La crise de la gouvernance ou la politique bourgeoise à l’ère de la récession économique (VII)
Dossier réalisé par Khider Mesloub – A cette étape de notre étude, on peut affirmer que la société américaine permet d’observer les évolutions qui parcourent l’ensemble de la civilisation marchande à l’échelle de la majorité des pays. L’atomisation des individus et la colonisation de nos vies quotidiennes par le capitalisme ne cessent de se renforcer.
La mascarade des élections tourne à vide. La «démocratie» est une façade. En vrai, la démocratie est corsetée par les marchés, ligotée par le capital, verrouillée par la force armée. De surcroît, il ne faut pas perdre de vue la nature de classe de l’Etat. De même la nature de classe de ses représentants. Car, l’Etat n’est pas une abstraction métaphysique, mais constitue un véritable corps politique et militaire matérialisé par un personnel bourgeois œuvrant loyalement et fidèlement au service de sa Majesté le Capital.
Dans tous les pays, l’Etat est gouverné par les classes possédantes. Les hommes politiques, les banquiers et les patrons appartiennent tous à la même classe : la bourgeoisie. Souvent, ils ont grandi dans les mêmes quartiers huppés, fréquenté les mêmes écoles, les mêmes prestigieuses universités, les mêmes partis politiques, les mêmes espaces de sociabilité bourgeois.
A plus forte raison, à l’époque de la domination totalitaire du capital, les plus grands médias sont les agents de communication du capital. Cependant, si la politique sature l’espace médiatique, en revanche l’espace médiatique ne structure aucune politique. Les médias, aux caisses alimentées par l’argent sale des groupes financiers et des subventions étatiques, sont devenus de simples caisses de résonance de l’idéologie de leurs souteneurs.
A l’instar des Etats-Unis, pionniers en la matière, la politique se réduit désormais à une «politique de communication» offerte par une «société du spectacle» à l’idéologie spectrale. Le divertissement et les débats télévisés rythment la vie politique. La démocratie représentative se réduit effectivement à une simple représentation spectaculaire. Le débat politique devient particulièrement médiocre et se focalise sur le dérisoire, les «thématiques manipulatoires», à l’exemple de la France décadente engagée dans une répugnante campagne électorale axée essentiellement sur l’immigration et l’islam.
Le projet politique disparaît au profit d’un produit marketing ou d’idéologies putréfiées. Car tous les partis n’ont qu’un programme politique à présenter et à défendre : celui du Capital, autrement dit de l’économie capitaliste, de la société libérale, de l’idéologie dominante bourgeoise sénile. Même les partis de «gauche» et d’extrême-gauche ne sont plus des partis socialistes avec une base prolétarienne. Au contraire, ces partis sont devenus de véritables appareils de bureaucrates et de professionnels de la politique issus de la petite bourgeoisie. Au reste, ils ne se présentent plus comme socialistes, mais comme les meilleurs gestionnaires du capital face aux excès de la droite (ou de la gauche réformiste). Les idées utopistes et révolutionnaires sont désormais congédiées pour se plier au réalisme froid de la gestion du capital. Leur politique consiste désormais à associer à la gestion du système capitaliste les nouvelles couches moyennes intellectuelles et techniciennes en quête de sinécures et de prébendes. La bourgeoisie évolue. Et une petite bourgeoisie intellectuelle émerge. Les dirigeants du pays doivent donc être à l’image de ces nouvelles classes sociales émergentes.
Pour ce qui est de l’Algérie, elle est engagée dans le même processus de politique spectacle, particulièrement vrai en cette période de crise systémique du capitalisme. Dans ce sens, les partis apparaissent comme de parfaits conservateurs. Ils font l’apologie de la «modernisation» du capitalisme.
Il faut dénoncer ces fausses alternances qui ne modifient pas les structures du capitalisme. Car, ni le pouvoir algérien ni les partis d’«opposition» inféodés au système rentier ne peuvent apporter une solution politique salvatrice à la crise économique actuelle dans le cadre du capitalisme.
De toute évidence, il faut procéder à une critique radicale de la politique. Il faut rejeter la critique moralisante pour privilégier une analyse de classe. Les politiciens s’attachent à ce que tout change dans la continuité pour que rien ne change. Autrement dit, leur rôle est d’assurer la reproduction du capital, la pérennisation de l’Etat capitaliste, de garantir politiquement le maintien de l’ordre établi, les conditions socioéconomiques et idéologiques de la société.
Aucune forme d’émancipation sociale ne peut surgir des institutions politiques dominantes. Seule une politique émancipatrice et anticapitaliste en rupture avec le fétichisme de la marchandise doit guider l’action politique vers la transformation de la société. Les institutions supposées neutres et les illusions électoralistes nourrissent le discours du fatalisme politique.
