L’Algérie saisie par la Tebbounemania ou victime de Tebbounemédia ?

Tebboune Tebbounemania
Le président de la République. D. R.

Une contribution de Khider Mesloub – Dans une précédente chronique consacrée à «l’Etat d’esprit politique» de l’Algérie, je posais la question suivante : l’Algérie serait-elle saisie par la «Tebbounemania» ?

En effet, à observer le déroulement de la campagne électorale, on se croyait revenu à l’ère de Bouteflika, l’époque où le culte de la personnalité le disputait à la culture de l’aliénation politique, cette apathie militante, gage de survie pour tout pouvoir en sursis.

Voici ce que j’écrivais.

«La Tebbounemania submerge les médias et confine à l’idolâtrie.

A son cœur défendant, sans cautionner ce rite de l’idolâtrie présidentielle, le président Tebboune assiste, médusé, à l’édification du culte de sa personnalité, échafaudé par sa garde prétorienne institutionnelle, issue majoritairement de l’ancien système, formée à l’école bouteflikienne.

Or, avec sa débonnaireté et aménité légendaires, Abdelmadjid Tebboune, à la personnalité discrète, n’aspire, au fond de lui, qu’à gouverner dans la discrétion présidentielle et dans la sobriété médiatique.

Ainsi, âami Tebboune se retrouve, malgré lui, embarqué dans ce mode de gouvernance fondé sur l’idolâtrie, le culte de la personnalité, combiné par des conseillers prisonniers de l’ancien système et par des médias zélés à la déontologie fêlée.

Pour rappel, le culte de la personnalité est l’adulation excessive d’un chef d’Etat dans un régime. Un régime associé, d’ordinaire, à un Etat totalitaire. Un régime saturé d’objets à l’effigie du guide suprême, d’affiches à sa gloire.

Donc, ce n’est pas rendre service au président Tebboune que d’asseoir sa gouvernance sur le culte de la personnalité. Que de cultiver la Tebbounemania. D’élever le débonnaire âami Tebboune au rang de dieu vivant. C’est commettre un sacrilège.

Le culte de la personnalité construit une image idéalisée et héroïque d’un chef d’Etat. Un chef d’Etat vénéré, hissé au-dessus du peuple, duquel dépendrait, supposément, exclusivement le destin du pays, le progrès de la nation.

Le culte de la personnalité érige le Président en unique dépositaire et défenseur des institutions du pays, en centre d’intérêt de la nation. Et son autorité est souvent associée à un mandat divin. A ce titre, en personnage d’Etat vénéré, considéré comme le père de la nation, il peut par conséquent exiger une loyauté personnelle de son peuple.

Ce culte de la personnalité poussé à l’extrême, cette idolâtrie bigote, va à l’encontre des enseignements coraniques, de l’islam. Une chose est sûre, la culture du culte de la personnalité impacte considérablement la construction de l’identité citoyenne et nationale. Elle fabrique des automates. Pis. Elle favorise des comportements indignes : courbettes, basses flatteries, éloges, prosternations.

Par ailleurs, si une personnalité étatique, en l’espèce un Président, est plus importante que la nation, sa parole le devient aussi. Ce Président devient le seul dépositaire de la vérité. L’unique légitime et éternel gouvernant. Sa gouvernance se confond avec sa personnalité vénérée. Et sa personnalité vénérée se fond dans sa gouvernance. Avec la tentative de résurrection du culte de la personnalité en Algérie, le pays court à sa déperdition nationale.

Ces temps-ci, à l’ère de la Tebbounemania, la foi en l’Algérie n’est plus construite sur la culture rémanente du patriotisme, mais sur le culte éphémère de la personnalité accolé à Tebboune. Non sur l’amour du peuple algérien, mais la vénération du seul Président déifié.

Au lieu d’accorder leur confiance aux institutions incarnées par l’ensemble des élus et représentants, les Algériens la réserveront uniquement à la personnalité présidentielle divinisée.

Le pays se met ainsi dans une position périlleuse car toute sa légitimité institutionnelle et nationale repose exclusivement sur la personnalité du Président à la gouvernance associée à un mandat divin.

