5 Octobre, Plan Bleu, Khashoggi : les barbouzeries de la France à l’étranger
Une contribution d’Abdelkader Benbrik – Aucun pays au monde ne s’est dérobé du terrorisme d’Etat. Les pays les plus démocratiques ont eu recours dans leur parcours à cette pratique. La France des années soixante et quatre-vingt est concernée. Ce terrorisme est appelé parfois mercenariat.
La France s’est servie des services d’un extra spécialiste en terrorisme, appelé Bob Denard, un aventurier qui a guerroyé dans plusieurs pays africains. Sa carrière remonte aux années cinquante. Matelot de seconde classe, il s’engage volontaire. Il est envoyé en Indochine puis en Algérie, comme quartier maître de commando. Il sera grièvement blessé par les fellagas et reviendra avec une jambe raide.
Sa carrière de mercenaire commence dans les années 1960-72, avec la période convulsive de la décolonisation et de la croisade anticommuniste en Afrique : du Katanga au Biafra, du Yémen au Tchad, il est l’homme de main des services français et de Jacques Foccart, le maître d’œuvre de la politique postcoloniale gaulliste. Celle qui octroie l’indépendance aux anciennes colonies pour mieux les ferrer ensuite à force de corruption, de coups tordus armés et de dépendance économique.
C’est sur la demande de la France que le mercenaire Bob Denard intervient pour la première fois aux Comores, fraîchement indépendantes, le 5 septembre 1975. Il agresse et arrête le président Ahmed Abdallah qui était mal vu par l’Elysée et le remplace par Ali Soilihi, mieux perçu par la France et serviteur de longue date.
En 1977, il échoue dans une tentative de renverser le chef d’Etat du Bénin. Bob Denard retourne aux Comores avec 43 mercenaires avec instructions de faire renverser le président Soilihi, tombé en disgrâce auprès de la France. Sa résistance lui coûta la vie dans ce putsch. Bob Denard applique les instructions de réinstaller l’ex-président Ahmed Abdellah dans ses fonctions de chef d’Etat du Comores en 1978.
Bob Denard et ses acolytes demeurent aux Comores, il organisera la garde présidentielle avec 600 Comoriens encadrés par une dizaine de mercenaires. Bob Denard devient l’homme fort dans les Comores avec une petite armée à lui fortement entraînée pour faire régner son autorité qui était cautionnée par le gouvernement valet de cet archipel. Profitant de sa position, il développe ses propres intérêts commerciaux, avec sa mise à la disposition du pouvoir occulte à Paris pour exécuter d’éventuelles opérations et missions délicates en Afrique. A cette époque, tous les frais d’entretien de son armée sont pris en charge par l’Afrique du Sud. L’Etat de l’apartheid se sert des Comores, situées entre la côte du Mozambique et le Madagascar, pour contourner l’embargo international auquel il est soumis ou comme base logistique dans ses opérations militaires contre les pays africains qui lui sont hostiles : le Mozambique et l’Angola. A la vue de beaucoup d’Etats dans le monde, Bob Denard n’est qu’un terroriste dont les services français l’utilisaient pour leurs besoins. Bob Denard, pour tromper la population comorienne, fait une fausse concession à ses sujets. Il s’est converti à l’islam, et se fait appeler Mustapha Madjoub. Mais son trône était désormais menacé.
En 1989, un changement est opéré aux Comores. Saïd Mohamed Djohar devient le nouveau président comorien jusqu’en septembre1995, quand il se fait renverser par une expédition d’une trentaine d’hommes armés menés par… Bob Denard ! Ce dernier, une fois la mission terminée, sera ensuite rapatrié vers la métropole par les services français. Mohamed Taki, adoubé par Paris, accède à la présidence comorienne. Ce sera Eric Denard, fils de Bob, qui aura la tâche d’administrer le patrimoine familial aux Comores. Le père se contentant, en théorie, de soigner ses vignes dans le Médoc.
A partir de 1981, Bob Denard n’est outre qu’un super terroriste. L’Elysée prend ses distances avec lui, et la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris réactive même, en 1987, une vielle plainte pour association de malfaiteurs (terroristes) qui avait été déposée contre lui après l’affaire du Bénin. Bob Denard se choisit alors un nouveau patron, l’Afrique du Sud.
