Les accords Maroc-Union européenne sont illégaux : la justice a tranché

Maroc Union européenne
Le Maroc voit ses 30 millions d'euros annuels engloutis dans les eaux du Sahara Occidental D. R.

Une contribution de Saïd Ibrahim – La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) reconnaît l’illégalité des accords de pêche au Sahara Occidental : une victoire pour le Front Polisario.

Le verdict tant attendu de la Cour suprême européenne est tombé. Après plus de dix ans d’âpres batailles juridiques, la plus haute juridiction de l’Union européenne a tranché en faveur du Front Polisario, le mouvement représentant le peuple sahraoui dans le conflit sur le Sahara Occidental. La Cour a jugé que les accords de pêche et agricoles conclus entre l’Union Européenne (UE) et le Maroc sont illégaux, car ils incluent des ressources en provenance de territoires non autonomes, en l’occurrence le Sahara Occidental, un territoire encore en quête d’autodétermination.

L’affaire, qui remonte à 2011, met en lumière la complexité des relations économiques entre l’UE et le Maroc, notamment dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture. Les eaux sahraouies, particulièrement poissonneuses, sont un enjeu majeur dans les accords de pêche signés entre Rabat et Bruxelles. Chaque année, le Maroc recevait environ 30 millions d’euros de la part de l’UE en échange de l’exploitation des ressources maritimes sahraouies. Une manne désormais perdue avec cette décision de la Cour suprême européenne.

En plus de la pêche, la production agricole sahraouie a également fait l’objet de la décision. La Cour exige désormais que les produits issus de ces territoires portent la mention «Made in Western Sahara» afin de refléter leur origine véritable et non une prétendue souveraineté marocaine sur la région.

L’Union européenne et ses Etats membres divisés

La France, l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal, la Hongrie et la Tchéquie ont tous fait appel de décisions antérieures rendues en faveur du peuple sahraoui, cherchant à maintenir les accords commerciaux avec le Maroc. Ces pays, parmi les principaux bénéficiaires des accords de pêche, voyaient d’un mauvais œil la remise en question de ces traités. Toutefois, la Cour a fermement rejeté leurs arguments, rappelant que les accords signés au détriment de populations non autonomes sont contraires au droit international.

La décision est un véritable camouflet pour Rabat, qui voit sa souveraineté sur le Sahara Occidental une nouvelle fois mise à mal sur la scène internationale. En effet, cette décision fait écho aux nombreux débats à l’ONU concernant le statut de ce territoire disputé.

Impact économique en Europe : les agriculteurs en première ligne

Cette décision de justice aura également des répercussions économiques importantes en Europe. Les paysans européens, notamment ceux de l’Espagne et de la France, se réjouissent d’une potentielle diminution des importations de fruits et légumes marocains, produits dans des conditions souvent jugées inéquitables par rapport aux standards européens. Les producteurs agricoles européens dénonçaient depuis longtemps la concurrence jugée déloyale de ces produits marocains, souvent moins chers en raison des très bas salaires au Maroc.

Cette dynamique pourrait également influencer les futures négociations commerciales entre l’UE et le Maroc car la Cour a explicitement reconnu que le Sahara Occidental n’est pas marocain. Cela ouvre la voie à des ajustements dans les accords commerciaux, avec une plus grande sensibilité aux origines des produits échangés.

Réaction mitigée du Maroc

Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères, a réagi avec une relative désinvolture, qualifiant ce verdict de «non-événement». Selon lui, les juges ayant statué étaient sur le point de prendre leur retraite, laissant entendre que leur décision aurait pu être biaisée. Ce genre de rhétorique, visant à discréditer des décisions judiciaires internationales, est souvent utilisé par les responsables marocains pour atténuer l’impact des revers diplomatiques auprès de leur opinion publique.

Cependant, cette tentative de minimiser la portée de la décision n’efface pas la réalité : le Maroc subit un revers majeur dans sa gestion de la question sahraouie, tant sur le plan économique que diplomatique.

