Orchestration de l’inflation ou comment Emmanuel Macron affame les Français
Une contribution de Khider Mesloub – Nous sommes tentés de poser cette question : à qui profite le crime de l’inflation en France ? Commise curieusement dans une conjoncture d’inflation des crimes de guerre (conflits armés), provoquée par les puissances impérialistes, notamment la France dont le budget militaire explose au rythme de l’explosion de la vie du peuple précipité dans la paupérisation ?
En France, le gouvernement Macron se targue de ne pas avoir augmenté les impôts des Français. En effet, depuis son élection, Macron n’aura pas augmenté les impôts directs, notamment l’impôt sur le revenu. Et pour cause. Son augmentation, si une augmentation est décrétée, demeure souvent insignifiante, de l’ordre de 2%.
En France, en 2023, l’impôt sur le revenu a rapporté 82 milliards d’euros à l’Etat. Le nombre de foyers assujettis, c’est-à-dire ayant réglé l’impôt sur le revenu, est de 18,2 millions sur les 40,7 millions de foyers fiscaux (devant rédiger une déclaration). Autrement dit, sur une population de 68 millions d’habitants seuls 18,2 millions de Français sont assujettis à l’impôt direct.
En revanche, l’ensemble de la population française est assujetti à l’impôt indirect, aux taxes sur la valeur ajoutée (TVA). Chaque Français, imposable ou pas, paye la TVA. Pour chaque produit ou service acheté, l’Etat perçoit une taxe de 20%. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) demeure la première recette fiscale de l’Etat. Et plus les prix augmentent, plus le montant de la taxe croît. Plus l’inflation est forte, plus les caisses de l’Etat se remplissent. En 2023, grâce à l’inflation spoliatrice, les recettes réalisées grâce à la collecte de la TVA se sont élevées à près de 286 milliards d’euros, soit un niveau jamais atteint depuis 2007.
En France, l’inflation cumulée, tous produits confondus, sur les trois dernières années, a atteint 20%. Si on ne prend que l’alimentaire, en revanche, l’inflation cumulée sur les trois dernières années atteint 23%. Certains produits alimentaires ont même vu leur prix exploser : le sucre par exemple a vu son prix augmenter de 60%. Pour l’énergie, l’inflation cumulée sur trois ans dans cette catégorie de produit atteint 44%. 31% pour l’essence. Les prix de l’énergie ont explosé. La flambée de cette inflation, orchestrée par le gouvernement Macron, aura appauvri les ménages français mais enrichi l’Etat (des riches).
De manière générale, l’inflation est du pain béni pour l’Etat des riches de France. Plus les prix augmentent (doublent, triplent, quadruplent), plus les rentrées fiscales augmentent (doublent, triplent, quadruplent). Aussi pourrait-on avancer que le gouvernement Macron suscite et attise l’inflation, comme il suscite et attise les guerres, notamment la guerre d’Ukraine pour tenter de régler les contradictions internes du capital français, enrichir les puissants des secteurs militaro-industriels.
La preuve de cette orchestration de l’inflation captatrice opérée par le gouvernement Macron est fournie par certains médias.
Dans son édition du 29 octobre 2022, le journal Le Monde titrait «Pourquoi les prix du gaz baissent sur le marché, mais pas pour les consommateurs». Le quotidien s’étonnait de cette distorsion. «S’ils sont les deux faces d’un même problème, les cours du gaz sur les marchés de gros et les tarifs du gaz pour les clients finaux fonctionnent de façon différente», écrivait-il. Autrement dit, en l’espèce, en dépit de la décrue des prix du gaz sur les marchés de gros, les ménages continuent à payer au prix fort leur gaz. Pour information, le prix du gaz sur les marchés a baissé de plus de 80% ces deux dernières années. Il en est de même pour le prix du pétrole. Il n’a jamais été aussi bas depuis le début de la guerre en Ukraine. Or, en France, notamment en Europe, les ménages continuent à payer le prix fort. Ainsi, malgré l’effondrement du prix du gaz sur les marchés (73 euros le mégawattheure, soit près de cinq fois moins qu’à la fin du mois d’août 2022, lorsqu’il avait dépassé 340 euros), cette baisse ne se répercute toujours pas sur la facture des consommateurs. Logiquement, elle devrait être divisée par 5.
Ainsi, en France, les grandes multinationales pétro-gazières et l’Etat, par l’encaissement des taxes excessivement élevées, rackettent les consommateurs. Aussi n’est-il pas surprenant que TotalEnergies, cinquième groupe privé mondial, ait enregistré des bénéfices annuels record : 20 milliards de dollars.
Cela étant, l’escalade inflationniste est la riposte économique à l’escalade guerrière dans une conjoncture internationale marquée concomitamment par la baisse de la consommation provoquée par la récession et l’augmentation exponentielle des dépenses improductives et militaires.