Les Comores intéressent Pretoria. C’est une base qui lui permet d’intervenir au Mozambique, une piste d’atterrissage pour les avions chargés d’armes à destination de l’Iran. C’est désormais Pretoria qui règle la solde de la garde présidentielle : 12 millions de francs. Bob Denard devine la montée des périls.
Il abandonne – au moins officiellement – le commandement de la garde. On ne le voit presque plus au camp d’entraînement de Kandany. Il se retire dans sa ferme modèle de 300 hectares qu’il développe grâce à des capitaux sud-africains ou dans son bungalow de la plage du «Ghar Errassoul» (le refuge du prophète). Il se consacre à la Sogecom, une société de gardiennage qu’il a créée, et qui travaille pour le complexe hôtelier Galawa, édifié par la société sud-africaine Sun International, qui possède beaucoup d’intérêts dans l’océan Indien. Ce soldat perdu a des biens au soleil.
Il a oublié que le repos du guerrier, ça n’existe pas. En 1987, il affronte une mutinerie de la garde présidentielle. Il se retrouve dans la situation d’Alexandre. Il est abandonné par ses vieux compagnons fatigués, qui veulent rentrer au pays, fortune faite. Il réprime très durement le complot, jusqu’à utiliser la torture. Il recrute de nouveaux officiers, plus jeunes, plus ambitieux. Mais le règne de la Garde républicaine sur les Comores touche à sa fin.
Bob Denard sera lâché par son patron sud-africain. L’Afrique du Sud s’est désengagée en Namibie. Elle voudrait avoir l’air respectable. Elle se fait un nouveau look. Les «affreux» ne sont plus présentables. Ahmed Abdallah en profite pour secouer le joug de ses prétoriens européens qu’il considère depuis longtemps comme supers terroristes. La France lance une nouvelle offensive contre Bob Denard. Le capitaine Barril aurait été envoyé aux Comores pour régler le problème de la Garde républicaine. Dans son rapport, il aurait préconisé l’intégration de la Garde dans les forces régulières. Bob Denard a pris les devants en assassinant Ahmed Abdallah.
Bob Denard fût arrêté d’une arrestation déguisée, puis libéré. Il sera l’invité de TF1 où il déclarera qu’il était chargé de mission par l’Elysée… L’assassinat du journaliste saoudien Jamel Kashoggi, au consulat saoudien à Istanbul est une vielle pratique déjà instrumentalisée par la France. De vrais actes de terrorisme d’Etat.
Les ordres d’assassinat des opposants à la guerre en Algérie
Daté du 1er août 1958 et annoté de la main de Foccart, un document non seulement livre les détails d’une condamnation à mort «d’un sujet allemand (…) dont l’action jugée négative aux intérêts français en Algérie, mais donne également les identités de la cible et de tous ceux ayant concouru au feu vert donné à son élimination physique. La lecture de cette pièce offre, enfin, une connaissance du processus d’autorisation qui fait intervenir les plus hautes autorités de la France et pose, même soixante ans plus tard, la question de la responsabilité d’un Etat.
«Le traiter discrètement par toxique indétectable.» L’histoire de cet homme et les raisons qui ont conduit la France à vouloir le tuer. Cette plongée permet de découvrir un épisode méconnu de la guerre d’Algérie : l’action d’un réseau germanophone de soutien aux indépendantistes algériens, qui a organisé la désertion de plus de 4 000 légionnaires, via Tétouan, au Maroc. Elle lève aussi le voile sur une guerre secrète qui a opposé la France et l’Allemagne de l’Ouest (la RFA), sur fond de fin de l’empire colonial français, alors qu’au grand jour ces deux pays unissaient leurs voix pour bâtir une Europe pacifique après deux conflits mondiaux meurtriers. Intitulée «Fiche relative à la désignation d’un objectif», la note est directement adressée par le service action du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) à Jacques Foccart, qui est, à Matignon, conseiller technique du général de Gaulle – président du conseil pendant six mois avant de faire entrer la France dans la Ve République et de s’installer à l’Elysée. «Schulz-Lesum, sujet allemand, résidant à Tétouan, dit la note, est le chef d’une organisation de désertion de légionnaires français. (…) A la suite d’une mission de reconnaissance, un contact commercial a été établi avec Schulz-Lesum. Ce contact entretenu par correspondance doit nous permettre d’attirer l’objectif dans un lieu favorable au Maroc et de le traiter discrètement par toxique indétectable et à effet différé.»