Cette idéologie du défaitisme moderne vise à éradiquer tout projet de société alternative. La rupture avec le capitalisme est désormais assimilée au totalitarisme, un concept creux devenu à la mode. Surtout, l’ordre social n’est plus qualifié de capitaliste. Avec la novlangue, on dit plutôt libéralisme. Dès lors, ceux qui s’en prennent au capitalisme sont taxés d’archaïques, d’utopistes. (L’utopisme, c’est de croire à l’éternité de ce système capitaliste en pleine dégénérescence).
Malgré la diversité apparente de leurs programmes électoraux, tous les partis politiques algériens ne proposent aucune alternative, sinon celle de préserver l’ordre existant, comme la récente expérience du Hirak l’a amplement prouvé par sa vacuité politique, son mutisme revendicatif social, par l’absence de programme économique alternatif, l’absence de projet de société alternative. Le combat carnavalesque du Hirak s’est limité à réclamer le départ du gouvernement, la fin du système, condensé dans le fameux et fumeux slogan Yatnahaw ga3 ! (Qu’ils dégagent tous). Comme si le fait de dégager les locataires du pouvoir algérien réglerait la question fondamentale de la propriété des richesses, autrement dit la question de l’appropriation des moyens de production et du contrôle de la distribution, laissées toujours au secteur privé ou à l’Etat capitaliste, ce qui revient au même.
Avec la crise économique, l’Etat ne peut être que le gestionnaire du désastre capitaliste. Aujourd’hui, en Algérie comme dans tous les pays, tous les gouvernements se bornent à gérer le capitalisme en déclin. Aucun parti prétendument d’«opposition» ne peut apporter de solution dans le cadre du maintien de l’ordre social dominant existant. Aucun parti politique ne mérite le soutien du prolétariat algérien, à plus forte raison les formations à caractère confessionnel, notamment les islamistes, ou ethnico-linguistique, les berbéristes, dépourvues de tout projet politique ou programme économique. Ces partis réactionnaires, œuvrant souvent pour des puissances étrangères, travaillent à la dislocation des institutions étatiques de l’Algérie, notamment par leurs vitupérations et frondes contre l’armée, accusée de tous les maux alors qu’elle est le rempart de l’Algérie. Paradoxalement, ces partis politiques ne dénoncent jamais l’impérialisme, responsable du sous-développement de l’Algérie.
De manière générale, depuis la crise économique de 2008, tous les Etats sont réduits désormais à gérer des politiques d’austérité. Dans un contexte de chômage de masse chronique et de paupérisation endémique, dans de nombreux pays, l’Etat aiguise sa fonction de maintien de l’ordre. Il excelle en matière sécuritaire. C’est l’unique domaine où sa compétence demeure extraordinairement efficace. Où il investit sans compter dans le recrutement du personnel et l’équipement répressifs.
Indéniablement, les politiques libérales d’austérité s’accompagnent d’un renforcement de la répression et de l’Etat policier, comme on l’observe depuis plusieurs années en France, «pays des droits de l’Homme» !
L’Etat de droit, censé garantir quelques libertés, se transforme dans de nombreux pays en Etat d’exception permanent et de répression endémique. A l’exemple de la France où l’état d’urgence est imposé depuis 2015, où la répression policière s’est déchaînée contre les Gilets jaunes. Ce dispositif répressif est accompagné de mesures de fichage, d’assignations à résidence, d’interdictions de manifestations, voire de violences policières. Sous couvert d’antiterrorisme, partout l’Etat français use d’une politique de répressions des luttes sociales, voire de criminalisation de la lutte sociale. Aujourd’hui, sous couvert de lutte contre l’apologie de «terrorisme du Hamas», la majorité des pays occidentaux, en particulier la France, renforcent leurs dispositifs sécuritaires répressifs contre les militants antisionistes.
Une chose est sûre, le changement social ne passe pas par l’Etat mais par une rupture avec les institutions, la représentation et la délégation des pouvoirs, pour inventer de nouvelles formes d’interventions directes horizontales. Pour preuve : même les choix électoraux les plus audacieux se révèlent impuissants. En Grèce, le parti d’extrême-gauche Syriza avait accédé au pouvoir. Pourtant, le nouveau gouvernement avait appliqué les mêmes mesures d’austérité libérales que ses prédécesseurs.
En France, une nouvelle équipe dirigeante constituée de mercenaires sans attache politique traditionnelle aux partis classiques, dirigée par le banquier Macron, a été hissée au pouvoir pour mener une véritable guerre de classe contre les classes populaires. Cette forme de gouvernement bonapartiste se veut au-dessus des partis, mais en vrai ce gouvernement macronien est au service d’une minuscule partie de la population, celle liée au capital, la bourgeoisie, et au sionisme génocidaire.
Aux Etats-Unis, une nouvelle faction bourgeoise, incarnée par Biden, a été propulsée au Capitole pour asseoir les bases d’une économie de guerre afin de neutraliser les velléités dominatrices de la Chine et de briser la résistance populaire du prolétariat américain, acculé à la révolte.
K. M.
(Suivra)
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