Au final, l’adulation du Président, au lieu de fortifier la foi de l’Algérie, risque d’entraîner une anémie patriotique. Le pays ne sortira pas grandi de cette idolâtrie.»

C’est ce que j’écrivais à la veille des élections présidentielles.

Tout compte fait, au vu des résultats de l’élection présidentielle marquée par une faible participation des Algériens au processus électoral, je m’étais trompé de diagnostic. J’ai été victime de mes lectures et visionnages biaisés des informations propagées par certains médias plus enclins à œuvrer à la fabrication du culte de la personnalité du président Tebboune qu’à contribuer au redressement du pays et à l’élévation de l’Algérie. Plus attachés à enjoliver la stature présidentielle qu’à améliorer le statut social des prolétaires algériens. Au vrai, l’Algérie n’est pas saisie de Tebbounemania. Mais de Tebbounemédia.

La Tebbounemédia, c’est cette fabrication de l’image du Président hissé au rang de dieu vivant par certains médias, au travers d’un traitement panégyrique de l’information entièrement focalisée sur la présidence. A notre époque, les liens entre argent et médias sont notoires. Comme les liens entre médias et politique sont proverbiaux. L’emprise des médias vise à asseoir l’empire de la classe dominante. Et l’empire de toute classe dominante vise à s’assurer l’emprise des médias.

Sous contrôle des puissants ou de l’Etat, le pouvoir des médias de masse (télévision, la presse et la radio) n’est plus à démontrer. Notamment son pouvoir de conditionnement des esprits, d’imposition de la parole étatique. D’aucuns diraient de manipulation de l’opinion publique. Et l’influence des médias sur les élections et les électeurs n’est plus, non plus, à démontrer.

Cependant, l’étatisation ou le contrôle étatique de l’information donne une supériorité énorme à la propagande gouvernementale. Dans la majorité de pays, notamment les pays où les médias sont étroitement contrôlés et systémiquement censurés, le traitement médiatique relève d’une propagande persuasive visant à endoctriner la population, embrigader idéologiquement les lecteurs, promouvoir le pouvoir, magnifier les gouvernants, légitimer l’ordre établi.

En Algérie, depuis l’indépendance, une certaine presse a toujours contribué intentionnellement ou pas à asseoir et à intensifier le culte de la personnalité dans le pays. Notamment sous le règne de Bouteflika.

Alors que l’on pensait en avoir fini avec ces médias de l’époque bouteflikienne où dominaient articles laudatifs et reportages audiovisuels panégyriques diffusés à longueur de journée pour glorifier et magnifier le Président, la dernière campagne électorale présidentielle est venue nous rappeler qu’une certaine presse perpétue toujours ces pratiques d’un autre âge.

Aussi, je fais mon mea culpa. Ma perception était erronée. Cela a donné lieu à une erreur d’interprétation sociologique. J’ai été victime d’une illusion d’optique. J’ai été aveuglé par les projecteurs médiatiques qui tentaient de ressusciter le culte de la personnalité.

Mais, fort heureusement, en vain. La Tebbounemédia n’a pas su se transformer en Tebbounemania. Ce qui est une bonne chose, pour les raisons évoquées plus haut. Car ce n’est pas rendre service au président Tebboune que d’asseoir sa gouvernance sur le culte de la personnalité. L’idolâtrie. D’élever le débonnaire âami Tebboune au rang de dieu vivant. C’est commettre un sacrilège. C’est, surtout, aller à l’encontre des enseignements coraniques, de l’islam. De la modernité.

En tout cas, l’Algérie n’est pas saisie de Tebbounemania, mais de Tebbounemédia. Fort heureusement, le peuple algérien a prouvé, lors des élections présidentielles, qu’il n’a pas succombé à la Tebbounemédia. Encore moins à la Tebbounemania, ce culte de la personnalité que certains médias ont tenté de ressusciter, d’imposer à la nation.

K. M.

Comment (15)

    DZ31
    14 septembre 2024 - 10 h 30 min

    Il faut réformer les mentalités et procéder à une refonte totale de ce système hérité d’une époque complètement révolue.
    Certains de par leurs incompétences,leur médiocrité et leur irresponsabilité ne font que nuire à l’image du pays et à celle de son président.

