Accord de 1968 : pourquoi l’Algérie doit couper l’herbe sous le pied de Barnier
Par Karim B. – La désignation au forceps du Premier ministre français, Michel Barnier, après de longues manœuvres dans les bureaux capitonnés de l’Elysée, a donné naissance à un gouvernement dont le discours est clairement emprunté au Rassemblement national de Marine Le Pen, appelé à la rescousse pour briser la dynamique victorieuse du mouvement d’extrême-gauche incarné par le tonitruant Jean-Luc Mélenchon. Le successeur du jeunot Gabriel Attal, nommé par Emmanuel Macron à Matignon pour des considérations extrapolitiques, a mis un point d’honneur à focaliser sa stratégie sur l’acharnement contre les Algériens, s’inscrivant en droite ligne dans la politique raciste de l’extrême-droite qui lui a permis de revenir aux affaires à l’âge de 74 ans.
Michel Barnier est donc à l’écoute de Xavier Driencourt, qui lui inspire l’idée de la fin de l’accord de 1968, censé avoir accordé des privilèges aux ressortissants algériens établis en France ou désirant s’y rendre. La classe politique française se sert de ce texte pour humilier l’Algérie et montrer nos compatriotes comme étant la source de tous les maux d’une France à la dérive. L’accord de 1968, brandi à chaque fois comme une menace, devient dès lors un argument fallacieux à éliminer non pas par la France, comme le rabâchent plusieurs personnalités politiques françaises de premier rang et les médias qui leur servent de porte-voix, mais par l’Algérie qui devra couper l’herbe sous le pied de Michel Barnier et son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Cela fait des années que l’envie de mettre fin à l’accord du 27 décembre 1968 pend à un Emmanuel Macron en déficit de légitimité, obligé de braconner sur le terrain de Marine Le Pen et Eric Zemmour pour glaner des voix. «Une renégociation d’un accord franco-algérien […] qui confère un statut favorable aux Algériens pour leurs conditions de circulation, de séjour et d’emploi en France est à l’ordre du jour», a, en effet, affirmé Elisabeth Borne, dans un entretien au Figaro, en décembre 2023.
L’ancienne pensionnaire de Matignon avait précisé que l’accord avait été à l’ordre du jour de la réunion avec les responsables politiques algériens, en octobre 2022. «Dans les conclusions du quatrième Comité intergouvernemental de haut niveau France-Algérie, nous avions évoqué l’ouverture de discussions en vue d’un quatrième avenant à cet accord. Nous avons des demandes et le gouvernement algérien en a de son côté. C’est donc effectivement à l’ordre du jour», avait-elle déclaré au journal français de droite.
Au regard de la multiplication des intervenants au sujet de l’accord algéro-français de 1968, il apparaissait évident, depuis des mois, qu’on s’acheminait inévitablement vers une demande de révision de celui-ci par Paris. Commencée par l’ancien ambassadeur de France à Alger, le très remonté Xavier Driencourt, la campagne a vu deux autres responsables politiques aborder le sujet, en abondant dans le même sens que le diplomate «à la retraite», l’ancien Premier ministre Edouard Philippe et le président du Sénat, Gérard Larcher.
L’accord algéro-français de 1968, signé, côté algérien, par le défunt Abdelaziz Bouteflika et, côté français, par l’ambassadeur de l’époque à Alger, Jean Basdevanta, a fait couler beaucoup d’encre. Le gouvernement français, qui a procédé par étapes, préparant l’opinion publique à l’amendement de cet accord qui dérange les uns et sert de marchepied politique aux autres, cherche clairement à élaguer les articles censés offrir des avantages aux travailleurs et aux étudiants algériens en France. En réalité, des avantages qui ne sont plus appliqués depuis de longues années et qui ont été détournés au profit des ressortissants marocains.
K. B.
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