L’intervention remarquée de Mohamed Doumir à l’ONU

Le 8 octobre dernier, lors d’une session de la quatrième commission de l’ONU, l’influenceur algérien Mohamed Doumir a fait une intervention qui a fortement marqué les esprits. Connue pour traiter des territoires non autonomes, cette commission est un lieu clé pour les débats autour du statut du Sahara Occidental, toujours en attente de sa décolonisation. Doumir, s’exprimant pendant les deux minutes qui lui étaient imparties, a utilisé ce court laps de temps avec une maîtrise surprenante pour présenter des éléments historiques contestataires de la prétention marocaine sur le Sahara Occidental. Son discours a mis en lumière des preuves accumulées sur des décennies, soutenant que cette région n’a jamais été sous la souveraineté marocaine.

Son intervention s’est immédiatement heurtée à l’opposition de la représentante marocaine. Celle-ci, visiblement déstabilisée par l’argumentation solide et documentée de Doumir, n’a pas hésité à l’interrompre à plusieurs reprises. Dans son droit de réponse, elle est même allée jusqu’à proférer des menaces indirectes contre l’influenceur algérien, tentant de discréditer ses propos en les qualifiant de «manipulation historique». Cependant, Doumir, loin de se laisser intimider, a repris la parole avec encore plus de vigueur, dévoilant une thèse inattaquable fondée sur des faits historiques et des archives indiscutables.

Des documents historiques irréfutables

Dans la suite de son discours, Mohamed Doumir a exposé des éléments clé remontant à l’époque des colonisations européennes. Il a notamment mis en avant le fait qu’en 1956, lors de l’indépendance du Maroc, ce dernier avait officiellement accepté les frontières laissées par la France, reconnaissant de facto que le Sahara Occidental ne faisait pas partie de son territoire. Doumir a également révélé que plus de 4 000 documents historiques ont été déposés auprès de la commission de l’ONU, apportant des preuves irréfutables de l’indépendance du Sahara bien avant l’expansion coloniale marocaine.

Parmi ces documents figurent des correspondances historiques entre les sultans de Marrakech et les rois d’Espagne. Ces lettres, d’une valeur inestimable sur le plan diplomatique, démontrent que les sultans marocains reconnaissaient eux-mêmes que leur souveraineté s’arrêtait à Oued Noun, une région bien au nord des territoires sahraouis. En d’autres termes, les autorités marocaines de l’époque ne revendiquaient aucunement le contrôle sur les territoires aujourd’hui disputés.

Un coup dur pour le Maroc sur la scène internationale

Cette intervention de Mohamed Doumir n’est pas un simple fait isolé, mais s’inscrit dans une série de revers diplomatiques pour le Maroc sur la question du Sahara Occidental. Alors que le royaume chérifien tente depuis des décennies de faire valider sa souveraineté sur cette région, des voix comme celle de Doumir rappellent à la communauté internationale que cette revendication est fondée sur des bases fragiles. En revenant aux faits historiques et en s’appuyant sur des archives longtemps ignorées, Doumir et d’autres défenseurs de la cause sahraouie contribuent à rééquilibrer le débat.

Les réactions à cette intervention n’ont pas tardé à se faire sentir. Si elle a suscité une vive opposition de la part des représentants marocains, elle a également renforcé le soutien international pour le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. De plus en plus d’Etats, notamment en Amérique latine et en Afrique, se sont exprimés en faveur d’une solution qui respecte la volonté du peuple sahraoui, en accord avec les résolutions de l’ONU.

Une situation qui se tend au sein de l’ONU

L’incident lors de l’intervention de Mohamed Doumir est symptomatique de la tension qui entoure les débats sur le Sahara Occidental à l’ONU. La question sahraouie, l’une des dernières grandes affaires de décolonisation non résolues, cristallise des tensions diplomatiques majeures entre les pays soutenant l’autodétermination du peuple sahraoui, tels que l’Algérie, et ceux favorables à la position marocaine.

Dans les jours qui ont suivi l’intervention, plusieurs délégations ont exprimé leur soutien à Doumir, tout en dénonçant les tentatives d’intimidation à son encontre. Le ton est ainsi monté entre les représentants du Maroc et les partisans de la cause sahraouie, transformant la quatrième commission en un véritable champ de bataille diplomatique.

Malgré les menaces et les interruptions, l’intervention de Doumir a eu un retentissement considérable. En exposant des faits historiques oubliés ou volontairement passés sous silence, il a permis de raviver le débat sur la légitimité des revendications marocaines et de renforcer la position du Front Polisario sur la scène internationale. Cette intervention, bien que brève, pourrait marquer un tournant dans la manière dont la question sahraouie est perçue à l’échelle mondiale.

S. I.

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