    Le Chat Botté
    14 septembre 2024 - 1 h 13 min

    إلقاب منصب في غير موضعها كالهر يصول صولة الآسد
    Ne dit-on pas que le gouvernement est le miroire du peuple.
    Donc il faut définir le peuple avant et ensuite on pourait parler du gouvernement.

    Alif
    13 septembre 2024 - 21 h 38 min

    Quand ceux qui tirent les ficelles n’assument pas le pouvoir : La pertinence de Ibn Khaldoun

    Dans les systèmes politiques modernes, il est fréquent de voir des groupes influents manipuler le pouvoir sans en assumer publiquement les responsabilités. Cette situation est analysée de manière particulièrement pertinente par Ibn Khaldoun dans sa *Muqaddima*.

    Ibn Khaldoun introduit le concept d’**asabiyya**, ou solidarité de groupe, pour comprendre la montée et le déclin des dynasties. Selon lui, un pouvoir stable repose sur une forte cohésion sociale et le soutien populaire. Lorsque des individus en coulisses manipulent le pouvoir sans légitimité officielle, ils sapent cette cohésion et affaiblissent la stabilité du régime. Les régimes fondés sur des manipulations secrètes, sans le soutien visible et officiel de la société, sont souvent fragiles et sujets à la déstabilisation.

    Contrairement à la perspective platonicienne, qui se concentre sur l’idéal de dirigeants sages et éclairés, la réflexion d’Ibn Khaldoun est d’une pertinence accrue dans le contexte contemporain. Il met en lumière les risques liés à une gestion opaque et l’importance d’une légitimité fondée sur la solidarité sociale et l’acceptation populaire. Les dynasties et régimes qui ne parviennent pas à maintenir cette solidarité risquent de s’effondrer lorsque les manipulations et les influences en coulisses deviennent apparentes.

    Ainsi, Ibn Khaldoun nous offre une analyse percutante de la fragilité des régimes politiques lorsque le pouvoir est exercé par ceux qui n’en assument pas les responsabilités de manière transparente. Sa perspective souligne l’importance d’une gouvernance visible et responsable pour assurer la stabilité et la justice dans un État.

    Algerien Pur Et Dur
    13 septembre 2024 - 18 h 04 min

    Le résultat annoncé par le comité de vote affaiblit le président Tebboune plutôt que de le renforcer, et sa réaction ne s’est pas faite attendre : colère visible et protestation signée aux côtés des deux autres candidats. Comme l’ont souligné plusieurs observateurs, les véritables ennemis ne sont pas seulement à nos frontières, mais aussi au cœur du pays, jusque dans les hautes sphères du pouvoir. Les tentatives pour perturber ce vote ont été nombreuses : mouvements suspects aux frontières, entrée d’armes illégales. Mais rien n’a fonctionné. Alors, ils ont joué leur dernière carte : actionner les ennemis de l’intérieur pour produire un résultat si flagrant qu’il pourrait miner l’autorité du président et jeter le doute sur sa légitimité à El Mouradia.

    Il est temps de mettre en lumière les membres de cette commission et leurs commanditaires pour identifier ceux qui œuvrent en coulisses. En interrogeant et en exposant ces acteurs, on pourrait dévoiler un réseau plus vaste de complices déterminés à ne pas lâcher prise.

    Quant à Tebboune, il est impératif de lui accorder le prochain mandat pour qu’il puisse achever son travail. Rappelons que son quinquennat précédent a été perturbé par la pandémie de COVID-19 et que sa propre infection l’a contraint à un long séjour en Allemagne, suivi d’une période de convalescence. Jugeons-le sur le bilan du prochain quinquennat, et espérons que les mauvais conseillers, y compris les ennemis de l’intérieur, ne le pousseront pas à briguer un troisième mandat, risquant ainsi de bafouer la constitution et ruiner sa réputation, comme l’a fait Bouteflika.

    Milane
    13 septembre 2024 - 17 h 38 min

    Les 20 ans de Bouteflikamania se sont terminées en bouteflikaphobie pour toujours et pour l’histoire.