En général, pour juguler l’inflation, fréquemment, les gouvernements, via les banques centrales, augmentent les taux d’intérêt. Or, cette politique de limitation du crédit tend davantage à accentuer et l’inflation et la récession, engendrant le phénomène désigné sous le vocable de stagflation. De surcroît, ces mesures de «crédit cher» entraînent mécaniquement l’augmentation des frais d’amortissement du capital investi, frais qui viennent se répercuter sur le prix des marchandises, provoquant un nouveau cycle (cercle vicieux) d’inflation.
En fait, depuis plusieurs années, la France est entrée dans une phase de déclin symbolisée par la chute dans l’inflation galopante et la récession permanente. Contrairement à ce que laisse entendre le discours dominant étatique et médiatique français, l’inflation n’a pas été occasionnée par le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le processus inflationniste avait entamé son envol bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La preuve, le 16 novembre 2021, bien avant la guerre russo-ukrainienne, la Banque centrale européenne publiait une étude consacrée à la flambée de l’inflation. «En août, septembre et octobre 2021, après des années de hausse très modérée des prix, l’inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis treize ans (…)». «Les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité ont crû partout dans le monde (…).» «L’accélération récente de l’inflation est attribuable pour moitié à la hausse des prix de l’énergie», soulignait-elle.
Pour autant, si l’inflation, c’est-à-dire la taxe inflationniste, pénalise dramatiquement les ménages et les travailleurs ; en revanche, elle arrange grandement l’Etat, le gouvernement. En effet, en période de crise économique aiguë, c’est-à-dire de récession, l’inflation, la taxe inflationniste, permet aux gouvernements de renflouer les caisses de l’Etat. Autrement dit, l’inflation devient un levier de gouvernance économique des dirigeants. Le levier de commande sert simultanément à augmenter la vitesse et à modifier le sens de déplacement. Telle est la politique de l’Etat français dans cette période de crise, caractérisée par l’augmentation de la vitesse de captation des revenus des ménages par l’arme de l’inflation et le déplacement des dépenses sociales vers les dépenses militaires.
En France, actuellement, le renchérissement du prix des sources d’énergie sert à renflouer les caisses de l’Etat, indirectement par l’encaissement valorisé des taxes, ou directement par l’accaparement intégral des profits du fait de la monopolisation de certains secteurs économiques névralgiques, à l’instar de l’entreprise EDF, détenue majoritairement par l’Etat français.
Pourquoi l’inflation a-t-elle éclaté de façon si agressive maintenant en France ? Précisément pour soutenir les dépenses improductives et militaires en constante expansion, l’Etat doit augmenter ses recettes. Or, en période de crise économique aiguë marquée par l’accroissement exponentiel des dépenses, impossible de taxer lourdement les entreprises déjà étranglées par l’amenuisement de leurs marchés et, donc, de leurs profits, sans les précipiter dans la faillite (quoique certains secteurs économiques obsolètes sont délibérément précipités vers la ruine).
De surcroît, Macron, placé au pouvoir par les puissants, ne s’avisera pas à appliquer une politique fiscale défavorable aux intérêts de ses amis et alliés, les patrons et financiers. Aussi l’inflation, payée par l’ensemble des ménages français, cette taxe inflationniste, représente la seule planche de salut permettant à l’Etat d’accroître son budget. Preuve : grâce à l’inflation, le gouvernement Macron aura en 2022 engrangé, ou plutôt racketté, 87 milliards de recettes fiscales supplémentaires aux ménages pour financer ses préparatifs de guerre et les dépenses improductives, mobilisées pour entretenir un système capitaliste condamné pourtant par l’Histoire. Un racket fiscal amplifié en 2023 et 2024.
Qui plus est, l’inflation permet d’alléger le poids de la dette. Grâce à l’inflation, la dette contractée tend à valoir moins chère. L’inflation a donc, également, le pouvoir de réduire la dette. Elle profite à l’Etat. En France, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la très forte inflation, oscillant autour de 30%, aurait favorisé la résorption de la dette publique rapportée au PIB. En effet, de 1944 à 1952, c’est-à-dire en moins de 8 ans, la dette publique est passée de 280% du PIB à moins de 35%.
Aujourd’hui, le gouvernement Macron escompte renouveler l’opération d’apurement de la dette publique par l’inflation. La dette publique française actuelle, fixée en euros, s’établit à 3 200 milliards d’euros, soit 114,5% du PIB. Si on la divise par le PIB dont la valeur ne cesse d’augmenter, le rapport dette/PIB aura diminué. Par conséquent, il devient plus aisé de rembourser cette dette qui, elle, n’a pas bougé. Assurément, l’inflation permet d’alléger le poids de la dette de la France.
