Guerre au Liban et cessez-le-feu : entre réalité et esbroufe
Une contribution d’Ali Akika – Et revoilà le retour à l’esbroufe qu’on a déjà entendu à Gaza, victoire totale, écraser la résistance, libérer les captifs et trouver des collabos pour gérer l’après-guerre. A nouveau donc l’esbroufe sur le Liban alors que les hôpitaux de Haïfa et Nahariya ont transformé leur sous-sol en hôpital pour se protéger des missiles de la résistance libanaise…
Et voilà aussi les appels au cessez-le-feu qui, à Gaza, peinent à dépasser le seuil du Conseil de sécurité de l’ONU. Sur le Liban, l’Occident et ses obligés féodaux du Golfe ont attendu que le feu risque de se répandre dans leurs maisons pour réclamer un cessez-le-feu. Les Etats-Unis, notamment, ont toujours opposé leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU quand il s’agissait de Gaza dont la population ne compte pas pour eux, sans doute les considèrent-ils comme des Amérindiens qu’ils ont massacrés allégrement et dont les survivants ont été parqués dans des réserves pour de futurs touristes. Ce point de l’histoire rappelé, essayons de cerner les raisons cachées des Etats-Unis dans l’annonce de ce cessez-le-feu. Rappelons aussi que les Américains ont déjoué les pièges d’Israël qui voulaient les entraîner dans une guerre contre l’Iran.
Ainsi, les Etats-Unis ont une équation difficile à résoudre, laisser et même aider leur protégé à détruire la résistance palestinienne et retenir l’aventure folle d’un Netanyahou de faire le même sale boulot au Liban. Il y a trop d’intérêts économiques, stratégiques et symboliques de l’Occident à travers la France pour commettre une pareille faute (c’est le mot de Macron) et perdre le Liban. Car l’histoire des agressions d’Israël est là pour confirmer que c’est Israël qui va perdre encore cette énième guerre contre la résistance libanaise. Les cerveaux reptiliens qui dirigent Israël pensent écraser cette résistance ou du moins inciter le peuple libanais à se débarrasser du Hezbollah. Comment atteindre un tel objectif avec une pareille «intelligence» d’un homme qui se prend pour Samson de la Bible alors qu’il n’est qu’un colosse aux pieds d’argile qui tient grâce à l’aide de son protecteur américain (1). Et ce dit protecteur ne veut pas de guerre au Liban qui ouvrirait la boîte de Pandore, c’est-à-dire la guerre avec l’Iran.
Les Américains si bien informés savent qu’Israël a joué son joker des «pipeurs» suivis d’une journée de bombardements sauvages se soldant avec plus de 500 morts libanais. Les cerveaux reptiliens ont pensé que la résistance allait capituler comme ils avaient espéré aussi que leur orgie à Gaza allait mettre KO les Palestiniens. Résultat des courses : au Liban, c’est Tel-Aviv, ville des lumières qui, dit-on, ne dort jamais et qui se retrouve ces jours-ci à l’étroit dans des abris. Quant à Haïfa, port d’entrée et de sortie du pays, les habitants ont déserté ses rues. Voilà qui nous mène à interroger la nature de la guerre que les ennemis pratiquent sur le terrain. Et c’est l’histoire et la nature du conflit qu’elle a engendrées qui ont déterminé les stratégies politiques et militaires mises en œuvre.
Une guerre d’invasion d’un pays ne peut être qu’une guerre d’attaque. Et celle-ci ne peut se limiter à des bombardements, si intenses et sauvages soient-ils, pour faire capituler l’ennemi. L’aviation est, certes, une arme stratégique mais n’est pas une arme qui emporte la décision finale, c’est-à-dire la victoire. Les sceptiques peuvent se rapporter à l’histoire de la seconde mondiale et du Vietnam. Aussi la conquête et l’occupation du territoire sont-elles du ressort de l’infanterie et Israël a connu l’amère défaite en 2006 quand ses soldats à terre se battaient à quelques mètres de leurs ennemis. Des ennemis qui sortent de nulle part et collant l‘envahisseur sont une règle de la guerre moderne pour interdire à l’aviation ou à l’artillerie de bombarder le champ de bataille où les hommes se battent presque au corps à corps. Voilà pourquoi Israël hésite depuis un an à entrer au Liban sans avoir un avion protecteur au-dessus de chaque groupe de soldats.