    Matelot
    13 septembre 2024 - 16 h 48 min

    La vrai question c’est est ce qu ça va finir en Hirak ?? Connaissant le peuple Algerien ca m etonnerais pas

    dz
    13 septembre 2024 - 15 h 33 min

    le peuple algerien est mature et c est l entourage opportuniste qui venere le puissant du moment les parasites et les courtisants de tout poil ils veulent rejouer le cinema bouteflika l entourage on conserve le systeme ancien dommage l algerie n as pas besoin de ces vereux j ai l impression que tebboune est une sorte de marionnette malgre lui il faut une veritable purge dans le systeme seule solution comme ce charfi qui a gonfle les chiffres pour ridiculiser tebboune

    Tahya
    13 septembre 2024 - 15 h 14 min

    Tahya تحيى résume tout et depuis toujours 😀

    Où MK classe AP?
    13 septembre 2024 - 14 h 00 min

    En « Tebbounemania ou en Tebbounemédia »? Où en les deux?

    Merci de votre éclaircissement.

    Avec un humour cordiale.

    Abou Stroff
    13 septembre 2024 - 10 h 55 min

    « En tout cas, l’Algérie n’est pas saisie de Tebbounemania, mais de Tebbounemédia. Fort heureusement, le peuple algérien a prouvé, lors des élections présidentielles, qu’il n’a pas succombé à la Tebbounemédia. Encore moins à la Tebbounemania, ce culte de la personnalité que certains médias ont tenté de ressusciter, d’imposer à la nation. » conclut K. M..

    en effet, je pense qu’aussi bien les médias* que la « classe politique » algérienne ont été habitués à caresser dans le sens du poil le puissant du moment (celui ou ceux qui distribuent la rente) et ceci, depuis 1962.

    par conséquent ces médias et cette « classe politique » sont une partie intégrante du monde ancien qui ne veut pas mourir et qui constitue un frein à notre émancipation dans tous les domaines.

    ceci étant dit, il nous faut reconnaitre qu’à travers le fort taux d’abstention, le peuple algérien, dans sa grande majorité, a montré un haut de dégré de maturité et n’a pas succombé aux appels indécents et turpides des médias et de la « classe politique » à aller voter pour des élections totalement « fermées ».

    moralité de l ‘histoire: il n’y en a aucune, à part que, si Tebboune ne propose pas une odyssée (un projet de société qui nous délivrerait du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation) mais se contente de gérer le système rentier, il finira comme le fakhamatouhou déchu, dans les poubelles de l’histoire.

    wa el fahem yefhem.

    * quand on écoute les « péroraisons » des télés algériennes, quelles soient publiques ou privées, on ne peut que ressentir un profond dégoût vis à vis des laudateurs qui, toute honte bue, veulent,, à tout prix déïfier Tebboune.

    icialGte
    13 septembre 2024 - 10 h 07 min

    les deux ou un ou l autre qu es que ça change c est a juste mérite depuis 62 aucun régime n a tait autan pour l Algérie et pour son peuple et je ne crois pas et je ne vois pas comment , et ,que quelqu’un d autre peur faire mieux ,,,,,,,,,,,que les aboiement cessent

      Pouvez-vous traduire?
      13 septembre 2024 - 13 h 54 min

      Merci.

        icialG
        13 septembre 2024 - 23 h 03 min

        C EST déjà traduit

          Il faut changer de traducteur.
          14 septembre 2024 - 9 h 12 min

          Ouallah on ne comprend rien, même en devinette!

        Anonyme
        14 septembre 2024 - 11 h 42 min

        Un petit effort de votre part, je l ai bien compris perso perso,donc pour que ce soit un peu plus clair pour vous autres :
        Les deux ou l un ou l autre qu est ce que ça change ? C’est juste mérité car depuis 62 aucun régimes n a fait pour l’Algérie et son peuple . Je ne crois pas et ne voit pas comment quelq’un d autre peut faire mieux…. que les aboiements cessent. Voilà la lecture que j en fait en faisant un petit effort personnellement et sans vouloir se moquer de quique ce soit comme certains le font pour amuser certainement la galerie.? Ben oui un petit effort ça mangeait pas de pain ?

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