Une chose est certaine, l’inflation est favorable aux finances publiques, c’est-à-dire à l’Etat des riches. Effectivement, la hausse des prix des biens à la consommation entraîne mécaniquement un relèvement des recettes de la TVA. De même, une hausse des salaires (soutenue par tous les gouvernants et puissants occidentaux, et pour cause), notamment dans les secteurs de pointe, élève mécaniquement les cotisations sociales versées. La hausse des salaires, défendue par les grandes entreprises et le gouvernement Macron, vise à procéder à l’écrémage des entreprises, autrement dit à l’élimination de certains secteurs obsolètes, voués à disparaître du fait de leur impossibilité à augmenter les salaires de leurs employés, à soutenir la concurrence, comme on le constate dans le secteur artisanal en France, notamment dans les secteurs de la boulangerie, de la restauration, confrontés à une mortelle augmentation de leurs factures énergétiques.
De même, en période de récession, caractérisée par la baisse des échanges commerciaux et la contraction de la consommation des ménages, les deux seuls ultimes moyens employés par les entreprises pour assurer, sinon la hausse, au moins le maintien de leurs profits, ce sont le gonflement des prix et la compression salariale.
En vérité, comme on a l’a démontré ci-dessus, l’inflation actuelle ne constitue pas une anomalie inexpliquée ou un accident fortuit ; elle est constitutive du mode de production capitaliste contemporain confronté à une crise économique inextricable, doublée d’une militarisation de l’économie et de la société, extrêmement budgétivore.
Pour autant, pour tout pays capitaliste en crise, notamment à l’ère de l’impérialisme, il n’y a que deux solutions possibles : déclencher une guerre, car un Etat en guerre n’est pas en mesure de rembourser sa dette, ou/et déclencher l’hyperinflation, faisant baisser mécaniquement la dette.
Actuellement, en France, en particulier, et en Occident, en général, l’inflation constitue la seule planche de salut économique du capital en déclin. Plus la crise s’aggrave, objectivée actuellement par la baisse de la consommation relevée dans l’ensemble des pays occidentaux, plus les entreprises renchérissent leurs prix pour sauvegarder leurs niveaux de profits. Or, plus les prix augmentent, plus les ménages réduisent leur consommation, aggravant corrélativement la crise, aboutissant elle-même à la phase de récession, puis de dépression économique. Ce phénomène économique est désigné sous le vocable de stagflation (concomitance d’une hausse des prix et d’un ralentissement de l’activité, et également de la hausse du chômage).
Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), «le ralentissement de l’activité économique mondiale affecte toutes les régions mais est particulièrement alarmant pour les pays en développement», c’est-à-dire les pays occidentaux, notamment la France. Ce constat, tout un chacun peut le constater : les pays occidentaux sont entrés dans la phase de récession économique, voire d’implosion, c’est-à-dire de déclassement économique et d’instabilité institutionnelle. Voire d’ingouvernabilité. Vecteur de fascisation.
A l’instar de la guerre, depuis plusieurs décennies, qualifiée comme un vestige du passé, disparue définitivement du paysage européen, l’inflation fut également, durant plusieurs décennies, déclarée définitivement vaincue, reléguée au musée de l’Histoire. Or, comme on le constate actuellement, la guerre et l’inflation, tels des spectres, hantent de nouveau les pays développés occidentaux, en particulier la France.
Au vrai, la guerre est la véritable génitrice de l’inflation. En période de guerre, de même qu’on assiste à l’inflation incontrôlée de la violence meurtrière, de même on assiste à l’inflation effrénée, économiquement destructrice, des prix. Autrement dit, en période de guerre, le prolétariat est condamné à payer et l’impôt de la consommation et l’impôt du sang.
L’inflation n’est pas d’abord un phénomène monétaire ou économique, mais il s’agit d’emblée d’une problématique politique, c’est-à-dire étatique. Voire militaire car l’inflation surgit surtout en période de militarisme, d’économie de guerre, sur fond de récession, comme notre époque actuelle l’illustre.
L’inflation, c’est-à-dire l’augmentation des taxes spoliatrices, cet impôt déguisé, illégal et illégitime – cause de la paupérisation absolue de plusieurs millions de personnes, provoquée par la baisse de leur revenu général et le pillage de leur épargne –, constitue un véritable vol. Il augmente ainsi la valeur du surtravail exproprié par le capitaliste. Et les vrais responsables de l’inflation sont, au niveau de l’entreprise, les patrons des groupes monopolistiques, et au niveau national, l’Etat, c’est-à-dire le gouvernement.
Aujourd’hui, en France les travailleurs subissent une double extorsion. Au sein de l’entreprise, par le vol de la plus-value commis par le patronat (la plus-value, cette partie de la valeur totale de la marchandise où est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier : le profit). Au sein de la «société civile», dans la vie, par le vol de leur pouvoir d’achat plombé par l’inflation captatrice orchestré par l’Etat. Autrement dit, et le patronat et le gouvernement Macron, déterminés à accentuer leurs attaques antisociales afin de financer l’accroissement des dépenses militaires et sauver le taux de profit moyen de l’économie capitaliste, sont les principaux ennemis de l’ensemble du prolétariat français.
K. M.
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