En l’absence d’une incapacité à manœuvrer avec une masse conséquente d’infanterie agissant dans des régions montagneuses où est enterré l’ennemi, l’espoir de gagner ou repousser la résistance libanaise pour que ses propres populations reviennent dans leurs maisons relève d’une chimère comme celle imaginée à Gaza, en noyant les tunnels ou en les bombardant. Au-delà des limites des tactiques et de la stratégie de l’agresseur, ce dernier a à faire à un peuple qui, fort de son unité, préfère mourir que d’abdiquer. Car une guerre de défense provoque l’instinct naturel de défendre les siens et son territoire, lieu de vie, de dignité et du refus de sortir de l’histoire en abandonnant sa terre. Hélas, ce fut le cas de beaucoup de peuples isolés à l’époque coloniale et impérialiste qui n’ont pas pu tous résister à l’énorme machine de guerre du monde industriel émergeant.
Mais revenons au cessez-le-feu proposé par les Etats-Unis et la France. Ces deux puissances qui espèrent en tirer des bénéfices politiques immédiats, en ramenant Netanyahou à la raison, pensent à leur statut de puissance pour protéger leurs intérêts dans une région où ils ne sont plus seuls à imposer leurs règles. Ce cessez-le-feu permettrait de découpler la solidarité entre les Palestiniens et les Libanais pour éviter à Israël de connaître une défaite malvenue pour leur allié et protégé. Ils préfèrent l’option diplomatique pour aider Netanyahou à faire revenir les populations du nord dans leurs maisons. Une option qui a peu de chance de se réaliser car ladite option veut réaliser la haute «philosophie» de la synthèse des contradictions, comme celles de l’eau et du feu. Fermons cette parenthèse de cessez-le-feu sans lendemain et voyons le piège de la guerre d’usure dans lequel est tombé Israël.
Rappelons que Nasrallah a le 7 octobre 2023 annoncé entre les lignes de son discours l’option de la guerre d’usure que les inénarrables «experts» avaient qualifié de parlotes. Le choix de la guerre d’usure, aussi bien par les Palestiniens que les Libanais, est le fruit d’une analyse des réalités de l’ennemi et de celles de mouvements de libération nationale. A l’évidence, dans le cas de la Palestine, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre le choix de la guerre d’usure. L’histoire de l’occupation de leur pays, la nature de ladite occupation, sa puissance et celle de ses alliés ne laissaient aux Palestiniens que le choix de l’art de la guerre populaire.
A contrario, Israël ne peut que choisir la guerre éclair, en s’appuyant sur la suprématie aérienne (2) et en évitant la guerre terrestre coûteuse en hommes et donc politiquement risquée. Aujourd’hui, Netanyahou joue à la fois aux habituelles guerres préventives contre le Hezbollah. Il a tenté de faire échouer la riposte du Hezbollah qui vengeait l’assassinat de Fouad Chokr. Après l’opération des ripeurs, son armée s’attaqua aux dirigeants militaires du Hezbollah et s’acharna sur les villes libanaises du sud pour les vider de leurs populations et les «échanger» dans une «négociation» contre ses populations du nord.
Ripeurs, assassinats de dirigeants, terreur et massacres civils pour se payer aussi une free zone qui éloignerait la menace «terroriste» de sa frontière nord. Toute cette fuite en avant et cette agitation hystérique dans une vaine tentative de rétablir un rapport de force en faveur d’Israël. Tous ces nombreux objectifs menés par une stratégie chaotique en offrant au monde pareil spectacle de folie meurtrière sous les regards de chefs d’Etats réunis à l’ONU, sont des signes qui ne trompent pas. La défaite d’Israël est au bout de l’agitation hystérique de son Premier ministre et qu’il est temps que le monde sache et comprenne que la fuite en avant de cet Etat ne peut effacer l’histoire de son installation en terre de Palestine. Il est grand temps aussi de réparer l’injustice dont est victime le peuple de cette terre qui veut vivre comme tout le monde : dans la paix.
A. A.
1) Pour les journaleux qui bassinent leurs lecteurs avec les calculs d’épicier en comparant le PIB de la Russie à celui de l’Espagne, sans penser que ce dernier n’aurait pas tenu un mois de guerre en Ukraine. Qu’ils aillent faire leurs calculs sue la provenance de la puissance militaire d’Israël qui touche un don de 3 milliards de dollars. Une somme qui paie la totalité de l’entretien de son armée dont le nombre avoisine les 150 000. Que ces journaleux fassent ce petit calcul et en tirent des leçons pour ne pas fatiguer l’opinion avec leurs insanités sur la résistance palestinienne et libanaise.
2) L’aviation est une arme stratégique mais nullement une arme qui remporte la décision, c’est-à-dire la victoire, but ultime de toute guerre.
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