On se rappelle aussi du terroriste sanguinaire français au service de l’Elysée, Bob Denard, qui a assassiné le président Abdellah de Somalie en 1993. Les télévisions françaises nous ont montré son extradition d’Afrique du Sud où il s’était réfugié et son incarcération en France. Mais quelques jours seulement après cet épisode et au journal de 20 heures, Bob Denard est apparu sur le plateau de TF1 pour apprendre aux téléspectateurs français que le juge l’avait libéré aussitôt parce qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres : «Je ne me suis jamais considéré comme un soldat perdu. Je n’ai jamais cessé de rendre compte à mes supérieurs de mes activités et tout ce que j’ai fait a été conforme aux intérêts de mon pays, la France, que j’ai servie du mieux que je pouvais…», a affirmé sereinement Bob Denard.
Ce faisant, ce bien triste personnage a confirmé devant les téléspectateurs du monde qui captent TF1 à cette époque que les nombreux coups d’Etat et les tueries qui ont accompagné ceux-ci ont été perpétrés en Afrique sur instruction des autorités françaises et que des officiers de l’armée française y ont pris part sur place. Les responsables de la chaîne TF1 ont réalisé là un «scoop», au Journal de 20 heures, le plus écouté en France, sur le plan de l’information, ce fut bien entendu une bonne affaire qui a dû conforter l’audience de cette chaîne. Mais sur le plan politique, l’évènement a dû provoquer une tempête à l’Elysée et au Premier ministre. Imaginez l’impact des aveux du terroriste Bob Denard au niveau des ambassades africaines à Paris, à celui des autres grandes puissances qui ont été évincées par ces mêmes coups d’Etat. Imaginez ce que peuvent en penser la grande masse naïve des simples citoyens africains.
En serait-il autrement en France, pays de la démocratie ? Le ministre français de l’intérieur à cette époque Charles Pasqua disait, pendant l’affaire Tanase, en 1982 : «La démocratie s’arrête là où l’intérêt de l’Etat commence.» Voilà un homme politique responsable, c’est-à-dire qui fait prévaloir l’intérêt de son pays sur tout le reste ? Mais au fait, qu’était-ce cette affaire Tanase ?
Il s’agissait de l’écrivain roumain Virgil Tanase, 36 ans à l’époque, naturalisé français en 1979, qui disparut du jour au lendemain. La presse, informée aussitôt, s’empara du sujet. Personne ne prit à la légère le terrible réquisitoire écrit contre Ceausescu, alors président de la Roumanie, par cet écrivain dans la revue mensuelle française Actuel, juste avant son enlèvement. C’est donc tout naturellement que l’opinion publique en France incrimina la Sécurité militaire roumaine Sécuritat. Contrairement à Mecili André Ali, l’avocat français d’origine algérienne qui fut tué sur le coup, par accident de voiture, Virgil Tanase a disparu et sa réapparition est une hypothèse.
Que diable pouvait penser la présidence française de cet enlèvement ? Tanase avait été fabriqué par les Services secrets français en tant qu’écrivain d’abord en tant qu’opposant ensuite. N’était-ce pas là un grave affront à la France ? Le 9 juin 1982, au cours d’une conférence de presse, le président François Mitterrand répond à l’attente du public français et déclare : «S’il était démontré, hypothèse tragique, que M. Tanase a disparu pour ne pas réapparaître, cela entamerait sérieusement la nature des relations entre la Roumanie et la France.»
Jean Guisnel et Bernard Violet, dans leur ouvrage consacré aux services spéciaux français écrivent à propos de cette déclaration : «La menace est claire (celle de Mitterrand), le ton est juste mais il est pourtant celui d’un comédien hors pair puisque le Président sait depuis plus de quinze jours que l’écrivain roumain est non seulement vivant mais qu’il a été enlevé par ses propres services du contre-espionnage.»
