. «Jusque-là, la polygamie était traitée sur le plan civil mais ne l’avait jamais été sur le plan pénal», indique l’avocate de 50 ans. «Comme cette procédure était nouvelle, les médias s’en sont saisis.»
En 2020, en pleine pandémie de Covid-19, Khadija Aoudia n’a également pas hésité à saisir la Cour de justice de la République pour demander la remise en liberté de certains détenus non dangereux dans des établissements pénitentiaires surpeuplés. «La médiatisation de ces combats démontre que l’on peut se battre pour de vraies valeurs tout en bénéficiant d’une vitrine publicitaire et en récoltant économiquement le fruit de ce travail», affirme-t-elle.
Un mandat engagé
Fière de son parcours et de la renommée de son cabinet, Khadija Aoudia a aujourd’hui décidé de «donner de son temps» pour son barreau, comme un remerciement aux confrères qui l’ont épaulée depuis ses débuts. Après avoir été membre du Conseil de l’ordre de 2017 à 2020, où elle a présidé la commission pénale, l’avocate a ainsi été élue à la tête des 400 avocats du barreau de Nîmes pour le mandat 2023-2024. Son principal objectif ? «Placer l’être humain au cœur de mon combat et rappeler que l’avocat est dans la Cité.» Outre des partenariats locaux, comme avec les Restos du Cœur, la bâtonnière a ainsi pris la décision au début de son mandat d’organiser un gala de charité au profit des victimes du double séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie.
«Je voulais que cela soit médiatisé et relayé, c’est pourquoi j’ai mobilisé des artistes locaux et internationaux de renom», rapporte celle qui, dans ce cadre, a également mis en vente aux enchères de nombreux vêtements et accessoires de marque lui appartenant. «Certains ont dit qu’il n’appartenait pas au bâtonnier de faire ce genre de choses», souffle-t-elle. «En tout cas, cela a largement permis d’améliorer l’image de l’avocat au niveau local.» Dans le cadre des droits de l’enfant, l’avocate souhaite également organiser cette année un concert au profit de trois associations parmi lesquelles Alphe, qui lutte contre le harcèlement scolaire et dont elle est la présidente d’honneur depuis un an.
«J’aimerais également organiser un grand colloque sur le génocide, qui abordera notamment toutes les difficultés juridiques autour de cette notion et la reconnaissance de ces crimes par les Etats», ajoute Khadija Aoudia. Laquelle, pour la suite, envisage de poursuivre ses nombreux combats et de continuer à s’exprimer, haut et fort, le poids de la fonction de bâtonnier en moins… mais toujours dans le respect de sa robe. «Elle me protège», conclut-elle en souriant.
C. E.
In Gazette du Palais
Ndlr : Maître Khadija Aoudia s’est illustrée dans l’affaire des frères Mohamed, deux patriotes qui avaient pris les armes contre les hordes terroristes en Algérie et que les artisans du «qui tue qui» et les islamistes protégés par le régime français ont voulu faire condamner en France. Dans cette tragédie, Me Aoudia fut seule face à une pléthore d’avocats et sa plaidoirie fut magistrale, permettant ainsi à deux hommes courageux de continuer à vivre libres.
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