Le 8 juillet 1982, deux mois après cette mise en scène, le juge d’instruction chargé de l’affaire, Jean-Louis Debré, appuie officiellement que c’était le contre-espionnage qui avait monté cette opération destinée à faire plier le régime roumain. Bien sûr, cet épilogue ne pouvait intéresser la presse française. Le rôle de celle-ci se limitait à faire du «tapage» pour désinformer l’opinion publique française. Les Roumains et, bien entendu, les «forces démocratiques» qui préfèrent la vérité à la raison d’Etat.
La comédie jouée à la télévision par le président français dérogeait-elle aux principes moraux dont se prévaut la France dans la conduite de ses relations internationales ? Voici quelques autres exemples qui peuvent aider le lecteur à faire une opinion.
Au début de l’année 1991, un capitaine et un adjudant français perdirent la vie dans un banal accident d’avion. Mais celui-ci survint… au Soudan et l’avion était chargé d’armes destinées au maquis du rebelle tchadien Hissane Habré qui s’apprêtait à lancer une offensive contre le gouvernement légal du président tchadien, Goukouni Ouedeï. Hissane Habré avait bien assassiné quelques années plus tôt un officier français, le commandant Galopin, mais la raison d’Etat recommandait d’«oublier» ce détail. Le problème est alors, au moment de cet évènement, que la France soutenait officiellement Goukouni Ouedeï. Tout en aidant celui-ci à mener la guerre contre la Libye, la France armait ses opposants en leur livrant des armes via le Soudan, faisant fi de l’accord de défense qui liait la France au Tchad. Quelques mois plus tard, en novembre, et grâce à l’aide de la France, Hissane Habré prenait le pouvoir à N’Djamena et aussitôt les autres opposants de celui-ci entrèrent dans les grâces des services spéciaux français.
Le lecteur ordinaire pourrait s’offusquer de cette curieuse politique africaine de la France : apportons-lui un éclairage supplémentaire en lui rappelant qu’en 1981 au moment de ces événements, la CIA, la Centrale du renseignement américain, balançait sur le même Hissane Habré des centaines de millions de dollars pour l’aider à faire la guerre à la Libye ; plus tard, las de voir Kadhafi survivre à toutes les opérations secrètes, les Etats-Unis entreront en scène officiellement avec leurs porte-avions et leurs missiles.
Une autre affaire «peut édifier» le lecteur. En février 1983, le lieutenant-colonel français Nut Bernard (NUT), des services spéciaux, fut découvert mort, une balle dans la tête, près de Nice. Le juge d’instruction commis pour l’enquête fut rabroué par cet argument-massue «Secret défense». Juste après le meurtre en France d’Henri Curiel, un militant révolutionnaire juif d’origine égyptienne, les trois juges commis pour cette enquête mirent la main sur un rapport explosif. Celui-ci relatait les discussions téléphoniques de plusieurs ministres… français en poste au moment de l’assassinat de Curiel.
Voici une autre affaire plus explicite encore, celle qui survint en Espagne, en mai 1986, lorsque le journal Cambir 16 apprit à ses lecteurs que les services français utilisaient depuis plusieurs mois une organisation terroriste moyen-orientale baptisée «L’Appel de Jésus». Le groupe terroriste s’apprêtait à commettre un attentat dans les locaux madrilènes… d’Air France. L’enquête qui mit dans l’embarras les capitales espagnole et française allait révéler qu’il s’agissait en fait d’un montage du contre-espionnage français destiné à provoquer l’expulsion de France de diplomates libyens. Les trois terroristes arrêtés par les Espagnols étaient en fait de vulgaires terroristes payés à la commande. Il en est beaucoup, de ce genre, qui furent broyés pour de fumeuses opérations destinées à déstabiliser des gouvernements «amis».
En 1986, par exemple le président français Mitterrand ordonna d’entraîner en France une unité spécialisée dans les armes modernes, en particulier les lance-roquettes, et d’envoyer ces «combattants de la liberté» se battre en Afghanistan. La France puisait alors dans les stocks égyptiens pour fournir aux moudjahidine afghans des armes vers le Pakistan et Peshawar.
Le 7 juillet 1988, l’agence soviétique Tass annonçait que «des conseillers militaires français de la résistance avaient été tués lors d’un accrochage avec des moudjahidin». Bien sûr, le ministère français des Affaires étrangères protesta contre ces accusations. Il avait bien raison. Les services spéciaux avaient mis au point l’«aide de la France».
Le même président François Mitterrand fit cette confidence à l’un de ses invités. Cela s’est passé en décembre 1988, à l’Elysée, au cours d’un dîner offert dans le cadre des traditionnelles réceptions de Noël. On en était au dessert lorsque le maître de l’Elysée, qui avait l’esprit accroché au problème de l’indemnisation des pieds-noirs, se pencha vers son invité de gauche et lui chuchota à l’oreille : «Vous verrez, mon ami, je vous rendrai l’Algérie sans débourser un sou.» L’homme auquel venait de s’adresser le président français fut stupéfait d’entendre cette promesse car il n’était pas un pied-noir, il n’avait pas fait la guerre d’Algérie et ne s’était jamais mêlé, ni de près ni de loin, aux «affaires algériennes». Cette «confidence» se fit en décembre 1988, c’est-à-dire trois mois après les violentes émeutes qui ont ébranlé l’Algérie le 5 octobre 1988.
L’un des spectateurs de ces émeutes placé en seconde loge allait être abattu au début de l’année 1993, en France, Jacques Roseau, enfant d’Alger, fer de lance des jeunes pieds-noirs pendant les dernières années de la guerre d’Algérie, fut abattu à bout portant par un autre pied-noir, un ancien activiste de l’OAS, qui appartient à une association qui se déclare «pieds-noirs» repliés. «REPLIES»… une autre association qui a organisé de 1986 à 1990 plusieurs séjours en Algérie de quelques centaines de pieds-noirs, écrivait en juin 1992 dans un communiqué de presse : «Les 350 pieds-noirs venus à Oran (Algérie) témoignent que l’accueil qui nous fut réservé à travers la ville était chaleureux, fraternel, aussi bien du côté officiel – mairie, préfecture – que de la presse, responsables privés et la population dans son ensemble – avec un gala sportif et folklorique. Les 30 à 40 enfants de «chouhada» (martyrs), qui auraient protesté contre notre visite, n’étaient que des désœuvrés payés par le FLN ; un FLN en pleine implosion qui n’hésite pas à employer tous les moyens pour garder le pouvoir ou redorer son blason en tentant de réveiller les souvenirs les plus douloureux relatifs à la Guerre d’Algérie.
Quelques mois après l’Algérie pénétrait dans une décennie noire et le même président français François Mitterrand, l’ancien ministre de l’Intérieur et de la Justice durant les années cinquante, qui a lancé sa phrase : «Le dernier quart d’heure des fellagas», prendra position en faveur des terroristes, alors qu’au paravent il avait cautionné le «Plan Bleu», un plan qui visait la déstabilisation de l’Algérie.
C’est le «Plan Bleu» qui rassemble tous les dénominateurs communs qui les explique. De quoi s’agit-il au fait ? Refaire absolument tout ce qui fait aujourd’hui l’Algérie par le biais de l’économique : refaire les villes, les routes, les forêts, les usines, le logement, les universités, les lycées, leurs programmes, refaire les loisirs, le cinéma, les livres, refaire les Algériens en un mot, pour produire un Algérien conforme à l’esprit de la Révolution française de 1789, un Algérien qui se façonne de la sorte sera semblable au juif qui a été réhabilité en 1793. Mais celui-ci n’a pas pour autant renoncé à ses valeurs. Le «Plan Bleu» ne concerne pas seulement l’Algérie. C’est tout le pourtour méditerranéen qui délimite son champ d’action mais, curieusement, il n’y a que l’Algérie qui en reçoive une application directe. En 1987, dans une antichambre du palais de l’Elysée, lorsque «le Plan Bleu» est sorti des presses de l’éditeur, un haut fonctionnaire français a posé cette question ô combien importante : «Comment vont-ils lire cela ?» Son vis-à-vis répondit : «Ils ne liront pas. Les banques que nous gérons en Espagne (Barcelone) et en Tunisie assurent la canalisation des regards vers les voisins. N’ayez crainte, le dossier est crédible. Les risques se situent au niveau des contours, du discours culturel.»
A. B.
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